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Publié par J.L.D.

Le piano et la musique classique 

Le piano, un instrument emblématique de l'histoire de la musique

SUR : 

https://www.ecolefrancaisedepiano.fr/single-post/histoire-du-piano

histoire-du-piano

Le piano, instrument emblématique par excellence, incarne la richesse de l'histoire musicale à travers les siècles. Depuis ses modestes débuts jusqu'à son statut d’instrument rêvé, tant comme objet que pour la pratique des apprentis et des musiciens renommés, l'évolution du piano est une fascinante symphonie de créativité, d'ingénierie et de passion. Mais quelle est l'histoire du piano ? Comment a-t-il été inventé et quand ? Tel un être vivant, il n’a cessé d’évoluer pour devenir un instrument pluriel mais unique.


Les origines du piano : de l’église au salon

Instrument dévoué au rite religieux avant de gagner opéras royaux et maisons, le piano connaît un long chemin d’expérimentations pour finalement prendre la forme que nous lui connaissons.

Les premiers instruments à clavier

L’orgue

L’orgue est le premier ancêtre du piano. En version hydraulique datée du IIIe s avant notre ère, il est adopté par les Romains puis développé à Byzance au VIIIe siècle. Devenu un instrument à vent, l’orgue est associé au religieux, s’installe dans les cloîtres et les églises à partir du XIe siècle. Des progrès techniques entre Suède, Italie et Allemagne en développent la polyphonie jusqu’au XVIIIe siècle.

Le clavicorde

Inventé par Kaufman de Dresde au cours du XVe siècle, ce clavier de 38 touches est alors très prisé. Son jeu repose sur la frappe des cordes par une lame de laiton. Le son produit est proche de l’harmonium. Sa petite taille en fait un instrument d’étude pratique à installer. Celui de Mozart ravit encore les visiteurs de sa maison natale à Salzbourg. 

Clavecin et épinette

Classés dans la même catégorie en raison d’un mécanisme identique, lequel s’appuie sur la pincée des cordes par action de sautereaux animés par pression sur les touches, le clavecin et l’épinette apparaissent au cours des XVe et XVIe siècles.

Clavicorde, clavecin, épinette : chacun de ces ancêtres du piano retrouve ses jours de gloire dans les compositions de Mozart ou Bach. Les pianistes puristes se plaisent également à les interpréter sur ces claviers historiques.

L'invention du piano moderne

L'histoire du piano moderne commence en Italie, au début du XVIIIe siècle. L'invention du piano forte par Bartolomeo Cristofori marque alors une révolution musicale. L’instrument donne enfin accès à une variété de nuances dynamiques, du pianissimo au fortissimo. Le génie de Cristofori pointe la nécessite d’une stabilité structurelle du piano alors même que les marteaux frappent les cordes pour se relever instantanément afin de laisser résonner la note, et cela de façon répétée et rapide. Les premiers modèles sont alors plus simples et moins massifs que les versions modernes, mais ils posent les bases d'une transformation radicale dans le monde de la musique.

L'évolution du piano au fil du temps

Avec une gamme élargie, oscillant entre douceur et force des tonalités, le piano remplace de loin le clavecin et ses pairs. Améliorations, recherches et inventivité renouvellent le piano jusqu’au XXe siècle.

Le piano du XVIIIe au XIXe siècle

Les facteurs allemands, italiens, autrichiens, anglais et français rivalisent d’inventivité pour perfectionner le piano forte. Johann Gottfried Silbermann, héritier de facteurs d’orgues, développe sa propre version avec l’aide, parfois très critique, de Bach. Burkat Shudi, Johann Stein, Christian Friederici, John Boradwood, Sébastien Érard, Ignace Pleyel sont alors les artisans d’une progression constante qui valorise définitivement le piano. On retrouve l’instrument dans les plus grandes cours d’Europe et les artistes ne travaillent plus qu’avec lui quand ils ne se lancent pas eux-mêmes dans leur conception (Muzio Clementi). Peu à peu, le piano prend la forme et la taille modernes que nous lui connaissons afin de satisfaire compositeurs et artistes. Un son puissant, des nuances nombreuses, une expressivité élargie, une solidité sans faille : bois, cuir, fonte, cuivre, acier, laine, feutre sont mis à contribution de chaque fabrication. La tessiture grandit de 4 octaves ½ à 8 pour atteindre 8 ½ de nos jours.

