Autour de Christine Sèvres chanteuse française
Par Julien Lucchini
https://maitron.fr/spip.php?article185591, notice SÈVRES Christine [BOISSONNET Jacqueline, Christine, dite] par Julien Lucchini, version mise en ligne le 2 octobre 2016, dernière modification le 2 octobre 2016.
Née le 25 mars 1931 à Paris (Ve arr.), morte le 1er novembre 1981 à Marseille (Bouches-du-Rhône) ; vendeuse, dessinatrice industrielle, puis comédienne, chanteuse ; figure de la chanson Rive-gauche, compagne puis épouse de Jean Ferrat.
Le père de Christine Boissonnet, Jacques, travaillait à la Caisse des dépôts et consignations. D’un tempérament autoritaire et sévère, il éleva néanmoins sa fille dans l’amour des mots et de l’écriture. Lui-même était poète à ses heures. La mère travaillait comme secrétaire chez Larousse. À l’âge de huit ans, Christine Boissonnet assista à la séparation de ses parents, qui la marqua profondément. Aussi devint-elle, dans les années qui suivirent, une adolescente fugueuse. Dans le même temps, elle développa son amour des lettres et, sous le pseudonyme d’Antigone, écrivit beaucoup. Elle baignait alors avec enthousiasme dans l’ambiance du Saint-Germain-des-Prés d’après-guerre. Elle vivait alors dans une petite chambre à proximité du pont de Passy (pont de Bir-Hakeim).
C’est dans ce contexte que Christine Boissonnet lia connaissance, au début des années 1950, avec les frères Lanzmann, et Serge Rezvani. En 1953, elle était mère d’une fille, Véronique. Le père avait quitté le domicile conjugale. Elle accumula alors les métiers pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa fille : vendeuse, mannequin, taxi-girl, portraitiste aux terrasses des cafés parisiens, puis dessinatrice industrielle. Très vite, compte-tenu des difficultés financières, la petite Véronique fut placée en nourrice, où elle resta neuf années. Christine Boissonnet ambitionnait d’embrasser une carrière de comédienne et s’inscrivit aux cours de Roger Clairval. Pour ne pas contrarier ses parents, qui voyaient d’un œil inquiet les projets artistiques de leur fille, elle adopta alors le pseudonyme qu’elle allait conserver jusqu’à sa mort : Christine (son deuxième prénom) Sèvres (par allusion à la station de métro Sèvres-Babylone, à proximité de laquelle elle avait emménagé peu de temps auparavant).
Après avoir été employée de bureau deux années durant, Christine Sèvres décida, au milieu des années 1950, de changer drastiquement de vie. Elle rompit avec son proche entourage, quitta son emploi, et son lança dans la carrière d’artiste dont elle rêvait depuis plusieurs années. Elle donna un temps lecture de poètes au club Plein Vent, où elle fit la connaissance de Jean-Pierre Suc, animateur du cabaret le Cheval d’Or. Celui-ci l’embaucha et, dès le lendemain, elle commença ses tours de chant. Celle qui avait si longtemps rêvé sa vie de comédienne entama alors une carrière d’interprète, plus par nécessité alimentaire semble-t-il que par réel engouement.
En 1956, Christine Sèvres rencontra Jean Ferrat, qui lui confia plusieurs chansons et avec lequel elle se produisit parfois, notamment à la Cour-Carrée du Louvre où tout deux tinrent un rôle dans une représentation de Cromwell. Elle entama avec lui une relation amoureuse et, en 1961, le couple se maria. Jean Ferrat éleva Véronique Estel, la fille de Christine, comme la sienne. Après avoir vécu quelque temps rue des Pyrénées (Paris, XXe arr.), le couple Ferrat-Sèvres élut domicile à Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne).
