HISTOIRE DU JAZZ
Les origines
- Au début du 19ième siècle, le commerce trans-atlantique des esclaves avait apporté près d'un demi-million de noirs africains en Amérique du nord. Les esclaves largement originaires d'Afrique de l'ouest, avaient apporté avec eux leur forte tradition musicale. Les “lavish festivals”, permettant de danser et de chanter plus librement que dans les champs de coton étaient organisés les dimanches à Congo Square à la Nouvelle Orléans ainsi qu'en nouvelle angleterre et à New York. La musique africaine, largement fonctionelle, accompagnait le travail et le fait religieux. Ce sont les fameux “work songs” accompagnant le travail dans les champs de coton et les ‘field hollers" ancêtres des gospels et spirituals déstinés à soulager les esclaves noirs de leur terrible condition.
- Dans la tradition africaine, il y avait une ligne mélodique unique associé à un pattern en forme de question-réponse mais sans le concept harmonique européen. Le rythme reflétait les onomatopées parlées et l'usage africain des gammes pentatoniques conduisit à la création des blue notes, présentes dans le jazz et le blues.
- Au début du 19ième siècle un nombre important de musiciens africains apprirent à jouer des instruments européens, tel le violon et s'en servirent pour parodier la musique de danse européenne et créerent leurs propres “cakewalks”. Une autre influence, vint des esclaves africains qui avaient appris le style harmonique des hymnes et les avaient incorporés dans leurs propres “spirituals”.
Le Ragtime

- L'émancipation des esclaves leur donna l'opportunité d'apprendre la musique, mais la ségregation toujours présente limitait les possibilités d'emploi. Les musiciens noirs divertissaient les foules dans les bals, shows menestrels et autres vaudeville, et formaient des marching bands. Les pianistes noirs jouaient dans les bars, clubs et bordels. En 1897, le compositeur William H. Krell publia son “Mississippi Rag” en tant que premier morceau de piano instrumental dans le style “ragtime”. Scott Joplin livra son “Original Rags” l'année suivante et eut un succés mondial avec le titre “Maple Leaf Rag”. Il popularisa de nombreux rags mélangeant syncopes, rythmes de banjo et parfois les questions-réponses, ce qui influença les compositeurs classiques Claude Debussy et Igor Stravinsky. Le Blues quand à lui fut popularisé par W.C. Handy dont les titres “Memphis Blues” de 1912 et St Louis Blues de 1914 devinrent des standards de jazz.
New Orleans
- La musique de la Nouvelle Orleans influença profondément les débuts du jazz. Beaucoup de musiciens de jazz commencèrent par jouer dans les bordels et bars du district de “red-light” près de Basin Street nommé “Storyville” et qui était le quartier de la prostitution. De même beaucoup de “marching bands” jouaient lors des “lavish funerals” organisés par les noirs américains. Les instruments utilisés par ces “marching bands” et “dance bands” devinrent les instruments de base du jazz : cuivres et anches accordés suivant la gamme tempérée à 12 notes européenne et les percussions.
- Jelly Roll morton pianiste afro-créole commença sa carrière à “Storyville”. A partir de 1904, il se produisit avec des “vaudevilles” (shows combinant musiciens, numéros d'acrobaties, cirque, danseurs, clowns …) dans les villes du sud puis à Chicago et New york. Son “Jelly Roll Blues” qu'il composa en 1905, fut publié en 1915 comme le premier arrangement de jazz imprimé et initia encore plus de musiciens au style “New Orleans”.
- Le Rag originaire de Baltimore d'Eubie Blake influença James P. Johnson dans son jeu “Stride” du piano. La main droite joue la mélodie pendant que la main gauche produit le rythme et la ligne de basse.
- Le disque “Livery stable blues” du groupe “Original Dixieland Jass Band” sorti en 1917 fut l'un des premiers disques de jazz. Cette année là de nombreux autres groupes sortirent des disques incluant le nom “jazz” dans le titre ou l'orchestre.