Le piano au XXe siècle

L’industrialisation de sa conception au cours du XIXe siècle voit l'essor du piano dans toute sa diversité. Des artisans et des facteurs de pianos éminents tels que Steinway & Sons, Yamaha, Bechstein et Bosendorfer émergent, perfectionnant la conception et la qualité sonore des pianos. 

Il en ressort une plus grande variété de formes et de performances : piano de concert, piano à queue, piano droit, qui le fait entrer tant dans les foyers que les salles de spectacle. Amateurs, débutants, pianistes confirmés, mélomanes du monde entier invitent le piano dans leur vie. 

Le piano du XXe siècle

88 touches, 52 blanches et 36 noires composent classiquement la gamme chromatique du piano moderne. Suite à l’interdiction d’utiliser certaines matières premières comme l’ivoire, les concepteurs se sont adaptés. Certains exemplaires comptent jusqu’à 102 touches selon les exigences de musiciens tels que Busoni ou Ravel.

La popularité et l'importance du piano dans la musique

Au XXe siècle, le piano poursuit son évolution, intègre de nouvelles technologies et explore de nouveaux genres musicaux. 

Le Piano, expression de toutes les musiques

Tout au long du XXe siècle, le piano continue de jouer un rôle central dans une mutation musicale qui voit naître le jazz, le swing, la pop, le rock et bien d'autres genres. Des artistes tels que Duke Ellington contribuent à populariser le piano dans des contextes musicaux divers. Les pianos acoustiques conservent leur prestige, tandis que les pianos électriques, numériques puis virtuels étendent les possibilités sonores. Les concerts de piano continuent de captiver les auditoires du monde entier, témoignant de la vitalité et de l'impact de cet instrument exceptionnel.

Le piano électronique ou numérique : un instrument en phase avec son époque

Les pianos reproduisant le timbre d’un piano ont émergé, offrant une polyvalence exceptionnelle avec des fonctionnalités telles que la reproduction d'autres instruments, l'enregistrement intégré et la connectivité avec des logiciels musicaux. Ces instruments modernes ont trouvé leur place dans les foyers, les studios d'enregistrement et même sur les scènes de concert. Ces pianos virtuels offrent une accessibilité accrue à l'apprentissage du piano et à la composition musicale.

L'influence de pianistes virtuoses

Des pianistes virtuoses tels que Lang Lang, Martha Argerich, Ievgueni Kissine, Khatia Buniatishvili et Yuja Wang continuent de repousser les limites de la virtuosité pianistique, inspirant les générations futures. Le piano reste un instrument de choix pour ceux qui cherchent à exprimer leur créativité et à transmettre des émotions puissantes à travers la musique.

L'éducation musicale intègre largement le piano en tant qu'instrument d'apprentissage. Des millions d'étudiants à travers le monde commencent leur parcours musical avec le piano, bénéficiant de son accessibilité pédagogique et de sa capacité à développer la compréhension musicale.

L’histoire du piano est un voyage continu, un récit de créativité, de génie mécanique et de passion musicale. De ses modestes débuts à son omniprésence dans le monde entier, le piano incarne la puissance intemporelle de la musique. Que ce soit à travers les majestueux pianos à queue, les pianos numériques innovants, ou les pianos virtuels, cet instrument continue de résonner à travers les époques. 

SUR : 

https://www.ecolefrancaisedepiano.fr/single-post/histoire-du-piano

Bartolomeo Cristofori, Pianoforte, 1720 © Gallica - BnF

Piano-forte 1720 de Bartolomeo Cristofori. Gallica - BnF

 

Le piano et sa musique

Auteur : David Hudry   Sur : 

https://pad.philharmoniedeparis.fr/contexte-le-piano-univers-paralleles.aspx?_lg=fr-FR

Bartolomeo Cristofori 1655-1731, inventeur du piano forte

Bartolomeo Cristofori 1655-1731

Histoire du piano forte inventé par Bartolomeo Cristofori

Piano forte de Bartolomeo Cristofori

 

