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Publié par J.L.D.

La musique donne une âme à nos cœurs et des ailes à la pensée. Platon

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Une star du violon incognito dans le métro de Washington 

Un violoniste de rue était debout dans l’entrée d’une station  du métro de Washington. Il a commencé à jouer durant 45 minutes ce matin froid de Janvier En commençant par un des morceaux les plus durs à réaliser: La Chaconne de Bach, partie numéro 2 en ré mineur, d’une extrême difficulté technique (beaucoup de musiciens tentent de la maîtriser, très peu y parviennent) A cette heure de pointe, vers 8h du matin, quelque mille personnes ont traversé ce couloir. Seulement après trois minutes, un homme d’âge mûr a remarqué le musicien. Il a ralenti son pas, s’est arrêté quelques secondes puis a démarré en accélérant. Une minute plus tard, le violoniste a reçu son premier dollar. Les gens passent et ne font pas plus attention que cela. Celui qui a marqué le plus d’attention fut un petit garçon qui devait avoir trois ans. Mais sa mère l’a secoué et agrippé afin que l’enfant reprenne le pas. Durant les trois quarts d’heure de jeu du musicien, seules sept personnes se sont vraiment arrêtées pour l’écouter un temps. Et seule une vingtaine environ lui ont donné de l’argent. (32 dollars au total). Quand il a fini de jouer, personne ne l’a remarqué. Personne n’a applaudi. Sauf une seule l’a reconnu sur plus de mille. Personne ne savait que ce violoniste était Joshua Bell, un des meilleurs musiciens sur terre.Il a joué dans cette station de metro les partitions les plus difficiles jamais écrites avec un Stradivarius de 1713 valant 3,5 millions de dollars. 2 jours avant de jouer dans le métro, il a donné une prestation au théâtre de Boston qui affichait « complet » avec des prix avoisinant les 100 dollars la place. C’est une histoire vraie. Joshua Bell jouant incognito dans une station de métro a été organisé par le journal «Washington Post». Pour répondre aux questions: Dans un environnement commun, à une heure inappropriée, pouvons-nous percevoir la beauté ? Nous arrêtons-nous pour l’apprécier ? Reconnaissons-nous le talent dans un contexte inattendu ?

Une des possibles conclusions de cette expérience pourrait être :
si nous n’avons pas le temps pour nous arrêter et écouter un des meilleurs musiciens au monde jouant quelques-unes des plus belles partitions jamais composées, à côté de combien d’autres choses passons-nous ?

Arnaud Parise.

On dit que les meilleurs musiciens sont ceux qui ont connu la rue.

La grande histoire des musiciens-chanteurs de rues en France

Par Arnaud MOYENCOURT, Juillet 2011

Cette étude est basée sur la rédaction d’un article paru dans la revue de septembre 2009 de l'A.A.I.M.M (Association des Amis des Instruments et de la Musique Mécanique), et a été enrichie ensuite durant l'année 2010 par la recherche et l’exploitation d'articles de journaux parus entre 1854 et 2003. Le choix de présentation thématique à l’origine, a été revu pour permettre de détacher trois périodes significatives dans l’évolution de notre métier, avec comme pivot l’apogée du XIXème s., qui vit un développement sans précédent de l’activité musicale et chansonnière ambulante. Nous remercions particulièrement Philippe Darriulat de nous avoir autorisé à reproduire ci-après un "fait divers" en date du 14 juin 1831, extrait de son livre "La muse du peuple, chansons politiques et sociales en France, 1815-1871", pp. 221-222 (ouvrage édité en décembre 2010 par les Presses Universitaires de Rennes, et dont nous vous recommandons tout particulièrement la lecture…) ​​​​​​​

Les ménétriers et les saltimbanques, du XIVème au XVIIIème : A l'origine, et depuis des périodes très anciennes, les musiciens de rues se sont toujours trouvés répartis en deux groupes bien distincts : les groupes issus des "musiques savantes" ou "musiques du pouvoir", constitués par les ménétriers et musiciens du roi, aujourd'hui par les orphéons et fanfares militaires, et... les autres, rangés dans la catégorie "musiques populaires", représentés par les saltimbanques, jongleurs, bateleurs et autres cogne-trottoirs. Appelés troubadours (au Sud) ou trouvères (au Nord) lorsqu'ils chantaient, jongleurs lorsqu'ils faisaient des tours d'adresse; ils sont la grande famille des saltimbanques que l'on retrouve aujourd'hui sous des noms différents selon les endroits : cogne-trottoir en argot, amuseurs de rues au Québec… Nous n'abordons ici que les chanteurs et musiciens, mais, dans la grande famille des saltimbanques, on compte aussi les jongleurs, bateleurs, et autres artistes, qui pratiquent aussi bien souvent un instrument de musique, à l'instar des clowns actuels. Leur usage de la farce et de la comédie leur vaudra bien souvent les foudres de l'église catholique, le rire étant l'apanage du diable... Les instruments utilisés sont la flûte, le hautbois, la cornemuse, la vielle, le violon, les percussions. Leur pratique durera jusqu'au XVIIIème s., et se limite pour l'essentiel à l'accompagnement musical des fêtes et cérémonies locales (naissances, mariages, enterrements, tournois, foires, etc…). Les artistes jouent la plupart du temps en groupe, on parle alors de ménestrandise.

Il est curieux de constater dans l'histoire des musiciens et chanteurs ambulants que, très tôt, on les représente avec des feuilles ou livrets de chansons à vendre : en effet, si on considère qu'avec l'achèvement du Pont-Neuf (1606) à Paris, les textes imprimés se multiplient, qui, à cette époque, est susceptible de les lire, sachant que la population des rues à laquelle elle s'adresse est majoritairement analphabète ? L'instruction obligatoire ne fut en effet instituée qu'en 1882, et sa mise en place sera longue et laborieuse… C'est l'instauration des allocations familiales (qui offrent une aide pouvant compenser les payes accordées aux enfants) à partir de 1945 qui rendra définitivement efficace cette obligation d' instruction jusqu'à 12, 14 ou 16 ans suivant les périodes. Les répertoires, comme nous l'avons vu, se composent essentiellement au début de "cantiques" ou de "chansons nouvelles", mais, si on détaille un peu, on entend aussi beaucoup de "chansons grivoises ou bachiques" ainsi que des "complaintes", et aussi des "complaintes judiciaires" (pratique datant du Moyen-Age, où les pendus et les roués inspiraient des chansons, et où les personnages illustres passant par l’échafaud avaient droit à une mort rimée et chantée accompagnée au violon…).Certaines de ces chansons ont été interprétées durant plus de deux siècles, ce qui explique leur notoriété. Le nombre de couplets et leur contenu était bien souvent modifié pour "coller" à l'actualité. Les règlements du Code de la Librairie de 1618, réaffirmés en 1723, spécifient que "les colporteurs ne pourront faire imprimer en leurs noms ni à leur compte", en outre, "Il est d'usage que l'imprimeur qui imprime leurs chansons ne les tire pas à moins de 12 pages", et les prix de vente sont imposés.

A Paris, en 1321, la "Confrérie St-Julien des Ménétriers" avait constitué une charte, signée par 37 ménestriers parisiens. Ils s'étaient approprié une rue : Rue des Jongleurs, devenue vers la fin du XVème s. Rue des Ménétriers, puis plus récemment Rue Rambuteau. Ses membres sont habilités à jouer de la musique pour les fêtes, noces, entrées royales, et plus généralement pour toutes demandes des pouvoirs civils et religieux. Ils ont le monopole de la rue, à Paris comme en province, face aux Musiciens du Roi qui ne jouent qu'en salle. Une réglementation spécifique existe à 1'égard des musiciens de rues depuis très longtemps : nos recherches documentaires en la matière remontent jusqu'en 1395 : Ordonnance du Prévôt de Paris obligeant "de ne rien dire, rien représenter ou chanter sur les places publiques ou ailleurs, qui puisse causer scandale à peine d'une amende de deux mois de prison au pain et à l'eau". Règlement du 30 mars 1635 (extrait): "Sont faites défenses à tous les chanteurs de chanson de s'arrêter en aucun lieu et de faire assembler du peuple". Edit du 20 octobre 1651 : "Sera puni du fouet l'auteur ou le chanteur de couplets jugés diffamatoires". Les imprimeries qui éditaient les textes jugés licencieux étaient saisies : en janvier 1703, une imprimerie clandestine établie à Senlis fut ainsi démantelée. A cette période, les emplacements utilisés sont rares : les rues sont étroites, très encombrées, et seuls les carrefours, ou quelques places et ponts (Pont-Neuf particulièrement) sont propices à nos activités. Le trottoir, apparu en France avec le Pont-Neuf en 1606, ne se généralisera qu’à partir des années 1855-1860 avec les travaux de Haussmann. Le contrôle et la censure s'installent rapidement : ainsi, en 1793, DANTON intervient à la tribune de la Convention pour combattre une interdiction concernant 1'Orgue de Barbarie : "Citoyens", disait-il, "J'apprends qu'on veut empêcher les joueurs d'orgue de nous faire entendre par les rues leurs airs habituels. Trouvez-vous donc que les rues de Paris sont trop gaies ? Trouvez-vous que le peuple de Paris ait trop de chansons aux lèvres ? On nous conteste bien des libertés. De grâce, laissez-nous la liberté de I'orgue de Barbarie, la liberté de nos refrains, la liberté de la chanson ! ..."