Les années 1920 - 1930

- Les années 1920, 1930 voient apparaitre la prohibition aux Etats-Unis, ce qui a pour effet de créer une scène illicite où se produisent les groupes de jazz de l'époque. Le jazz a alors une réputation sulfureuse et est vue comme immorale et décadente par une certaine partie de la population. C'est à Chicago que se développa le “jazz hot” où King Oliver rejoint Bill Johnson. En 1920, Bessie Smith devint l'une des plus fameuses chanteuses de blues. Bix Beiderbecke forma les “Wolverines” en 1924. Cette même année Louis Armstrong intégra le “Fletcher Henderson dance band” pour un an en tant que soliste, puis créa son “Hot Five” popularisant ainsi le chant scatté.
- Il y avait un marché plus important pour les groupes de jazz formés de musiciens blancs, comme le Jean Goldkette orchestra et le Paul Whiteman Orchestra. En 1924 Whiteman passe commande à Gershwin pour son “Rhapsodie in Blue” qui sera joué pour la première fois par son orchestre. Les autres groupes influents furent les orchestres de Fletcher Henderson, Duke Ellington (en résidence au “Cotton Club” à New York dès 1927) et Earl Hines (à Chicago). Tous ces orchestres influencèrent le développement du style des grands orchestres de jazz de type big band.
Les années swing

- Les années 1930 appartiennent aux grands orchestres populaires de swing dans lesquels les solistes deviennent aussi fameux que les chefs d'orchestre. Les figures de proue de ces big-bands furent : Count Basie, Fletcher Henderson, Cab Calloway, Earl Hines, Artie Shaw, Duke Ellington, Tommy Dorsey, Glenn Miller, Benny Goodman… Un orchestre swing était destiné à faire danser et pouvait également être retransmis à la radio. Bien que ce fut une musique collective, le swing offrait aux musiciens de jazz la possibilité d'improviser individuellement de façon mélodique ou autour d'un thème et de créer une musique parfois trés riche et complexe. Avec le temps, et un certain relachement de la ségregation raciale, les chefs d'orchestre blancs finirent par employer des musiciens noirs. Ainsi Benny Goodman recruta le pianiste Teddy Wilson, le vibraphoniste Lionel Hampton et le guitariste Charlie Christian pour créer un combo. (Combo était le terme pour désigner les petits orchestres). Dans les années 1940 le style connu sous le nom de “Jump Blues” utilisait de petits groupes et se caractérisait par des tempos rapides et des grilles d'accord proches de la forme blues. Ces groupes swing influencèrent le développement du be-bop.
Le be-bop

- Au milieu des années 1940 les musiciens du be-bop (ou bop) transformèrent le jazz swing, fait pour danser en une musique combinant une harmonie plus complexe et un rythme souvent trés rapide se revendiquant en tant que forme d'art à part entière. Ce fut une véritable révolution dont les héros les plus connus furent le saxophoniste Charlie Parker (Bird), le trompettiste Dizzy Gillespie et les pianistes Bud Powell et Thelonious Monk. Les boppers introduisirent de nouvelles formes de chromatismes et de dissonances aux lignes mélodiques du jazz traditionnel et enrichirent les grilles des morceaux existants par l'utilisation d'accords de substitution, accords altérés, accords de passage, rendant les mouvements harmoniques plus denses et rapides. Le style de la batterie devint plus abstrait et explosif la cymbale “ride” étant utilisée pour garder le tempo pendant que la grosse caisse et la caisse claire servait à faire des interventions pour marquer la mélodie.
Le jazz manouche
- En dehors des Etats-Unis, un style de jazz proprement européen voit le jour en France avec le Quintette du Hot Club de France de Django Reinhardt (guitare) et Stéphane Grapelli (violon). Le guitariste virtuose d'origine Tzigane, Django Reinhardt popularise le jazz manouche, mêlant le swing américain au musette et à la musique tzigane issue des musiques folkloriques des pays de l'est. Les solos passent d'un instrument à l'autre pendant que la basse et la guitare rythmique gardent le tempo
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Le hard-bop
- Le hard-bop est une extension du bebop qui incorpore les influences du rythm and blues, du gospel et du blues, dans le jeu du saxophone et du piano en particulier. Le Hard bop apparait au milieu des années 50 en réaction à l'émergence du cool jazz au début des années 50. Le style hardbop se cristallisera en 1953 et 1954 parallèlement à l'apparition du style rythm and blues. Le concert de Miles Davis “Walkin” au festival de Newport, du disque éponyme paru cettte année là, marque l'avènement de ce nouveau style de jazz. (Il y aura 4 disques trés réussis avec le quintet de Miles incluant John Coltrane, “Steamin”, “Cookin”, Relaxin", “Workin” enregistrés en quelques jours). L'autre orchestre phare de cette période est le quintet d'Art Blakey, “Art Blakey and the Jazz Messengers” avec Blakey à la batterie, Horace Silver au piano, et le regretté trompettiste Clifford Brown. Les styles précédents en jazz ont tendance à perdurer et les musiciens d'une époque donnée naviguent à travers les différents styles déja existants passant du bop au hard-bop puis au free.
Le latin-jazz
- Le latin jazz présente deux variantes, la musique afro-cubaine et le jazz brésilien. Le jazz afro-cubain nait dans les années 50 aprés la période bebop. Le jazz brésilien atteint une grande popularité dans les années 60. Le jazz afro-cubain apparait lorsque des musiciens tels que Dizzy Gillespie et Billy Taylor montent des orchestres afro-cubains, influencés par les musiciens cubains et porto-ricains dont, Tito Puente, Arturo Sandoval, Xavier Cugat. Le jazz brésilien, comme la bossa-nova, dérive de la samba avec des influences de jazz, classique, musique populaire brésilienne. Les pionniers de la bossa-nova sont , Antonio Carlos Jobim (compositeur de la plupart des tubes de bossa-nova de cette période), Joao Gilberto, Vinicius de Moraes, Sergio Mendes … Le terme jazz-samba désigne une adaptation de la bossa-nova au jazz par des musiciens américains dont Stan Getz (saxophone), Charlie Byrd (guitare)
Le cool jazz