Christine Sèvres continua de se produire dans différents lieux et fut remarquée par la critique. Aussi François des Aulnoyes écrivit-il à son propos dans Combat du 8 novembre 1957 qu’elle était « un bibelot de talent ». Quelques mois plus tard, c’est son interprétation scénique des chansons d’Aristide Bruant qui lui valut les éloges de Claude Sarraute dans les colonnes du Monde. À la fin de l’année 1958, Gérard Meys l’entendit chanter à Montmartre et, par son entremise, fit la connaissance de Jean Ferrat dont il allait devenir le producteur. La carrière artistique de Christine Sèvres mêlait alors ses tours de chants dans de nombreux cabarets (La Grignotière, le Tobago-Circus, l’Écluse, La Colombe, entre autres) et ses interprétations de comédienne.
En 1961 sortit le premier disque de Christine Sèvres, Paris, Rive gauche. Elle reçut à cette occasion le Grand-Prix du Music-hall. Trois ans plus tard, Georges Brassens* lui proposa de l’accompagner pour une tournée de plusieurs mois organisée par Jacques Canetti. À la fin 1964, elle se produisit aux côtés de Brassens et fut invitée de Barbara à Bobino.
Le couple Ferrat-Sèvres fit l’acquisition, en 1964, d’une ferme isolée, à Antraigues-sur-Volane (Ardèche), où la famille élut domicile et que Jean Ferrat célébra dans l’une de ses plus célèbres chansons, La Montagne. À l’été 1967, Christine Sèvres et Jean Ferrat embarquèrent pour Cuba, où ils demeurèrent plusieurs semaines. Comme son époux, Christine Sèvres en revint enthousiaste, déclarant notamment dans un entretien paru dans La Croix : « Là-bas, vous comprenez, ils ont fait quelque chose. Enfin, des hommes réagissent. [...] Il suffirait pourtant que les Américains lèvent le petit doigt et clac, plus de Cuba, plus de Cubains, rien. Ils vivent dans le défi. C’est forcément enthousiasmant. » Tous deux chantèrent tour à tour Cuba dans une chanson de Ferrat, Cuba si. En 1968, un album de Christine Sèvres sortit au printemps, chez CBS. En dépit des espoirs que la chanteuse fondait sur cette sortie, l’album passa inaperçu au milieu des événements de mai-juin. Cet échec fut une immense déception pour Christine Sèvres, qui livrait dans le même temps son amertume devant l’inégal élan de sa carrière et de celle de son époux.
Sans être adhérente du Parti communiste, elle en était, comme Ferrat, sympathisante. Deux ans plus tard, en 1969, le couple chanta en duo La Matinée, chanson sur l’engagement qui demeura l’une de ses plus célèbres interprétations. Malgré ses sympathies, Christine Sèvres manifesta à plusieurs reprises quelques réserves vis-à-vis de l’engagement militant, donnant par exemple dans un entretien à La Croix sa propre conception de l’engagement et de son rôle d’artiste : « Chanter le Vietnam dans les fêtes du parti, ce n’est pas un engagement. Le public applaudit de confiance. À quoi ça sert ? L’engagement, c’est de chanter pour les autres, pour tous ceux qui ne sont pas convaincus d’avance. Leur glisser le paquet au milieu d’autres chansons qui sont le reflet de la vie de tous les jours. »
Christine Sèvres abandonna définitivement sa carrière de chanteuse en 1972, et se retira à Antraigues-sur-Volane, où elle se consacra à sa peinture, exposant ses toiles dans la ville en 1975. Malade, elle mourut en 1981, à Marseille. Plusieurs hommages posthumes lui furent rendus, à l’initiative de Jean Ferrat et de Véronique Estel.
SOURCES : Presse écrite (Je chante, l’Humanité, Le Monde, Combat). — Sites internet. — Témoignage de Véronique Estel, fille de Christine Sèvres, pour le webdocumentaire de Laurence Mauriaucourt, journaliste à l’Humanité, intitulé « Avant, avec, après Jean Ferrat : de ce qu’ils ont vécu à ce qu’ils imaginent », mars 2015.
Par Julien Lucchini
https://maitron.fr/spip.php?article185591, notice SÈVRES Christine [BOISSONNET Jacqueline, Christine, dite] par Julien Lucchini, version mise en ligne le 2 octobre 2016, dernière modification le 2 octobre 2016.