Ce qui est visé est clairement le caractère politique ou social de certains de nos textes, ainsi en 1794 : Arrêté du 23 Ventôse an II (13 Mars 1794): "La Convention ne tolère plus que les chansonniers patriotiques dont les emplacements sont attribués autoritairement". Jusqu'au XVIIème s., on ne retrouve pas vraiment de rapports de forces particuliers avec le pouvoir, mais, à cette période, les paroles imprimées prennent le pas sur la musique, et les marchands de chansons apparaissent, dit-on, avec l'achèvement du Pont-Neuf en 1606. On appellera même "Pont-Neuf" toute chanson populaire créée et diffusée de cet endroit, comme on appellera deux cent cinquante ans plus tard "goguette" tout titre écrit dans ces établissements. On sépare alors les chanteurs en deux genres "chanteurs de cantiques" et "chanteur de chansons nouvelles". Nous avons gardé en mémoire les noms de certains artistes dont le genre particulier a marqué l'histoire : Philippot le Savoyard, chanteur de farces et de grivoiseries vers 1650, Charles-Nicolas COCHIN, chanteur de cantiques en 1742, Ange PITOU chanteur royaliste vers 1790. Pendant la période de la Fronde (1648-1653), Mazarinades et pamphlets divers se développent, souvent pour se moquer ou combattre les personnages du pouvoir en place. La plupart sont anonymes, mais certains textes sont signés Retz, La Rochefoucauld… Rapidement imprimées et diffusées, ces feuilles seront vendues surtout à Paris, mais les colporteurs et musiciens ambulants les feront connaître sur tout le territoire. Les Musiciens du Roi reprennent 1'avantage au XVIIIème s., affaiblissant la Corporation des Ménétriers qui disparaîtra peu a peu, comme toutes les corporations, d'abord à Paris, puis sur 1'ensemble du pays. C'est également à cette période qu'apparaît 1'orgue de Barbarie, dont les origines ne sont pas clairement établies, mais qui proviendrait d'Italie du Nord ou d'Allemagne, vers 1780-1800 (On retrouve à ces dates des descriptions ou des gravures détaillées, permettant d'affirmer avec certitude la présence de 1'instrument tel qu'il existe encore actuellement). Sa pratique se développe ensuite dans toute 1'Europe, dans la première moitié du XIXème s.

L’orgue de Barbarie sera souvent utilisé au XIXème s. par des personnes autres que des artistes de rues (en tant qu'instrument mécanique, pas besoin d'être musicien pour en jouer), comme les camelots bonimenteurs (MANGIN, marchand de crayons, ou Claude COTE dit l'anti-MANGIN, vendeur de pipes antinicotine...), ou les invalides de guerre (suite aux campagnes napoléoniennes, les invalides avaient le choix entre une maigre pension, ou l'octroi d'un orgue de barbarie avec la permission d'en jouer). Ces utilisations laissèrent dans l'histoire une image souvent peu reluisante de l'instrument, qui, bien utilisé et bien accordé, permet pourtant des prestations artistiques de qualité. Avec le XIXème s. apparaissent aussi les Goguettes, arrière-salles des cafés où les ouvriers se réunissaient pour faire des textes de chansons sur des airs préexistants ("Faire une goguette"). Utilisant des paroles ambigües ou le double-sens pour échapper à la répression (les mouchards de la police fréquentaient assidûment les goguettes les plus connues), elles virent l'éclosion de talents reconnus, ancêtres de nos chansonniers : Emile DEBRAUX, Charles GILLE, Charles COLMANCE… On dit aussi que Jean-Baptiste CLEMENT (Le temps des cerises) ou Eugène POTTIER (L'Internationale) y avaient leurs habitudes. On sait qu’Adolphe THIERS se rendait régulièrement au cabaret de la Mère Saguet qui tenait lui aussi des goguettes vers 1825… Au delà de reprendre des musiques existantes, ils composèrent aussi parfois leurs propres accompagnements, ce qui renforça encore l'intérêt pour ces lieux chantants. Ainsi, à partir de 1820, les goguettes se multiplièrent par milliers dans tout Paris, elles disparurent partiellement avec la répression de Napoléon III en 1851, qui avait interdit les goguettes politiques, mais leur esprit renaîtra dans les sociétés chantantes du début du XXèmes, comme "La Muse Rouge" par exemple. La loi du 21/10/1814 impose aux chanteurs de rue de déposer un exemplaire des chansons interprétées à la Direction Générale de la Librairie, et de garder sur lui un exemplaire visé par la préfecture de police. Les textes ne doivent pas contrevenir à la morale et à l'ordre public, obligation vague qui permet de censurer ou d'interdire largement au gré de l'humeur du pouvoir en place… Cette institution, appelée "commission de colportage", timbrait chaque recueil autorisé (timbre "Colportage. Seine" pour la région parisienne). 1816 : La Préfecture de Police de Paris intervient pour personnaliser et officialiser la pratique de 1'orgue de Barbarie Ordonnance du 4 Juillet 1816 (extraits) : "A dater d'un mois après la publication de la présente Ordonnance, personne ne pourra jouer de 1'orgue dans les rues et places publiques de Paris ou des Communes rurales du ressort de la Préfecture de Police, qu'il n'en ait obtenu de Nous la permission , laquelle sera renouvelée tous les ans. A l'avenir, aucune permission ne sera renouvelée ou accordée que sur un certificat de bonne vie et moeurs délivré, a Paris, par un Commissaire de Police, et dans les Communes rurales, par le Maire, sur la déclaration de deux témoins domicilies. Tout individu , ayant la permission de jouer de 1'orgue dans les rues et places publiques de Paris ou des communes rurales du ressort de la Préfecture , sera tenu d'avoir une plaque ou sera inscrit le numéro de sa permission. Cette plaque devra être portée ostensiblement et de manière à être facilement aperçue. L'orgue devra porter le même numéro. Aucun joueur d'orgue ne pourra chanter d'autres chansons que des ariettes ou vaudevilles extraits des pièces de théâtre représentées".