- Miles Davis qui avait suivi l'aventure du bebop auprès de Charlie Parker et de Dizzy Gillespie remplaçant ce dernier à l'occasion, fut l'instigateur d'un nouveau courant “cool jazz” plus léger et reprenant une tradition musicale plus blanche en réaction au bebop jugé trop rapide, abstrait et limitant la créativité. Le disque original de Miles Davis, enregistré en 1949 et 1950 nommé “Birth of the cool” marqua le début de ce nouveau courant. Parmi les artistes de ce courant on retrouve Chet Baker, Dave Brubeck, Bill Evans, l'arrangeur Gil Evans qui collaborera à plusieurs reprises avec Miles, Stan Getz, le Modern Jazz Quartet. Le pianiste Bill Evans initie à partir de cette période de nouvelles voies d'improvisation, en explorant l'univers de la musique modale, qui vont imprégner durablement le langage du jazz. L'un des chefs d'oeuvre de cette période, considéré comme l'un des chefs d'oeuvre du jazz tout court, fut l'album Kind of Blue de Miles Davis (co-écrits pour la plupart avec Bill Evans, les morceaux sont au crédit de Miles Davis), où les géants du saxophone John Coltrane et Cannonball Adderley distillent une musique incroyable, accompagnés avec brio par Bill Evans, ou Wynton Kelly au piano selon les titres, Paul Chambers et Jimmy Cobb étant respectivement à la contrebasse et à la batterie.
Fusion - Jazz-rock…
- Au début des années 1970, ère psychédélique, les musiciens s'essaient aux mélanges de genres musicaux. D'où le terme fusion, qui sera donné aux musiques à la croisée du jazz, du rock, de la funk ou de la soul. Le jazz-rock émerge là, sous la houlette de pionniers tels que, Miles Davis ou bien Frank Zappa, dont les disques (“In a Silent Way” - Miles, “Hot Rats” - Zappa) vont marquer le point de départ de ce nouveau courant musical. Mêlant les rythmes issus du rock'n roll, du rythm and blues et de la soul à l'improvisation jazz, le jazz-rock fera appel aux instruments électriques et électroniques du moment, les synthétiseurs et pianos électriques, Fender Rhodes, Wurlitzer, orgues Hammond B3, MiniMoogs,… et aux instruments électriques comme la guitare ou le violon électrique avec leurs sons saturés ou modifiés à l'aide de pédales d'effets. Les disques “In a silent way” (1969) et “Bitches Brew”(1970) de Miles Davis réuniront une pléïade de musiciens de jazz, qui deviendront les leaders de la scène jazz à venir dont un grand nombre sont encore actifs aujourd'hui : Herbie Hancock, John Mac Laughlin, Keith Jarrett, Billy Cobham, Joe Zawinul, Larry Coryell, Chick Corea. La fusion va permettre d'élargir le public du jazz, qui s'était considérablement réduit avec l'arrivée du free jazz. Les groupes phares de la fusion des années 1970, seront “Weather Report” fondé par Joe Zawinul et Wayne Shorter, “Mahavishnu Orchestra” de John Mac Laughlin ou encore “Head Hunters” de Herbie Hancock.