Dongsok Shin interprète la Giga de la Sonate numéro 6 en si bémol majeur de Lodovico Giustini (1685-1743) sur le plus ancien piano connu, fabriqué par l'inventeur de l'instrument, Bartolomeo Cristofori (1655-1731), à Florence en 1720. Cette sonate est tirée des 12 Sonate da cimbalo di piano e forte detto volgarmente di martelletti, Op. 1, écrites en 1732. Il s'agit des premières pièces connues à avoir été composées spécifiquement pour le piano. La production a été soutenue par la Fondation Donna et Marvin Schwartz. Une production du département des médias numériques du Metropolitan Museum of Art Produit et réalisé par Christopher Noey Monté par Kate Farrell Caméra par Kelly Richardson et Jessica Glass Éclairage par Ned Hallick Enregistrement sonore et postproduction audio par David Raymond Coordonnatrice de production : Stephanie Wuertz Assistantes de production : Sarah Cowan, Maureen Coyle Organisé par le département des instruments de musique J. Kenneth Moore, Frederick P. Rose Conservateur en chef Jayson Kerr Dobney, conservateur associé et administrateur E. Bradley Strauchen-Scherer, conservateur associé Susana Caldeira, conservatrice adjointe Dongsok Shin, technicien du clavier Joseph Peknik III, technicien principal Pamela Summey, coordonnatrice des programmes Marian Eines, associée pour l'administration

Conception du piano-forte par Bartolomeo Cristofori v.1709

Auteur du texte : Despax, Jean-Paul sur : https://francearchives.gouv.fr/pages_histoire/38974

Miroir de la sensibilité romantique, objet de toutes les expérimentations au XXe siècle, le piano, initialement nommé piano-forte pour son aptitude à moduler l’intensité sonore, est né à Florence voici trois cents ans. Son inventeur, Bartolomeo Cristofori (1655-1731), originaire de Padoue et recruté par le prince Ferdinand III de Médicis en 1688, aurait pu n’être qu’un habile facteur de clavecins, épinettes et clavicordes parmi tant d’autres. Mais, outre un savoir-faire reconnu, il possédait une ingéniosité et une inventivité rares dont témoigne notamment l’épinette ovale de 1690 conservée à la Galleria del Accademia de Florence.

Or l’idée d’un instrument à clavier capable de nuances dynamiques et, partant, d’expressivité, était dans l’air du temps. Rappelons le succès rencontré par l’Allemand Hebenstreit et son célèbre Pantaleon, sorte de tympanon amélioré, ou le foisonnement d’inventions comme ce clavecin à maillets présenté à l’Académie royale des sciences en 1716.

De son côté, Cristofori imagina un système de cordes frappées par des petits marteaux recouverts de peau, mus par un pilote relié directement à la touche, et sensibles en cela à la force et à la vitesse de l’enfoncement. De plus, il mit au point un système complexe et efficace, appelé échappement, permettant au marteau de retomber après avoir frappé la corde pour la laisser vibrer, au lieu de rester en contact avec celle-ci comme la tangente du clavicorde. Enfin, il disposa un rang d’étouffoirs libérant la corde à l’enfoncement de la touche et retombant au relâchement de cette dernière, garantissant ainsi le contrôle tactile de la résonance. Le piano-forte était né.

Quand fut construit le premier instrument possédant ce   mécanisme ?

Il est difficile de le dire avec certitude. Un arpicembalo di nuovo inventione comportant de « petits marteaux faisant le doux et le fort », mentionné dans l’inventaire des instruments de la cour des Médicis en 1700, pourrait avoir été un prototype relativement abouti. Malheureusement cet instrument n’a pas été conservé.

En revanche, la visite en 1709 de l’écrivain Scipione Maffei allait faire date. Enthousiasmé, il fit paraître deux ans plus tard dans le Giornale de’ Letterati d’Italia un article intitulé « Nuova invenzione d’un gravecembalo col piano, e forte » et révéla l’existence de trois instruments déjà réalisés. Publié dans une traduction allemande par Johann Mattheson en 1725, ce texte peut être considéré comme l’acte de baptême du nouvel instrument. Il réaffirme en effet le credo esthétique du temps, à savoir que le plaisir des auditeurs est fonction non seulement du contraste entre le doux et le fort, mais surtout des infinies gradations entre l’un et l’autre.