En 1821, les autorités tentent une infiltration du milieu, en proposant à l'Etat de recruter des musiciens-chanteurs de rues, et limiter ainsi la propagation des "textes subversifs". Cette manœuvre n'eut pas le succès escompté, et la police dut se replier sur le traditionnel contrôle à la source (Surveillance des auteurs-compositeurs, des éditeurs et imprimeurs). A la même époque, Pierre-Jean de BERANGER connaît ainsi des sanctions pour ses recueils parus en 1821 et 1828, où il dénonce clairement le pouvoir et ses serviteurs : hommes politiques, bourgeoisie, église. L'idée d'utiliser les camelots ou artistes de rues à des fins de propagande a aussi été reprise en 1849, par Maurice LACHATRE (éditeur et imprimeur républicain) qui voulait instaurer un "plan de propagande socialiste par voie de complaintes, de romans et d'orgues de Barbarie"; et aussi dans les "grandes affaires" de la fin du XIXème s. comme l'affaire du canal de Panama (1889-1893), ou l'affaire DREYFUS (1896-1899), où de nombreuses chansons ont été créées pour influencer l'opinion publique, et contribuèrent à la prospérité des camelots et de leurs imprimeurs du quartier du Croissant, tels Napoléon HAYARD, l'empereur des camelots, qui cumulait d'ailleurs ces deux activités. 1822 : Lettre du 6 avril 1822 du Préfet de Police de Paris G. Delavau aux commissaires de Police, visant à "faciliter la surveillance" des Chanteurs et Joueurs d’orgue. Il précise que "Les Chanteurs (dont le nombre n’excède pas 40) chantent des chanson composées, dont les recueils, presque toujours sous un même format, auront été soumis à un examen à ma Préfecture. Tout Chanteur est tenu, aux termes de sa Permission même, de ne jamais circuler, vendre, proposer ou chanter de chanson, sans en porter sur lui un exemplaire visé à ma Préfecture, (les recueils seraient en outre paraphés sur toutes les pages), afin de pouvoir le produire à toute réquisition. Les Joueurs d’orgue ne peuvent chanter que des ariettes ou vaudevilles extraits de pièces de Théâtres représentées, et les recueils imprimés qu’ils débiteraient ou proposeraient, ne pourront contenir autre chose que les paroles de ces ariettes ou vaudevilles". C'est le désormais célèbre chanteur et imprimeur AUBERT (puis son fils) qui auront la charge d'apposer le visa sur toutes les chansons qui lui seront soumises, ce qui lui donnera un monopole de fait durant une trentaine d'années, et lui permettra d'approvisionner en chansons "officielles" tous les colporteurs, chanteurs, marchands de chansons durant cette période.

1822 : Ordonnance de la Préfecture de Police de Paris du 2 septembre 1822, premier texte à portée générale concernant tous les musiciens-chanteurs de rues. Un "fait divers" en date du 14 juin 1831 mérite d’être cité en sa totalité, extrait du livre "La muse du peuple" de Philippe DARRIULAT, pp. 221-222 : "Le chanteur de rues occupe une place de choix dans le monde traditionnel des petits métiers, univers souvent présenté comme appartenant au patrimoine d'une culture populaire dont les origines remonteraient à la nuit des temps. Cette perception assure aux musiciens publics la complicité des populations auxquelles ils s'adressent: si aucun uniforme de sergent de ville ou de gendarme n'est en vue, ils peuvent chanter à peu près ce qu'ils veulent sans prendre trop de risques. Un fait divers qui dégénéra presque en mouvement insurrectionnel, permet d'apprécier la bonne insertion des chanteurs de rues dans les quartiers populaires. Le 14 juin 1831, un joueur d'orgue qui chante des airs en l'honneur de Napoléon et de la Grande armée s'installe devant le numéro 49 de la rue Saint-Denis à Paris. L'horloger bijoutier qui tient boutique à cette adresse n'apprécie ni cette présence ni le contenu des refrains entonnés; il sort de son échoppe, bouscule et frappe à coup-de-poing notre musicien. Immédiatement un attroupement se forme dans cette rue située au cœur du Paris populaire, révolutionnaire mais aussi chansonnier: les cris d'"A mort les jésuites" et "A mort les carlistes" sont entendus et une botte de foin attachée à une corde est accrochée à la devanture du commerçant. Le lendemain de nouveaux rassemblements ont lieu, la tension monte, des pierres volent en direction de la boutique et la garde municipale est obligée d'enlever le bijoutier afin de le soustraire à l'ire de la foule. À dix heures, des ouvriers abattent l'enseigne et une partie de la devanture aux cris de « Vive le roi, à bas les jésuites ». Les rumeurs les plus folles circulent et alimentent les passions. Toute la journée l'agitation continue, suscitant même l'intervention de la cavalerie dans la soirée. Le lendemain et le surlendemain les affrontements se prolongent avec la garde nationale, de très jeunes gens lancent le cri de "Vive Napoléon II, vive la République" et l'armée est envoyée sur place le 17 pour rétablir l'ordre; un manifestant qui a sorti un pistolet est même blessé d'un coup de baïonnette. Il est fort probable que des militants républicains aient pris part à ces événements. Pour autant il est évident que la foule mobilisée tient, au moins autant, à défendre un personnage totalement intégré au paysage de la cité qu'à faire valoir les intérêts d'un parti. La relative confusion des cris lancés – "Vive le Roi", "Vive Napoléon II", "Vive la République" –, l’arrivée rapide de la rumeur et son importance dans l’entretien de la tension, la pendaison d’une botte de foin, le confinement de ces évènements dans le seul quartier où le musicien exerce son activité…témoignent du soulèvement spontané d’une population solidaire d’un chanteur de rues contre l’intervention de personnes physiquement ou socialement étrangères : un horloger-bijoutier appartenant à la catégorie la plus aisée de l’artisanat, la police, l’armée, etc…" Selon les chiffres de la Préfecture de Police, en 1831, on compte

Selon les chiffres de la Préfecture de Police, en 1831, on compte à Paris 271 musiciens ambulants, 220 saltimbanques, 106 joueurs d'orgue de Barbarie, et 135 chanteurs, soit en tout 732 artistes de rues toutes catégories confondues. 1831 : Ordonnance de la Préfecture de Police de Paris du 14 décembre 1831 concernant "Les Saltimbanques, Chanteurs, avec ou sans instrumens, les Bateleurs, Escamoteurs, Baladins, Joueurs d’orgues, Musiciens ambulans, et Faiseurs de Tours sur la voie publique", et limitant le nombre d’emplacements à 26… sauf pour les joueurs d’orgue de barbarie, qui peuvent "circuler en tous tems, et jusqu’à 10 heures de la nuit dans les rues de la Capitale". 1834 : Loi de Louis-Philippe, Roi des Français, précisant que "Nul ne pourra exercer, même temporairement, la profession de crieur, de vendeur ou de distributeur, sur la voie publique, d’écrits, dessins et emblèmes imprimés, lithographiés, autographiés, moulés, gravés ou à la main, sans autorisation préalable de l’autorité municipale. Cette autorisation pourra être retirée. Les dispositions ci-dessus sont applicables aux chanteurs sur la voie publique". 1834 : Ordonnance de la Préfecture de Police de Paris du 22 février 1834 : mesures applicatives de la Loi de LouisPhilippe du 16 février 1834 mentionnée ci-dessus. Cette mention "Loi du 16 février 1834" est estampillée sur toutes les médailles-plaques de métiers en cuivre que doivent porter les chanteurs de rues. 1839 : "Instructions relatives aux Joueurs d’orgue, Musiciens ambulans, Saltimbanques ou Chanteurs, infirmes, estropiés ou cul-de-jatte" par lesquelles le Préfet de Police G. Delessert interdit l’activité aux handicapés… On remarque déjà le souci de l’image que les autorités souhaitent donner de la Capitale… 1853 : Ordonnance de la Préfecture de Police de Paris du 4 décembre 1853 : Ordonnance de police relative aux saltimbanques, joueurs d’orgue, musiciens ambulants, chanteurs et autres industriels de cette nature dans le département de la Seine, annulant toutes les permissions antérieures, et renforçant le contrôle de l’identité des artistes et sur la nature de leurs répertoires. Elle précise les droits et obligations des artistes de rues selon leur activité, et impose des emplacements pour chaque activité (Saltimbanque : 55 emplacements ; joueur d’orgue : 64 emplacements ; chanteur : 26 emplacements ; musicien ambulant : 64 emplacements). Cette ordonnance est suivie par une circulaire du Ministère de l’Intérieur du 13 décembre 1853, qui invite tous les préfets des départements à faire appliquer ces mesures sur l’ensemble du territoire.

