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Publié par J.L.D.

Le blues prend forme vocale et instrumentale originale au sein de la population noire du sud des États-Unis d'Amérique dans la seconde moitié du XIXe siècle. Né de l'esclavage, où les Noirs étaient traités plus comme un capital d'exploitation fermier ou ouvrier que comme des êtres humains, nourri par le racisme, la ségrégation et la misère, il en porte la douleur et en exprime le climat d'affliction, mais témoigne aussi de la vitalité de ses inventeurs.

Plus parole que musique, malgré une structure harmonique bientôt définie, il est une chronique autobiographique et poétique qui, toujours entre humour et mélancolie, métaphore et lucidité, inscrit dans l'universel la joie et le malheur, l'espoir et la souffrance d'un groupe d'individus, et lui donne statut.

Ainsi, assimilant tous les folklores, se développant parallèlement aux autres formes musicales que sont les spirituals, la musique country et le jazz, le blues marquera-t-il de son empreinte toutes les musiques populaires qui ont émergé au XXe siècle.

 

Le Blues et la musique afro-américain

Le Blues tel qu'on le connait actuellement tire ses origines des chants simples, d’origine africaine et perpétués par une tradition orale, que les esclaves noirs américains chantaient au 19ème siècle dans les champs de coton du Mississipi pour supporter leurs pénibles tâches.Principalement chanté a capella par une personne et répété par des choeurs, le Blues était parfois accompagné d’instruments rudimentaires : Une corde fixée sur une planche, de petits instruments de percussion.Très vite cette base évolue pour intégrer des éléments de la musique européenne et américaine lui donnant cette esthétique si particulière et pourtant si familière à tout un chacun. Cette combinaison d’influence diverses contribuera à développer d’autres genres de musique : le spiritual, le gospel, le jazz, le rhythm’n’blues, la soul, le rap Le Blues évolue avec son temps. D’abord acoustique et principalement interprété à l’harmonica et à la guitare acoustique qui restent la base du blues, il a évolué vers des formes électriques intégrant la guitare électrique, le piano et l’orgue et même des sections de cuivre. Une excellente définition du Blues est celle de Willie Dixon, “The blues are the roots, the rest are the fruits”.

Le Blues : musique sacrée ou musique du diable ?

Robert Johnson

Une des premières évolutions du Blues fut le spiritual, qui servit à accompagner les cérémonies religieuses. On peut donc dire que le Blues a une face sacrée. A contrario, le blues étant le reflet de la personnalité humaine, il a également d’autres facettes : festif, humoristique, et sombre bien évidemment. Une des légendes marquantes liées au côté démoniaque du Blues fut bien évidemment celle véhiculée par Robert Johnson qui prétendit avoir perfectionné son jeu de la guitare en vendant son âme au diable. Mais n’est-ce pas tout simplement une brillante démonstration “marketing” et une belle revanche pour gagner sa place aux côtés des stars de l’époque qu’étaient Chalrey Patton et Son House que ces derniers dénigraient ?

Le Blues a toujours été le reflet des difficultés culturelles, politiques, sociales, ou humaines. A ce titre, aucune autre musique sur cette terre ne se fait mieux le reflet de nos émotions et de notre âme. Et pour éviter le puritanisme de certaines époques, peut-être d’ailleurs pas si révolues que ça, le Blues a su se faire humoristique, coquin, et s’est souvent décliné au second degré. Un exemple  :  « I got my mojo working »

Au premier degree cette phrase anodine indique simplement que mon mojo (amulette porte-bonheur) fonctionne. Peut-être… mais cela signifie aussi et surtout que « j’ai mon sexe qui marche bien »…. Maintenant que vous savez ça vous comprenez pourquoi cette chanson de Muddy Waters soit un des plus grands succès du Blues. A vous maintenant de trouver d’autres sens cachés…Le Blues : l'expression de Le Le Blues : l'expression de notre âme !

Une chose est sûre. Aucune autre musique ne peut, comme le fait le Blues, être le reflet de notre âme et nous aider à supporter nos souffrances, quelles qu’elles soient.