Christine Sèvres sort son premier disque en 1961, Paris rive gauche et reçoit la même année le Grand Prix du Music-Hall. En 1962, sortie de son premier 45 tours chez Polydor. À cette occasion une grande fête est organisée à Bobino. Ses amis artistes, Cora Vaucaire, Jean Ferrat, Isabelle Aubret se succèdent devant un public enthousiaste. En octobre 1963, sollicitée par Brassens, complice et ami, Christine entame une tournée, avec à ses côtés, Jean Obé, qui lui écrira une chanson, Oscar et Irma. Elle monte sur la scène de Bobino en novembre 1964, succédant à Barbara durant trois semaines. Le public adore, les critiques sont réservées. Galas et télévisions s’enchainent. Le premier album de Christine Sèvres, pour lequel Jean Ferrat lui écrit une chanson Tu es venue, sort le 10 mai au moment des évènements de 1968, dans l’indifférence générale. Bobino l’accueille une deuxième fois, en février 1969, en vedette américaine de Serge Reggiani. Elle conquiert la critique, bouleversante dans ses interprétations. Après un deuxième album en 1970, Christine Sèvres abandonne définitivement la chanson en 1972 et se retire, seule, à Antraigues où elle et Jean Ferrat ont acquis une maison. Elle se consacre désormais à la peinture. La chanteuse disparait le 1er novembre 1981.
30 décembre 1965 au théâtre Bobino :Jean Ferrat et Christine Sèvre échangent avec Louis Aragon et Elsa Triolet.
Christine Sèvres, de son vrai nom Jacqueline Christine Boissonnet voulait depuis toujours être comédienne. Son père qui est, durant ses temps libres poète, aurait bien voulu que sa fille devienne écrivaine.
Le grand-père de Christine, quant à lui, pousse sa petite-fille à devenir une chanteuse. La petite fille a, par la suite, suivi des cours de chant lyrique et apprit à jouer du piano.
Paul Verlaine
(Amour, 1888 – Lucien Létinois XVIII)
De la gare d’Auteuil et des trains de jadis
T’amenant chaque jour, venus de La Chapelle ?
Jadis déjà ! Combien pourtant je me rappelle
Mes stations au bas du rapide escalier
Dans l’attente de toi, sans pouvoir oublier
Ta grâce en descendant les marches, mince et leste
Comme un ange le long de l’échelle céleste.
Ton sourire amical ensemble et filial,
Ton serrement de main cordial et loyal.
Ni tes yeux d’innocent, doux mais vifs, clairs et sombres
Qui m’allaient droit au cœur et pénétraient mes ombres.
Après les premiers mots de bonjour et d’accueil,
Mon vieux bras dans le tien, nous quittions cet Auteuil,
Et sous les arbres pleins d’une gente musique,
Notre entretien était souvent métaphysique.
Ô tes forts arguments, ta foi du charbonnier !
Non sans quelque tendance, ô si franche ! à nier,
Mais si vite quittée au premier pas du doute !
Et puis nous rentrions, plus que lents, par la route
Un peu des écoliers, chez moi, chez nous plutôt,
Y déjeuner de rien, fumailler vite et tôt,
Et dépêcher longtemps une vague besogne.
Mon pauvre enfant, ta voix dans le bois de Boulogne !
Paul Verlaine
(Amour, 1888 – Lucien Létinois XVIII)
Christine Sèvres, comédienne et chanteuse avait depuis les années 1970 rangé ses merveilleuses interprétations dans la maison d'Antraigues-sur-Volane, en Ardèche, à l'ombre des innombrables succès de son époux, Jean Ferrat.
Le 1er novembre 1981 le cancer l'emportait. Elle avait à peine 50 ans.
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La chanson « Point de vue » repose, elle-aussi, au cimetière des chansons oubliées. Pourtant ce petit bijou de chanson a connu son heure de gloire et vous la redécouvrirez peut-être bien enfouie au creux de vos souvenirs de jeunesse.
Jean Arnulf (1932-2007) eut une carrière de chanteur relativement courte, au cours des années 60, avec un répertoire de chansons engagées. « Point de vue », la chanson qui le fit connaître, est restée son plus grand succès. La chanson a notamment été interprétée par Christine Sèvres (que vous pourrez entendre ci-dessous), Marie-Paule Belle, Claude Vinci et Marc Ogeret.