A la suite de cette généralisation, de nombreuses lettres de préfets ou de maires sont remontées aux pouvoirs parisiens pour signaler les difficultés d’application ou les critiques de certaines de ces mesures, parfois inapplicables en certains lieux. Ainsi, on constate que les opposition à la réglementation ne sont pas seulement le fait des artistes eux-mêmes. Les plaques de métiers appelées aussi "médailles" sont une pratique courante pour permettre à la préfecture de police de contrôler la prolifération des "petits métiers de la rue" du début du XIXème s. jusqu'à la seconde guerre mondiale. 1874 : On comptait un pic d'environ 3000 musiciens ambulants italiens à Paris en 1870 (suite à l'exposition universelle de 1867, qui avait attiré beaucoup de musiciens ambulants), ce chiffre retombant à un millier en 1880, puis à 250 en 1899. Cette affluence avait motivé l’intervention des autorités françaises envers leurs homologues Italiens, ce qui s’est ensuite traduit par une note du Chef de la 1ère Division Lecour de la Préfecture de Police de Paris pour Monsieur le Chef de la Police Municipale du 14 novembre 1874 : "Dans le but de réprimer l’exploitation au point de vue de la mendicité des jeunes Italiens comme musiciens ou chanteurs ambulants, le Parlement Italien a édicté le 21 décembre 1873 une loi dont les articles 10 et 11 contiennent les dispositions suivantes : Art. 10 Ceux qui tiennent près d’eux à l’Etranger de jeunes Italiens âgés de moins de 18 ans employés à l’exercice des professions vagabondes devront, sous peine d’une amende de 100 à 300 francs, le déclarer aux représentants diplomatiques ou consulaires du royaume d’Italie, faire rapatrier eux-mêmes à leurs frais ces jeunes gens, ou s’ils ne le peuvent faire, les mettre à la disposition de l’Ambassade ou du Consulat qui pourvoiera à l’exécution de la mesure dont il s’agit. Art. 11 Les représentants du royaume d’Italie à l’Etranger devront dresser d’office une liste des mineurs italiens qui s’y trouveraient employés dans les professions vagabondes. Le gouvernement Italien, par l’intermédiaire du Consulat Général d’Italie, a demandé le concours de l’administration française pour l’accomplissement des mesures dont il s’agit, et il a été entendu que tous les enfants Italiens âgés de moins de 18 ans, que l’on rencontrerait dans le ressort de la Préfecture de Police, munis d’un instrument de musique, qu’ils soient ou non en état de mendicité, seront immédiatement arrêtés et conduits devant le Commissaire de Police du quartier ou de la circonscription, lequel après interrogatoire portant sur l’Etat-civil de ces enfants et sur les noms et demeures de leur exploiteur, les dirigera sur le dépôt près la Préfecture de Police, d’où ils seront ultérieurement conduits devant Monsieur le Consul Général d’Italie". On remarquera au passage l’hypocrisie de la mesure consistant à expulser les mineurs "pour leur bien", sachant que les familles d’artistes ambulants n’allaient pas abandonner leurs enfants, et allaient naturellement repartir en Italie avec eux… Au vu des chiffres, cette mesure a été particulièrement efficace ! Notons que les joueurs d'orgue de Barbarie bénéficieront, de juillet 1816 à novembre 1853, d'une liberté totale d'emplacement. D'autres réglementations prises le 14 Décembre 1831, le 30 novembre 1853 et le 28 Février 1863, permettront d'exercer sur une centaine d'emplacements dans tout Paris (dont 26 pour les chanteurs et 64 pour les joueurs d'Orgue), tirés au sort chaque semaine par les artistes autorisés. L’ordonnance de 1853 fera même l’objet d’une circulaire du ministre de l’Intérieur (décembre 1853) qui demandera aux préfets de s’inspirer de ce texte pour l’appliquer sur tout le territoire national (ce qui sera fait avec plus ou moins de succès selon les régions…)

La persistance des musiciens-chanteurs de rues face à la modernité, de 1880 à 1994 : De 1880 à 1903, certains groupes de pression (dreyfusards/antidreyfusards, scandale du Panama…) utilisèrent les camelots, par le biais de Napoléon HAYARD (surnommé "L'empereur des camelots) pour diffuser et populariser des chansons de propagande ou des "faire-part humoristiques" à forte connotation antisémite. Le seul but étant de vendre, tout était bon tant que le commerce marchait, même s'il fallait chanter une chose et son contraire à quelques semaines de différence ! Ainsi, durant toutes les "affaires" de la fin du XIXème s., les camelots furent instrumentalisés par l'un ou l'autre camp, se déplaçant même de Paris vers des villes de province pour vendre leur propagande, ou assurer une présence lors de manifestations locales ! Vers la fin du XIXème s., on comptera jusqu'à 10.000 chansons des rues par an, diffusées par des vendeurs-chanteurs avec ou sans accompagnement musical, mais aussi par des vendeurs qui ne chantaient pas, qu'on appelait des "papelards" (camelots vendeurs de papier). Les petits formats étaient achetés rue du Croissant (là où les grands journaux avaient leurs imprimeries) ou dans le Faubourg St-Denis. Ils allaient également chez des libraires-éditeurs populaires, comme chez Victor-Ludovic VIEILLOT (qui a commencé son activité vers 1840 au 32 rue Notre-Dame de Nazareth, et dont la succession a été assurée par L. LABBE ; ou Louis-Charles DURAND, lui-même chanteur de rues, qui édita de nombreux ouvrages de chansons à partir de 1830, dans sa "Librairie chansonnière" du 32, rue Rambuteau ; ou encore Henri PIAUD, goguettier à ses heures, à sa libraire rue Beauregard, appelé "Le St-Vincent de Paul des chansonniers" pour son aide aux auteurs qu’il publie, et qu’il réunit parfois dans son arrière-boutique pour y discuter et y chanter à l’abri de la police… ). Vers 1880, comme nous l'avons vu précédemment, les répertoires diffusés dans la rue changent de nature : peu à peu, les anciennes complaintes (Complainte de Fualdès, ) ou les titres extraits d'opéras ou d'opérettes (Les cloches de Corneville, ) se raréfient, et les chanteurs de rues doivent moderniser leurs répertoires, en intégrant les titres issus du Caf'Conc' et du Music'Hall : on passe du "classique" à la "chanson réaliste", popularisée également par les enregistrements phonographiques. Mais le nombre de "petits formats" diffusés dans les rues supplante encore largement celui des disques : pour des raisons de prix, les "petits formats" seront encore longtemps dans les rues, jusque dans les années 1960 ! A partir des années 1950, les chansons dites "de variétés" seront adaptées pour les orgues de Barbarie, et la notoriété de leurs créateurs suffira à faire le succès des artistes de rues qui les interprèteront. Certaines chansons sont interdites, comme "Craonne" (Appel à la désertion durant la 1ère guerre mondiale), "Le déserteur" (Pendant la guerre d'Algérie, puis de nouveau en 1991, 1ère guerre du Golfe), "Adieu cher camarade", pour des périodes plus ou moins longues (70 ans de censure pour "Craonne", tout de même…), "Fais-moi mal, Johnny" (1953); ou sont censurées (3ème couplet de "Sous les ponts de Paris" (1914) barré par la Préfecture de Police, pas question de laisser dire que des familles peuvent être expulsées de leur domicile, et dormir sous les ponts dans la Capitale...). A chaque fois que la France est en guerre, les titres appelant à la désertion sont interdits et leurs interprètes sont passibles d'amendes et d'emprisonnement. La plupart des titres joués aujourd'hui trouvent leur source au XXème s., à l'exception de répertoires particuliers dont certains artistes de rues ont fait leur spécialité : chansons bachiques, chants de marins, chansons pour enfants, titres de folklore régional, dont certaines origines remontent au Moyen-Age… Ordonnance du 20 Avril 1881 du Préfet ANDRIEUX, "interdisant aux saltimbanques, joueurs d'orgue et chanteurs ambulants de stationner sur la voie publique dans Paris", sauf à l'occasion des "fêtes publiques". On connaît rarement les raisons d'une interdiction : celle-ci a été dictée par un musicien célèbre, venu se plaindre au préfet des artistes de rues qui venaient interpréter en bas de chez lui des œuvres sur des instruments mal accordés, ou mal joués… (déjà le journal "Le Charivari" du 20/11/1856 relatait la "leçon" donnée par ROSSINI à un joueur d'orgue de Barbarie qui jouait l'une de ses œuvres trop lentement). La même année, la loi du 29 juillet 1881 asseoit les libertés républicaines de la liberté de l'imprimerie et de la librairie, de la presse, de l'affichage, du colportage et de la vente sur la voie publique des imprimés, livres, brochures, partitions, chansons… Ainsi, 1881 marque le tournant de la prédominance des papelards (camelots vendeurs de papier) sur les artistes de rues. C'est également la période qui voit apparaître le Caf'Conc', puis le Music-Hall, où la prédominance de l'artiste l'emporte sur le titre interprété. La notoriété du chanteur suffit à attirer le public dans les salles, plus besoin de "lancer" les succès dans les rues. Les "petits formats" encore vendus dans les rues porteront souvent dans la première moitié du XXème s. la mention "Répertoire…" ou "Créé par…" suivi du nom de l'artiste qui a lancé le titre.