Il reste à ce jour trois piano-forte Cristofori, datés de 1720, 1722 et 1726, conservés respectivement à New York (Metropolitan Museum), à Rome (Museo Nazionale degli Strumenti Musicali) et à l’université de Leipzig (Musikinstrumenten-Museum).

Jean-Paul Despax
chercheur
Centre de musique baroque de Versailles

Sur : https://francearchives.gouv.fr/pages_histoire/38974

Source: Commemorations Collection 2009

Un autre 4 mai : 1655,

la naissance de Bartolomeo Cristofori

Par Loïc Chahine - Publié le 4 mai 2021 sur : 

https://www.diapasonmag.fr/histoire/un-autre-4-mai-1655-la-naissance-de-bartolomeo-cristofori-1324.html

Ce nom ne vous dit rien ? Vous connaissez pourtant son invention la plus célèbre : le piano.
On ne sait rien de la jeunesse de Cristofori, sinon qu'il est né à Padoue. Auprès de qui s'est-il formé ? On a longtemps cru pouvoir l'identifier à un homonyme qui fut l'apprenti du luthier Niccolò Amati, célèbre pour ses violons... mais les chercheurs ont montré que ce ne pouvait pas être lui — les registres parlent d'un enfant de 13 ans quand Bartolomeo Cristofori en avait déjà 25. En 1688, Cristofori est engagé par le prince Ferdinand de Médicis, fils du Grand Duc de Toscane. Il demeurera au service de la cour même après la mort de Ferdinand, survenue en 1713.

« Il piano e il forte »

Néanmoins, la prospérité des Médicis va décroissant et Cristofori vend des instruments à d'autres amateurs de musique. Ses instruments ? Des clavecins principalement, mais aussi des inventions personnelles, comme cette épinette ovale dont la corde la plus grave est au milieu de la caisse de résonance. Et surtout, cet « arpicembalo [...] che fa il piano e il forte », ce « clavecin-harpe qui fait le doucement et le fort », qu'on appellera bientôt piano-forte ou forte-piano. Du clavecin, il n'a que le nom : il s'inspire en réalité davantage du clavicorde. Il emprunte à celui-ci le mode de production du son — les cordes sont frappées — et au clavecin l'idée qu'un mécanisme complexe soit mis en mouvement pour produire le son. On est toutefois encore loin de l'instrument moderne, et même de celui que connaîtront Beethoven ou Schubert un siècle plus tard.

Un trésor à New York

La première trace connue du futur piano date de 1700 tout rond. Toutefois, le plus ancien qui soit parvenu jusqu'à nous, aujourd'hui conservé au Metropolitan Museum de New York, est de 1720. Nous possédons deux autres instruments de Cristofori, l'un à Rome (1720), l'autre à Leipzig (1726). Ces deux derniers ne sont plus en état de jeu, tandis que celui du Met a fait l'objet d'une restauration telle que sa sonorité d'origine est, selon certains spécialistes, « irrémédiablement perdue ». Il faut donc confronter les trois instruments pour reconstituer la petite enfance du pianoforte. Ce que quelques facteurs de piano se sont aujourd'hui aventurés à faire, comme Kerstin Schwarz, ou Denzil Wraight qui a réalisé la copie que vous entendez, jouée par Aline Zylberajch.

Par Loïc Chahine - Publié le 4 mai 2021 sur : 

https://www.diapasonmag.fr/histoire/un-autre-4-mai-1655-la-naissance-de-bartolomeo-cristofori-1324.html

 

1) Sonate pour clavier en do majeur, K. 308 - L. 359 : Cantabile · Aline Zylberajch 

Scarlatti : Sonates  (Une nouvelle decouverte de Maria Barbara)

Compositeur : Domenico Scarlatti

2) Sonate pour clavier en fa mineur, K. 481 - L. 187 : Andante è cantabile · Aline Zylberajch

Histoire du Piano forte au Piano Moderne

Sur : https://www.piano-centre-genand.ch/histoire-du-piano/

L'histoire du piano est une aventure humaine passionnante. Bartolomeo Cristofori, né le 4 mai 1655 à Padoue, Italien, était un facteur de clavecins et de clavicordes réputé. Bartolomeo Cristofori doit surtout sa célébrité au piano-forte qu'il inventa à la suite de recherches et expériences pour doter le clavicorde de possibilités expressives accrues. Il choisit, pour y parvenir, une caisse de clavecin pour y installer son nouveau mécanisme.