La chanson « Point de vue » sera aussi enregistré par Christine Sèvres et souvent interprétée dans les concours de chanson. En plein époque « yéyé », cette chanson sur l’injustice sociale (« Moi, j’dis qu’la mort a pas l’même goût vue par en d’ssus ou par en d’ssous… ») se classera troisième au palmarès. Dans son répertoire, beaucoup de chansons contestataires, souvent antimilitaristes : Le twist du déserteur, La mienne à moi, Chante une femme (née d’un reportage de Paris-Match sur la guerre du Vietnam. Jean Arnulf chante aussi l’amour et le temps qui passe : Jour après jour, Tiens, Déjà l’automne. À partir de 1968, il abandonne la chanson, compose des musiques pour les films de Bernard Clavel. En 1976, il enregistre chez RCA un album de chansons de Rezvani (Bassiak). L’année suivante, pour la série télévisée Pierrot-la-chanson, il enregistre, en duo avec Hélène Martin, « La matinée » de Gougaud et Ferrat (Disques du Cavalier).
Jean Arnulf est décédé le 25 mars 2007.
Publié: 21 septembre 2012 dans Arnulf Jean, Sèvres Christine
Source: Magazine « Je chante »
Paroles de Martine Merri et musique de Jean Arnulf
Le soleil brille pour tout le monde
Quand, à la Méditerranée,
On s’ donne la main, on fait la ronde.
Et chacun peut en profiter.
Faudrait voir à pas mélanger
Les torchons avec les serviettes,
Le caviar et la vache enragée,
Les clochards avec les starlettes.
Moi, j’dis qu’ l’hiver a pas l’ même goût
Selon comment on le regarde.
Moi, j’dis qu’ l’hiver a pas l’ même goût
A Megève ou sous l’ pont de Saint-Cloud.
Sur la Seine, y a des bateaux-mouches
Avec des dames en décolleté
Qui rient très haut et font des touches…
Et y a aussi les suicidés.
Faudrait voir à pas mélanger
Les torchons avec les serviettes,
L’ malheur et l’imbécillité,
La fringale et le coup d’ fourchette.
Moi, j’ dis qu’ la Seine a pas l’ même goût
Selon comment on la regarde.
Moi, j’ dis qu’ la Seine a pas l’ même goût
Vue par en-dessus ou par en-dessous.
Y a des murs où, au matin blême,
On met en rang les entêtés.
Y a des murs où, au matin blême,
On assassine la Liberté.
Faudrait voir à pas mélanger
Les torchons avec les serviettes,
Les martyrs et les médaillés,
Les généraux et les poètes.
Moi, j’ dis qu’ l’Honneur a pas l’ même goût
Selon comment on le regarde.
Moi, j’ dis qu’ la Mort a pas l’ même goût
Vue par en-dessus ou par en-dessous.
Une artiste rive gauche
Elle s’inspire du métro pour choisir son nom d’artiste
Appréciée des professionnels mais pas du grand public
Tout au long des années 1960, son magnétisme et la finesse de sa voix enchantent non seulement Jean Ferrat mais aussi d’autres artistes comme Georges Brassens qui lui demandera plus tard de faire ses premières parties à Bobino. Malheureusement, elle n’électrise toujours pas les foules.
Traqueuse à l’excès, exigeante sur la qualité des textes, Christine Sèvres, quasi immobile sur scène, reste une étoile montante, sans jamais connaître son apogée. La sienne déclinera, de façon inversement proportionnelle à celle de son mari, devenu l’interprète inoubliable de La montagne.
Elle choisit la peinture et l’alcool
Pour Christine, la montagne du succès est trop dure à gravir. Elle abandonne la chanson en 1972 pour se consacrer à la peinture, un autre art qui la plonge davantage dans le repli sur elle-même. Pendant neuf ans, elle restera dans l’ombre de Ferrat qui a trouvé une autre femme avec qui « unir son errance ». Elle, ne trouve comme autre compagnon que l’alcool.
Un cancer l’emporte le 1er novembre 1981, quelques jours après Georges Brassens.