Les plaques de métiers appelées aussi "médailles" sont une pratique courante pour permettre à la préfecture de police de contrôler la prolifération des "petits métiers de la rue" du début du XIXème s. jusqu'à la seconde guerre mondiale. En 1901, on compte 8.372 médailles de marchands de quatre-saisons, en 1905, 2.355 médailles de camelots sous forme d'autorisations d'étalage, et même les biffins (chiffonniers) bénéficiaient de ces plaques, assorties d'une autorisation sur un périmètre déterminé (encore en usage dans les années 1930 selon des témoignages recueillis). A cette période, la Préfecture ne délivre plus d’autorisations nouvelles, un article paru dans "Le Journal" du 27/09/1902 sur le Père SEGUIN, "Doyen des joueurs d’orgue", date la plus ancienne permission de 1869. Rappelons que Paris, entre l'époque de la Commune de 1871, et 1974, n'aura pas de maire "central" élu (seuls des mairies d'arrondissement nommés par le préfet existent durant cette période), car le pouvoir craint les possibles insurrections, de cette période reste encore à l'heure actuelle la délégation du pouvoir de police municipale à la seule Préfecture de Police de Paris, alors que, partout ailleurs, cette fonction est du ressort du maire. Un groupement syndical des chanteurs de rues se fonde le 07/02/1904. Il prendra le nom de "Syndicat des Musiciens et Chanteurs Ambulants", domicilié au 61 rue du Faubourg St-Martin, et il existera jusqu'en Février 1928. Ses responsables (Président : Mr PRADEL, trésorier Mr THIERRY, secrétaire Mr THOMASSY) sont interrogés à leur siège social, 117 rue du Temple (IIIème) par un journaliste de "La Petite République" le 6/04/1908, ils revendiquent environ 150 adhérents, dont 50 chanteurs (accompagnés chacun par deux musiciens). Ils réclament donc 50 emplacement dans Paris, grands boulevards et boulevards extérieurs. Ce syndicat permet aussi la négociation des tarifs des "petits formats" appelés aussi "formats rue", vendus par les artistes à des tarifs préférentiels sur la voie publique. Il sera ensuite présidé par Mr VIGIE, son Secrétaire Général sera Mr DEVILLE. Dans les années 1930, il est remplacé par le Syndicat des Chanteurs et Musiciens Populaires qui existera jusque dans les années 1960. Cette organisation avait son siège social au 32 rue du Faubourg du Temple, puis au 89 rue du Faubourg StMartin, toujours dans le Xème arrondissement de Paris, là où étaient implantés la plupart des éditeurs de musique (Martin CAYLA, FORTIN, SMYTH, Montmartre Edition, International Music C°, etc…).

Le statut de marchand de chansons a permis de les différencier des mendiants, qui, musiciens ou pas, étaient dans l'illégalité, puisque la mendicité n'a été dépénalisée qu'avec le nouveau code pénal de 1994. En fait, la raison de cette confusion entre "musicien-chanteur ambulant" et "marchand de chansons" est que cela a permis d'assimiler les artistes aux camelots et colporteurs, dont le statut s'est créé et développé durant la même période. Deux catégories de "vendeurs de chansons" ont ainsi coexisté : les artistes chanteurs, seuls ou accompagnés d'un ou deux musiciens, qui interprétaient les chansons qu'ils vendaient, et les camelots vendeurs de papier, qu'on appelait "papelards", et qui vendaient aussi parfois des chansons, avec d'autres écrits, et qui criaient les titres ou les grandes lignes des textes proposés à la vente. Cependant, camelots et musiciens-chanteurs avaient chacun leur syndicat (celui des chanteurs de rues s'est créé le 07/02/1904, celui des camelots s'est fondé en août 1913), et tenaient à défendre leur particularisme. Ce statut d'artiste-camelot leur a aussi permis une reconnaissance sociale, l'activité étant intégrée dans les "petits métiers" tolérés ou autorisés par la préfecture de police, au même titre que les biffins (chiffonniers), vitriers, ramoneurs, aiguiseurs de couteaux, crieurs de journaux, et autres pratiques ambulantes en milieu urbain. A la mort de HAYARD en 1903, une page se tourne, laissant la part belle aux romances, avec notamment le chansonnier WILLEMS et le duo célèbre BENECH (musicien) et DUMONT (parolier). Ce dernier accueillait avec bienveillance et paternalisme les chanteurs de rues qui venaient s'approvisionner directement aux éditions BENECH-DUMONT, et les laissaient répéter les titres nouveaux dans la boutique et l'imprimerie voisine… La Muse Rouge, une société chantante héritière des goguettes du XIXème s., qui existera de 1903 à 1939, réunira des poètes et auteurs, des interprètes, tels Eugène BIZEAU ou Léo NOEL, joueur d'orgue de Barbarie bien connu. Elle contribuera à faire émerger bon nombre de chansonniers, qui se produiront dans toutes les fêtes populaires (carnaval, fêtes organisées par des groupes anarchistes ou communistes…). Ses répertoires seront repris largement dans la rue grâce aux "petits formats" édités spécialement. Et, de nouveau une interdiction de l'orgue de Barbarie en 1908, par le Préfet LEPINE : nous n'avons pas retrouvé le texte, mais un article de "Le Petit Journal" du Dimanche 26 Avril 1908 (extrait) : "Un type populaire qui disparaît : le joueur d'Orgue de Barbarie. M. Lépine vient de prendre une mesure qui désolera ceux - et ils sont encore nombreux dans notre grand Paris - qui sont restes fidèles aux traditions de leur enfance. Le Préfet de Police a en effet, décidé qu'il ne serait plus accordé de nouvelle permission de jouer de I'orgue de Barbarie dans les rues de la Capitale. Bien entendu, les anciennes autorisations sont maintenues, mais elles sont peu nombreuses, et la disparition de leur titulaire n'est plus qu'une affaire de temps, tant les moeurs se sont modifiées, depuis quelques années, chez nous. On se demande, en vérité, quelle est la raison de cette sévérité à l'égard des pauvres vieux joueurs d'orgue qui vont semer un peu d'harmonie à travers les quartiers populeux. Les joueurs d'orgue, en effet, ne sauraient mériter tant de rigueur..." Cette décision entraînera la colère des joueurs d'orgue de Barbarie, qui lancèrent une pétition afin de sauvegarder leur profession. Le 16 juillet 1912, une loi "sur l'exercice des professions ambulantes et la réglementation de la circulation des nomades" restreint brutalement les libertés républicaines (décret d'application du 16 février 1913) et instaure les carnets anthropométriques. Les camelots et les artistes de rues ne sont pas directement visés, mais ils en subissent quand même l'influence. Le déclenchement de la première guerre mondiale gèlera l'exécution de ces restrictions, et la situation économique précaire au sortir de la guerre fera que les petits métiers de la rue dans leur ensemble seront tolérés pour maintenir la paix sociale parmi les catégories pauvres de la population. A partir du début du XIXème s., l’état avait déjà commencé à contrôler davantage les artistes de rues, d’abord parce qu’ils sont itinérants, et qu’ils sont assimilés aux nomades, appelés maintenant "gens du voyage" (Ils auront même l’obligation à partir de 1926 d’avoir en permanence un Carnet de Chanteur Ambulant, comportant parfois des photos anthropométriques et des indications de "teinte de peau", très similaires au "carnet anthropométrique d'identité" des nomades, institué par la loi du 16 juillet 1912.); et ensuite parce qu’ils chantent des répertoires jugés "subversifs", et qu’il faut donc les censurer (La liste des titres chantés devra faire l’objet du visa préfectoral (pour Paris) ou municipal (hors Paris), et ce jusqu’en 1979…). Les chanteurs de rues et les "papelards" (camelots) allaient s'approvisionner, durant près d'un siècle, chez les dépositaites de la rue du Vert-Bois (IIIème ardt, derrière le Conservatoire des Arts et Métiers) : A partir de 1880, et jusqu’à la moitié du XXème s., les camelots et les chanteurs de rues allaient s’approvisionner dans les dépôts de la Rue du Vert-Bois (Vachez puis Suau au 34, Chatrian puis Soulié au 30, Batifol au 11, Dégérine) ou directement chez les éditeurs à succès (Napoléon HAYARD, puis Louis BENECH, chez qui les chanteurs répétaient parfois les textes dans la cour attenante, ou directement dans l’atelier des rotatives…).