Le « blues », or noir américain

PHILIPPE CHEVILLEY  LE 09/01/2004 

  • Un jeune musicien noir américain, William Cristopher Handy attend son train dans une petite gare du Mississipi, un soir d'été de 1903, quand surgit une silhouette décharnée, une guitare à la main : Andy croit voir un fantôme et sursaute en entendant la créature entonner un chant étrange et lancinant, accompagné des grattements plaintifs de son instrument. C'est ainsi que lui est révélé le « blues " : quelques années plus tard, il écrira des morceaux mythiques comme « Saint Louis Blues ». Pionnier du genre, Handy ? Pas du tout, affirmera plus tard la chanteuse Ma Rainey : en 1902, c'est-à-dire un an plus tôt, elle-même a accueilli un soir dans sa troupe itinérante une jeune femme, qui s'est mise à chanter un drôle d'air évoquant un amant perdu, devant un public électrisé. Quand on a demandé à « l'apparition » quelle était cette musique, elle a répondu : « C'est du blues... »

    Les grandes musiques ont toujours leurs petites histoires, séduisantes, mais trompeuses. Nos deux musiciens sont convaincus d'avoir découvert le « blues » au début du XXe siècle, mais le genre existait déjà en 1860, voire même plus tôt. Le mot lui-même est vieux comme l'ancien monde, « avoir le blues » (ou le cafard) est couramment utilisé dans la jeune Amérique. Ce qui sonne juste dans ces deux anecdotes, c'est le côté solitaire de l'artiste, l'expression singulière qui émane de son chant et la puissante émotion qu'il provoque. Une émotion intacte, un siècle et demi plus tard, qui explique que Martin Scorsese, artiste fou de musique et viscéralement attaché aux racines sensibles de l'Amérique, ait envie de ranimer les braises. En sept films, le cinéaste a entrepris de mettre à nu l'âme du blues, aidé de prestigieux complices (Wim Wenders, Clint Eastwood...). Un voyage vertigineux, qui démarre sur les écrans français le 14 janvier avec « The Soul of a Man » de Wenders.

Un chant solitaire 
Le « blues », c'est la musique du peuple noir américain. Une musique liée organiquement au traumatisme d'une émancipation en trompe-l'oeil, succédant à trois siècles inhumains d'esclavage. Du temps de cette servitude datent les chants des « field hollers » (les crieurs des champs), imprégnés de réminiscences africaines. Puis, lorsque l'on autorise les Noirs à pratiquer la religion chrétienne, naissent les « spirituals ».

Avec l'émancipation, la donne change : le Noir gagne un peu de temps de loisir, cherche désespérément du travail et commence à voyager pour travailler dans des scieries ou dans des usines. En même temps qu'il découvre la condition humaine et une toute relative liberté individuelle, il est confronté à la dureté de cette société blanche, puritaine et matérialiste, qui le considère toujours comme un sous-homme. Le blues serait né ainsi, dès que l'Afro-Américain a pu s'isoler pour chanter un petit air ; et raconter, avec une langue qu'il maîtrise désormais parfaitement, son expérience intime de l'Amérique : celle d'un espoir tué dans l'oeuf, compensé par un incroyable instinct de survie.

Derrière sa structure très formelle _ trois accords (tonique, sous-dominante, septième dominante) et douze mesures _ le blues est une musique subtile et ouverte. Africaine dans ses mélodies (la référence à une gamme différente de l'occidentale produisant ses « notes bleues »), sa rythmique, son recours à l'improvisation ; américaine dans ses textes et son cousinage avec le « folk-song » rural blanc... elle offre une grande liberté d'interprétation. Les voix les plus diverses lui prêteront vie, de la plus rocailleuse à la plus sucrée. D'abord accompagnés d'une simple guitare, les chanteurs accepteront par la suite le support de divers instruments : harmonica, violon, piano, percussions, cuivres.