Beaucoup d'entre eux allaient chez "La mère VACHEZ" qui tenait au n°34 un bar et hôtel où elle assurait le gîte et le couvert… A sa mort, vers 1925, ils se replièrent chez Chatrian, également dépositaire, qui tenait un petit café surnommé "La maison des camelots". Enfin, nous arrivons a la réglementation "actuelle" de 1926 (modifiée en 1981 et en 1997), cette nouvelle Ordonnance de police crée le "Carnet de musiciens et chanteurs ambulants" et renforce la censure : les Goguettes du XIXeme s. avaient laissé des traces, et leur liberté d'expression venait de plus en plus souvent froisser les oreilles délicates des gens de pouvoir : Ordonnance du 3 Mai 1926 du Préfet MORAIN (extraits): "Les autorisations ne pourront être délivrées qu'à l'occasion des fêtes publiques et des fêtes foraines, sans donner admission à celles-ci. Les autorisations seront établies aux frais des titulaires sur un carnet spécial où sera apposée leur photographie. Le texte des chansons devra être préalablement soumis au visa de la Sous-Direction administrative de notre Cabinet. Les chanteurs et musiciens devront toujours être porteurs d'un exemplaire de leurs chansons revêtu de ce visa pour être représenté à toute réquisition des agents de I'autorité". Face à ces contraintes, de nombreux artistes de rues ne sont plus autorisés. Certains continuent donc dans l’illégalité, à la merci de la "tolérance" des autorités de police qu’ils rencontrent. Etant interdits d’activité, ils n’ont donc plus aucun scrupule à chanter des répertoires interdits, et même à "faire la bûche", c'est-à-dire vendre des petits formats clandestins (sans mention d'imprimeur, diffusés sans payer les taxes requises). Ils faisaient aussi parfois "la manche" (on dit que cette expression vient du fait que le public venait "saluer" l'artiste à la fin des chansons, et en profitait pour glisser discrètement une pièce dans sa manche), en tendant le chapeau, mais cela était assimilé à de la mendicité, qui était alors un délit passible d'amende et de prison ! A défaut de pouvoir donner une pièce aux artistes des rues, la plupart des personnes qui achetaient les textes de chansons faisaient ainsi un don déguisé, puisque ne pouvant bien souvent lire leur contenu… Il était aussi courant de voir des personnes acheter un "petit format", l'utiliser le temps de la chanson, et le rendre aux artistes, afin qu'ils puissent le vendre une deuxième fois ! Durant la seconde guerre mondiale, certains artistes de cirque ou chanteurs ambulants tsiganes, seront internés dans des camps. Dans celui de Barenton en Normandie, on trouve la trace d'un certain Emile HEUGEBAERT, chanteur ambulant, qui sera transféré en 1942 avec ses compagnons au camp de Montreuil-Bellay (Deux-Sèvres). 1981 : L'ordonnance de 1926 est modifiée, et limite désormais les artistes de rue (toutes pratiques confondues) à exercer leur art sur cinq emplacements pour tout Paris (au lieu de la centaine accordée précédemment) : le parvis du Centre Georges Pompidou, le Square des Innocents, la Place des Verrières du Forum des Halles, la dalle supérieure du Forum des Halles, la Place St-Germain des Prés. Notons au passage que, s'agissant du parvis de Beaubourg, géré par le Ministère de la Culture, la préfecture nous autorise à un endroit qui ne relève pas de leur compétence, puisque ne dépendant pas de la voie publique ! Ils ont en fait entériné des lieux que les artistes avaient précédemment investis, dans le but d'éviter l'éparpillement dans tout Paris. Le Métro de Paris avait procédé de la même manière à la fin des années 1970, en autorisant les artistes dans les couloirs (65 places en 1977), permettant ainsi de les interdire plus fermement dans les rames...

La résistance des musiciens-chanteurs de rues face aux interdictions, de 1994 à aujourd’hui : 1 er Mars 1994 : Entrée en vigueur du nouveau Code Pénal, qui dépénalise en même temps la mendicité et le vagabondage. On pourrait penser que l'on entre dans une ère faste pour nos activités ! Mais… Courant 1994 : A Paris, après deux siècles de reconnaissance sous des formes diverses, les autorisations des musiciens et chanteurs de rues sont supprimées, à l'initiative de la Préfecture de Police de Paris. Officiellement, l'ordonnance de 1926 est considérée comme tombée en désuétude, et la Préfecture de Police estime qu'en cette fin du XXème s., l'activité de musicien ou chanteur ambulant fait désormais partie du passé. Une page se tourne... Dans une douzaine d'autres villes, des maires prennent l'initiative "d'arrêtes anti-mendicité", sous des prétextes divers. Nous les avons contactés : tous nous assurent que notre activité n'est pas visée, et que nous serions toujours les bienvenus ! En fait, à Paris, des "dérogations exceptionnelles" seront régulièrement données aux artistes de rues, leur permettant d'exercer pour un an sur tout le territoire de la ville, on repart dans le même schéma qu'à la période 1908 : les anciens continuent d'être autorisés, les petits nouveaux sont systématiquement déboutés de leurs demandes, afin que l'activité décline peu à peu, jusqu'à sa complète extinction. Vers 1994-1995, des contraventions commencent a s'accumuler, avec bientôt des menaces verbales de la part de certains policiers parisiens : "La prochaine fois, on saisit ton matériel. Et, quand on charge l'orgue dans la camionnette, il peut très bien tomber..." On remarque que cette situation touche davantage les artistes qui utilisent l'orgue de Barbarie : en effet, l'instrument est plus voyant et encombrant, et il est difficile de déguerpir face aux contrôles de police ! Cependant, les autres artistes ne sont pas à l'abri, comme on le constate si on récapitule les affaires passées devant les tribunaux depuis le début des années 1980 : John GUEZ, Charlie ENCOR (Théâtre de rue) Claude REBOUL (Orgue de Barbarie) dans les années 1984-1988, Jean PIERO (Orgue de Barbarie), Claude LUCIARTE (Ocarinas) dans les années 1994-1997, Hélène MOCAER (Accordéon), Laurent ZUNINO (Chanteur), Denis CACHEUX (Accordéon) dans les années 2002-2003. Face à cette situation, des joueurs d'orgue de Barbarie établissent en commun durant l'été 1994 le texte d'une pétition, qui recueillera plus de trois mille signatures de commerçants, riverains et badauds des quartiers que nous animons. Bientôt, une association est créée pour aider a la diffusion et a la gestion de cette pétition : naissance de "Ritournelles et Manivelles" le 14 juillet 1995. Le soutien sans faille de la population (pétitions en notre faveur, absence totale de plainte de riverains des quartiers où nous jouons) et des médias (journaux, télés, radios...) et nos efforts conjugués font changer la réglementation en février 1997 (nouvel arrêté du 18 février, toujours en vigueur). La réglementation actuelle est toujours basée sur l'ordonnance de 1926, modifiée par l'arrêté préfectoral de Février 1997 : "L'article 2 de 1'ordonnance du 3 mai 1926 est complété comme suit : Les chanteurs et les musiciens ambulants souhaitant se produire sur la voie publique peuvent bénéficier d'autorisations individuelles, établies à titre précaire et révocable, sous réserve que leurs activités soient exercées dans les conditions suivantes : • 1'autorisation précisera le périmètre géographique a 1'intérieur duquel elle est valable, • les diffusions musicales ne pourront avoir lieu qu'entre 10H et 20H, 1'autorisation précisant, le cas échéant, la plage horaire et les jours permis, • toutes dispositions devront être prises par les musiciens et chanteurs ambulants afin de ne pas apporter de trouble à la tranquillité publique et de gêne à la circulation générale, • il ne devra pas être fait usage d'appareils et dispositifs de diffusion avec amplification du son ou d'instruments à percussion métallique ou à peaux, • 1'intensité des émissions musicales devra être compatible avec les dispositions du décret n0 95-408 du 18 avril 1995 susvisé et 1'article R 48-2 du code de la santé publique, • aucune installation autre que les instruments de musique autorisés ne devra être mise en place sur le domaine public, • ces prestations ne pourront donner lieu à aucun acte de commerce. Les autorisations individuelles sont délivrées pour une durée maximale d'un an renouvelable. Elles pourront être rapportées à tout moment si leurs bénéficiaires ne se conforment pas aux prescriptions susvisées". Depuis, "Ritournelles et Manivelles" a rapidement élargi son domaine d'activités à d'autres pratiques musicales (accordéon, guitare, cornemuse, scie musicale…) intégrant le répertoire des chansons et musiques de rues. La ré-autorisation par la Préfecture de Police est une reconnaissance implicite de notre activité, et de son existence ininterrompue depuis le XIVème s. En effet, en autorisant quelques-uns, elle reconnaît que cette activité peut s’exercer en tant que métier, ce qui n’est pas reconnu par les autres institutions (les juges du tribunal de police, par exemple, nous disent fréquemment « ce n’est pas un métier » , ce qui rend plus facile les sanctions telles que les confiscations d’instruments, qui seraient impossibles s’ils sont considérés comme matériel de travail). Néanmoins, cette nouvelle réglementation nous cantonne dans des emplacements fixes dont nous ne voulons pas. Ce n'est pas pour rien que les textes reconnaissent le caractère ambulant de notre activité depuis le début ! En conclusion, nous demandons aujourd'hui: - Une tolérance pour les musiciens et chanteurs itinérants ou occasionnels. - Des autorisations annuelles renouvelables à 1'image de celles qui existaient jusque dans les années 1990, pour les artistes dont c'est la principale activité. - Un réel dialogue avec la Préfecture de Police, que nous n'avons jamais pu rencontre

La résistance des musiciens-chanteurs de rues face aux interdictions, de 1994 à aujourd’hui : 1 er Mars 1994 : Entrée en vigueur du nouveau Code Pénal, qui dépénalise en même temps la mendicité et le vagabondage. On pourrait penser que l'on entre dans une ère faste pour nos activités ! Mais… Courant 1994 : A Paris, après deux siècles de reconnaissance sous des formes diverses, les autorisations des musiciens et chanteurs de rues sont supprimées, à l'initiative de la Préfecture de Police de Paris. Officiellement, l'ordonnance de 1926 est considérée comme tombée en désuétude, et la Préfecture de Police estime qu'en cette fin du XXème s., l'activité de musicien ou chanteur ambulant fait désormais partie du passé. Une page se tourne... Dans une douzaine d'autres villes, des maires prennent l'initiative "d'arrêtes anti-mendicité", sous des prétextes divers. Nous les avons contactés : tous nous assurent que notre activité n'est pas visée, et que nous serions toujours les bienvenus ! En fait, à Paris, des "dérogations exceptionnelles" seront régulièrement données aux artistes de rues, leur permettant d'exercer pour un an sur tout le territoire de la ville, on repart dans le même schéma qu'à la période 1908 : les anciens continuent d'être autorisés, les petits nouveaux sont systématiquement déboutés de leurs demandes, afin que l'activité décline peu à peu, jusqu'à sa complète extinction. Vers 1994-1995, des contraventions commencent a s'accumuler, avec bientôt des menaces verbales de la part de certains policiers parisiens : "La prochaine fois, on saisit ton matériel. Et, quand on charge l'orgue dans la camionnette, il peut très bien tomber..." On remarque que cette situation touche davantage les artistes qui utilisent l'orgue de Barbarie : en effet, l'instrument est plus voyant et encombrant, et il est difficile de déguerpir face aux contrôles de police ! Cependant, les autres artistes ne sont pas à l'abri, comme on le constate si on récapitule les affaires passées devant les tribunaux depuis le début des années 1980 : John GUEZ, Charlie ENCOR (Théâtre de rue) Claude REBOUL (Orgue de Barbarie) dans les années 1984-1988, Jean PIERO (Orgue de Barbarie), Claude LUCIARTE (Ocarinas) dans les années 1994-1997, Hélène MOCAER (Accordéon), Laurent ZUNINO (Chanteur), Denis CACHEUX (Accordéon) dans les années 2002-2003. Face à cette situation, des joueurs d'orgue de Barbarie établissent en commun durant l'été 1994 le texte d'une pétition, qui recueillera plus de trois mille signatures de commerçants, riverains et badauds des quartiers que nous animons. Bientôt, une association est créée pour aider a la diffusion et a la gestion de cette pétition : naissance de "Ritournelles et Manivelles" le 14 juillet 1995. Le soutien sans faille de la population (pétitions en notre faveur, absence totale de plainte de riverains des quartiers où nous jouons) et des médias (journaux, télés, radios...) et nos efforts conjugués font changer la réglementation en février 1997 (nouvel arrêté du 18 février, toujours en vigueur). La réglementation actuelle est toujours basée sur l'ordonnance de 1926, modifiée par l'arrêté préfectoral de Février 1997 : "L'article 2 de 1'ordonnance du 3 mai 1926 est complété comme suit : Les chanteurs et les musiciens ambulants souhaitant se produire sur la voie publique peuvent bénéficier d'autorisations individuelles, établies à titre précaire et révocable, sous réserve que leurs activités soient exercées dans les conditions suivantes : • 1'autorisation précisera le périmètre géographique a 1'intérieur duquel elle est valable, • les diffusions musicales ne pourront avoir lieu qu'entre 10H et 20H, 1'autorisation précisant, le cas échéant, la plage horaire et les jours permis, • toutes dispositions devront être prises par les musiciens et chanteurs ambulants afin de ne pas apporter de trouble à la tranquillité publique et de gêne à la circulation générale, • il ne devra pas être fait usage d'appareils et dispositifs de diffusion avec amplification du son ou d'instruments à percussion métallique ou à peaux, • 1'intensité des émissions musicales devra être compatible avec les dispositions du décret n0 95-408 du 18 avril 1995 susvisé et 1'article R 48-2 du code de la santé publique, • aucune installation autre que les instruments de musique autorisés ne devra être mise en place sur le domaine public, • ces prestations ne pourront donner lieu à aucun acte de commerce. Les autorisations individuelles sont délivrées pour une durée maximale d'un an renouvelable. Elles pourront être rapportées à tout moment si leurs bénéficiaires ne se conforment pas aux prescriptions susvisées". Depuis, "Ritournelles et Manivelles" a rapidement élargi son domaine d'activités à d'autres pratiques musicales (accordéon, guitare, cornemuse, scie musicale…) intégrant le répertoire des chansons et musiques de rues. La ré-autorisation par la Préfecture de Police est une reconnaissance implicite de notre activité, et de son existence ininterrompue depuis le XIVème s. En effet, en autorisant quelques-uns, elle reconnaît que cette activité peut s’exercer en tant que métier, ce qui n’est pas reconnu par les autres institutions (les juges du tribunal de police, par exemple, nous disent fréquemment « ce n’est pas un métier » , ce qui rend plus facile les sanctions telles que les confiscations d’instruments, qui seraient impossibles s’ils sont considérés comme matériel de travail). Néanmoins, cette nouvelle réglementation nous cantonne dans des emplacements fixes dont nous ne voulons pas. Ce n'est pas pour rien que les textes reconnaissent le caractère ambulant de notre activité depuis le début ! En conclusion, nous demandons aujourd'hui: - Une tolérance pour les musiciens et chanteurs itinérants ou occasionnels. - Des autorisations annuelles renouvelables à 1'image de celles qui existaient jusque dans les années 1990, pour les artistes dont c'est la principale activité. - Un réel dialogue avec la Préfecture de Police, que nous n'avons jamais pu rencontrer. Les musiciens-chanteurs de rues face à la censure, du XIVème s. à nos jours : Il est de bon ton de dire, concernant quelques faits divers d’aujourd'hui, que "la censure et les interdictions s'abattent sur nos artistes contemporains comme aux pires moments de notre Histoire", comme si la parole et les écrits avaient connu des périodes de libre expression totale et sans retenue… Car, mis à part une courte période de grâce qui suivi le vote de la grande loi républicaine du 29 juillet 1881 (qui réaffirme les libertés de la liberté de l'imprimerie et de la librairie, de la presse, de l'affichage, du colportage et de la vente sur la voie publique des imprimés, livres, brochures, partitions, chansons…), un contrôle plus ou moins répressif s'est toujours exercé sur les dits et les écrits sur l'ensemble du territoire. A Paris comme dans les autres régions, la préfecture a toujours surveillé de près la propagation de certaines pensées, et l'auto-censure a toujours été importante : le statut de ménétrier supposait, comme toute corporation, d'obéir à des réglementations internes strictes, et le statut de camelot-marchand de chansons obéissait aux lois du commerce (et selon les intérêts du moment : la participation des camelots aux campagnes boulangistes, puis aux attaques antisémites à la fin du XIXème s., dépendait uniquement de la rétribution proposée par l'un ou l'autre camp). Ainsi, du XVIIème s. au XXème s., on retrouve concernant le colportage de multiples règlements et fichages qui encadraient strictement le métier : les marchands étaient clairement identifiés, leur périmètre d'activité (en ville) ou leur itinéraire (en milieu rural) était imposé, et le contenu des écrits était soumis à diverses commissions. Ses pouvoirs sont sans cesse renforcés tout au long du XIXème s., car les contrevenants sont nombreux : si les "papelards" se soumettent en bons marchands à ces règlements, les artistes auteurs de chansons ne se plient pas si facilement à l'autorité. Les gravures ou tableaux représentant les "grands noms" de la profession montrent bien souvent des chansons à l'unité, en feuilles volantes sans mentions légales, écrites et interprétées par l'artiste lui-même… L'artiste ou le "papelard" qui s'égarerait à diffuser des textes non timbrés du visa de la commission de colportage, et sans indication d'imprimeur, "faisait la bûche" en argot du métier, et s'exposait à perdre immédiatement son autorisation, en plus de sanctions pénales (amende, emprisonnement). Les obligations légales concernant les imprimeurs diminuèrent au XXème s. avec la fin de la commission de colportage, mais les textes étaient toujours soumis au visa du commissariat jusqu'en…1979 ! Pour contourner les droits de reproduction, certains chanteurs-musiciens de rues faisaient leurs propres titres, ou créaient des parodies appelées "placards" (goguettes réalisées d'après les succès du moment, imprimées sans musiques, et réunissant une dizaine de ces textes sur une grande feuille au format "dépliant", avec mention d'imprimeur puisque légal…) L'esprit frondeur d'une partie des musiciens-chanteurs de rues ne s'est pas démentie au siècle suivant, et beaucoup de textes interdits ou censurés se retrouvent dans nos répertoires, comme "La Marseillaise" (Interdite sous le Second Empire), "Craonne" (interdite de 1914 à 1974), "Sous les ponts de Paris" (1914) dernier couplet censuré par la Préfecture de Police, pas question de laisser dire que des familles peuvent être expulsées de leur domicile, et dormir sous les ponts dans la Capitale...), "Le déserteur" (interdite pendant la guerre d'Algérie, puis de nouveau en 1991, 1ère guerre du Golfe), "Adieu cher camarade" (interdite lors de chaque guerre), "Fais-moi mal, Johnny" (1953), "Hexagone" (1980), et une bonne liste de chansons de Georges BRASSENS, que rigoureusement ma mère m'a défendu d'citer ici…. Certains cartons ou bobines perforées pour orgue de Barbarie ont même été réalisées à l'origine pour contourner les interdictions de radiodiffusion : ainsi, "Le déserteur" de Boris VIAN a été chanté dans les rues par les tourneurs de manivelles alors même qu'il était banni des radios et télés en 1956. Cette liberté d'expression insolente de la part des musiciens-chanteurs de rues s'est encore accrue avec le "tournant" juridique de 1981 à 1997 : la loi dépénalise la mendicité (le nouveau code pénal de 1994 autorise donc la "manche" ou "quête") et le règlement préfectoral de mars 1997 interdit la vente sur la voie publique (plus question de vendre des "Petits formats", ou des cassettes audio, ou compact-discs, ou livrets), ce qui nous coupe radicalement du monde des marchands.  L'obligation de visa préfectoral sur les textes des chansons (encore appliqué jusqu'en 1979…) a disparu des règlements depuis 1981, ce qui laisse libre notre imagination à faire textes et musiques nouvelles, ou à réécrire des goguettes selon notre bon plaisir. En ce début du XXIème s., nos libertés restent toujours à défendre, mais on a connu pire