PHILIPPE CHEVILLEY  LE 09/01/2004 ​​​​​​​

Titre :.... When the Hurt Is Over !!!!!!!! Artiste : ....Mighty Sam McClain !!!!!!!!!!!!!Album:...Sledgehammer Soul and Down Home Blues

Tranches de vie 
Dès l'origine, le blues a mauvaise réputation. Profane par nature, il flirte avec les bas instincts de ce bas monde : l'oisiveté, le vagabondage, le sexe, l'alcool, le jeu, la drogue, voire le vol ou le meurtre. Surtout, il choque les esprits délicats par son parti pris « non poétique ». De l'ironie, des métaphores, mais pas de lyrisme dans ses paroles. Les blues sont réalistes, fonctionnels, relatent le vécu, de façon presque clinique. Ils sont de fabuleuses vignettes, racontant, mieux que n'importe quel livre, l'histoire du peuple noir américain.

Ils décrivent la rude vie dans les champs, après l'esclavage : « Tu as un travail dur comme la pierre;/Tu dis un mot de trop et on te fiche dehors » (*). Ils évoquent la fascination pour les grandes villes du Nord : « Si tu veux des femmes à gogo, t'as qu'à travailler à l'aciérie de Chicago. » Surtout, lorsque Henry Ford, promet un minimum de 5 dollars par jour... et l'embauche d'ouvriers noirs dans ses usines : « Je vais à Détroit, me trouver un bon job (bis)/Je ne peux plus rester ici, où personne n'a rien à manger/Je vais trouver un bon job, chez M. Ford/J'en ai assez de laisser passer les jours sans rien manger. 

Ils expriment un patriotisme sans faille au moment des guerres : « Tu peux être fort comme un lion, tu peux être doux comme un agneau/Oublie un peu ta femme et pense à l'Oncle Sam » ; l'impuissance des hommes face aux catastrophes naturelles : (« J'suis assis là dans toute cette boue/Et ma petite a été emportée par le Mississipi en crue. » Ils se font simples chants d'amour : « Jette tes bras autour de moi, comme un rond autour du soleil », ou complainte funèbre : « N'apportez pas des fleurs une fois que je serai mort, un mort ne peut rien sentir (bis)/Et si je n'étais pas au paradis ? C'est pas en enfer que des fleurs vont me servir. »

PHILIPPE CHEVILLEY  LE 09/01/2004 

Vagabonds et grandes dames 
C'est tout un peuple qui chante le blues, mais le genre génère bien sûr ses héros, ses génies, ses virtuoses, qui vont jalonner l'histoire de la musique. A l'aube des années 20, l'incendie se déclare dans deux foyers. Dans le delta du Mississipi, Charley Patton, musicien rebelle, buveur, coureur de jupons, fait figure de gourou. Au gré de ses passages dans des « junk joints » et autres tripots du Sud, le prince-voyou hypnotise un public de travailleurs agricoles, de bûcherons et ouvriers, avec sa voix nasillarde au léger vibrato, son débit précipité entre parler/chanter (envoûtant « Pony Blues ! ») ; il fait des émules, comme Bukka White, Big Joe Williams et Son House, son plus fiévreux disciple (écoutez son enregistrement du quasi mystique « Preaching the Blues »).

En contrepoint de ce blues rural et masculin se met en ordre de bataille une véritable armada féminine, dans la foulée de la truculente Ma Rainey. Un blues « professionnel » triomphe dans les spectacles ambulants, un blues plus orchestré, plus théâtral puisqu'il prend racine dans le monde des « minstrels » et du « vaudeville ». La plus connue des « suivantes » de Ma est Bessie Smith, sacrée bientôt « impératrice du blues », mais c'est une autre Smith (« Mamma ») qui va transformer le blues en un phénomène « national ». En 1920, le chef d'orchestre Perry Bradford la choisit pour enregistrer à la place d'une chanteuse blanche souffrante « Crazy Blues ». C'est un triomphe discographique, qui va inciter les maisons de disques à enregistrer à tour de bras les chanteurs de blues, y compris en envoyant des camions ambulants dans les campagnes. Les Noirs se saignent aux quatre veines pour acheter des phonographes et font la queue devant les boutiques de disques. Cette vogue sera brutalement interrompue par la grande dépression de 1929, mais le blues a eu le temps de semer ses graines.