Livres et ouvrages divers "Personnages célèbres dans les rues de Paris", par Jean-Baptiste GOURIER, éd. Lerouge à Paris, 1811 "Tableau du vieux Paris, Les spectacles populaires et les artistes de rues", par Victor FOURNEL, éd. E. Dentu, 1863 "Les célébrités de la rue (1815-1863)", par Charles YRIARTE, éd. Imprimerie Parisienne, 1868 "Les amuseurs de la rue", par Augustin CHALLAMEL, éd. Ducrocq, 1875 "Le vieux Paris, histoire des fêtes, jeux et spectacles parisiens", par Victor FOURNEL, éd. Alfred Mame et fils, 1887 "Les cris de Paris", par Victor FOURNEL, éd. Firmin Didot, 1887, réédité par Les Editions de Paris, 2003 "Les petits métiers des rues de Paris", par Tristan Klingsor, éd. J. Beltrand, 1904 "Eugénie Buffet : ma vie, mes amours, mes aventures", par Eugéne FIGUIERE, éd. E. Figuière, 1930 "La chanson française, Béranger et son temps", par Pierre BROCHON, éd. Editions Sociales, 1956 "Paris la fête", par Claude JAQUIN, éd. Guy AUTHIER, 1977 "Les cris de Paris, commerces ambulants et petits métiers de la rue", par MASSIN, éd. Albin Michel, 1978 et 1985 "Lily Panam, Mémoires de la dernière chanteuse des rues", par Liliane LAFAILLE, éd. Olivier ORBAN, 1981. "Les célébrités de la rue", par MASSIN, éd. Gallimard, 1981 "Maintien de l'ordre et polices en France et en Europe au XIXème s.", par Paul VIGIER, éd. Créaphis, 1987 "Musiques mécaniques", Catalogue expo (collectif), éd. Musée Savoisien Chambéry, 1988 "Histoire de la chanson française des origines à nos jours", par Pierre SAKA, éd. Nathan, 1989 "Piazza Beaubourg, Les tribulations du saltimbanque", par Claude REBOUL, éd. Dagorno, 1993 "Le cirque d'été", par RAYMON d'YS, éd. Payot et Rivages, 1993 "Les ménétriers français sous l'ancien régime", par Luc CHARLES-DOMINIQUE, éd. Klincksieck, 1994 et 2000 "Contrôle de la presse, de la librairie et du colportage sous le 2d empire", par Patrick LAHARIE, éd. Arch. Nat. 1995 "Magiciens des boulevards", par Laurence BERROUET et Gilles LAURENDON, éd. Parigramme, 1995 "Les cris de Paris ou le peuple travesti", par Vincent MILLIOT, éd. Publications de la Sorbonne, 1995 "Aguigui MOUNA, gueule ou crève", par Anne GALLOIS, éd. Les Dossiers d'Aquitaine, 1997 "Salut les artistes", par Guy SILVA, éd. Le Temps des Cerises, 1997 "Musiciens des rues de Paris", Catalogue expo (collectif), éd. Réunion Musées Nationaux, 1997 "La famille Vermandel, une histoire d’hommes-orchestres", par Léo VERMANDEL, éd. A&M, 1999 "La République anticléricale, XIXème s. – XXème s.", par Jacqueline LALOUETTE, éd. Seuil 2002 "Le camelot et la rue", par Jean-Yves MOLLIER, éd. Fayard, 2004 "La Canaille, Histoire sociale de la chanson française", par Larry PORTIS, éd. CNT-RP, 2005 "Beaubourg, Les années saltimbanques", par Didier PASAMONIK et Gilbert l'automate, éd. Oskar, 2007 "La muse du peuple, chansons politiques et sociales en France, 1815-1871", par Philippe DARRIULAT, éd. Presses Universitaires de Rennes, 2010 "Eugénie BUFFET, des Ambassadeurs au pavé", par Françoise GIRAUDET, éd. F. Giraudet, 2011 N.B : La plupart de ces ouvrages se trouvent facilement en livres d’occasion, et, pour les plus anciens, peuvent être souvent consultés dans leur intégralité sur Internet (Gallica, Google livres, etc…)

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