PHILIPPE CHEVILLEY  LE 09/01/2004 

L'éternel retour
Les musiciens, à leur tour, ont rejoint les grandes villes du Nord. Le blues devient fatalement plus urbain, plus agressif, sous la houlette du grand rassembleur, le guitariste Big Bill Broonzy, ou du pianiste frénétique Clarence Smith, qui, à la fin des années 20, popularise une nouvelle forme de musique, le boogie-woogie. D'autres grands noms apparaissent, comme Little Robert _ digne descendant de Charley Patton et Son House ; T-Bone Walker, qui, dans les années 30, fait basculer le blues dans l'électricité et lui donne un léger parfum de décontraction « West Coast ». Le genre patine dans les années 1940... Il renaît de plus belle après-guerre. De nouveaux géants apparaissent comme Muddy Waters (implacable « (I'm Your) Hoochie Coochie Man ») ou le « roi » B.B. King et ses deux homonymes, Albert et Freddie. Des virtuoses qui portent le blues à un paroxysme d'épure et de puissance.

PHILIPPE CHEVILLEY  LE 09/01/2004 

Le meilleur des Stones 
Durant tout ce temps, le blues reste proche de ses origines, entretenant à tel point la flamme qu'il incite des amateurs inspirés à retourner aux sources et enregistrer des génies oubliés. C'est ce travail de mémoire, qui pousse, dans les années 1930, le collectionneur John Lomax à visiter avec son fils la prison d'Angola pour y dénicher le grand artiste Leadbelly. Dans les années 1960, des Allemands organisent un American Folk Blues Festival au cours duquel le public européen va (re)découvrir des grands noms, tel John Lee Hooker... Les documentaires de Martin Scorsese participent à la même démarche.

Insoluble dans le « mainstream » musical, le blues va inspirer deux courants majeurs de la seconde moitié du XXe siècle : le jazz et le rock. Deux enfants qui n'ont jamais tué le père et ne l'ont jamais trahi. Dans un brillant essai publié en 1963, « Le Peuple du blues », l'écrivain américain LeRoi Jones prétend qu'à chaque fois que le jazz a failli perdre son âme (dans la variété ou la sophistication extrême), il s'est retrouvé dans le blues (avec le be-bop, voire le free jazz). Le jazz sauvé par ses racines noires, quoi de plus normal ? Plus intrigante est l'assimilation du blues par les rockers britanniques dans les années 60-70 ; car avec le recul, le meilleur du rock, musique fondamentalement blanche, apparaît synonyme de blues : « Love in Vain », « You Gotta Move » _ qu'il s'agisse de reprises ou de chansons originales, c'est dans ce registre que les Rolling Stones, les rois du rock, ont gagné leurs lettres de noblesse.

Malgré une relève foisonnante _ de Robert Cray à Keb'Mo', en passant par Lucky Peterson _, l'avenir du blues est en pointillé, depuis que les Noirs américains privilégient un genre 100 % urbain : le hip-hop, expression de la violence des ghettos, inspirée de la soul et de la disco. Certains rappers aventureux, comme Chuck D. tentent de renouer avec leurs racines bleues, mais le pari n'est pas encore gagné. Le salut viendra-t-il du rock, en pleine résurgence ? A voir avec quelle ferveur un public de toutes couleurs applaudit les concerts métissés du jeune prodige Ben Harper, à l'âme trempée dans le Mississipi, on se dit que le blues, cet or noir américain, n'est pas prêt de se ternir dans les rayons « compilations " des magasins de disques.


 
(*) Tous les extraits cités proviennent du « Monde du blues » de Paul Oliver et sont traduits de l'anglais par Henry Knob
PHILIPPE CHEVILLEY  LE 09/01/2004 ​​​​​​​
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