Contrairement au clavecin où les cordes sont "pincées" par des sautereaux, la découverte fondamentale de Cristofori est la résolution d'un problème mécanique intrinsèque aux pianos : les marteaux doivent frapper les cordes mais cesser d'être en contact avec elles une fois frappées afin de ne pas étouffer le son ; ils doivent, de plus, retourner à leur position initiale sans rebondir violemment, et cela rapidement pour permettre aux notes d'être répétées à une vitesse satisfaisante.

Le premier piano-forte date de 1698

Cristofori n'aura construit en tout qu'une vingtaine de piano-forte avant sa mort, le premier piano forte fut fabriqué vers 1698, seuls trois d'entre eux sont parvenus jusqu'à nous, ils sont datés des années 1720.
Le Musée national des instruments de musique de Rome (Italie) possède un des pianos-forte qu'il fabriqua en 1722.

Bartolomeo Cristofori, rendit son dernier souffle dans la ville de Florence, Italie, le 27 janvier 1731, à l'âge de 75 ans.

Le piano-forte évolua après lui pour devenir le piano moderne. Le mot piano est une abréviation de l'italien 'pianoforte' inventé par Bartolomeo Cristofori en 1709. L'appellation de "piano" apparaîtra en 1880.

Naissance du piano moderne

Au cours des années 1820, Erard (1780-1959) et Pleyel (Paris - 1807), développèrent l'instrument et se firent une concurrence stimulante. On sait que Chopin et Liszt utilisaient leurs pianos.
La firme Érard apporta certainement les innovations les plus importantes, plusieurs centaines de brevets, qu'elle a déposés en France et en Angleterre décrivant des améliorations importantes.

Ignace Pleyel, puis son fils, Camille, surent s'entourer de chercheurs acousticiens et de scientifiques pour développer la sonorité, ils furent les premiers en France à adopter le croisement des cordes et le cadre métallique d'une seule pièce, donnant à l'instrument plus de puissance, tout en permettant l'utilisation de cordes plus longues.

Sébastien Érard invente le système à répétition double échappement

Sébastien Érard 1752-1831

Ignace Pleyel - développe la sonorité du piano

Ignace Pleyel - 1757-1831

Sébastien Érard invente le système à répétition

En 1821, Sébastien Érard inventa le système à répétition double échappement, qui permet à une note d'être rejouée même si la touche n'est pas encore revenue à sa position initiale.
le principe du double échappement devint finalement le mécanisme standard des pianos à queue, utilisé par tous les facteurs de pianos.

Innovations importantes


D'autres innovations importantes ont été apportées durant cette période :

  • L'utilisation de trois cordes au lieu de deux pour toutes les notes sauf les plus graves.
  • Le cadre métallique, inventé en 1825 à Boston par Alpheus Babcock, situé au-dessus de la table d'harmonie, solution qui sert à supporter la tension des cordes, leur nombre, et de leur épaisseur
  • Le croisement des cordes, les cordes basses, passant au-dessus des cordes blanches, et portant sur un chevalet séparé. Cette configuration répartit mieux les tensions
  • Introduits par le fabricant parisien Jean-Henri Pape en 1826, les marteaux recouverts de feutre permettent de conserver une belle sonorité avec les cordes en acier, plus dures. Les marteaux recouverts de feutre sont désormais universellement utilisés
  • Jean Louis Boisselot inventa la pédale tonale en 1844, elle fut améliorée par le facteur Steinway en 1874

Le piano de concert moderne atteignit sa forme actuelle aux alentours du début du xxe siècle.

Alpheus Babcock invente le cadre metallique pour le piano

Alpheus Babcock invente le cadre métallique

Jean-Henri Pape invente les marteaux recouverts de feutre Pape recouvre les marteaux de feutre

Depuis, seules des améliorations mineures ont été apportées à l'instrument. Cependant, l'ajout récent d'une nouvelle pédale, appelée pédale harmonique par son inventeur Denis de La Rochefordière, a éveillé l'intérêt de pianistes renommés.

Évolution du clavier

Le clavier n'a guère gagné qu'une demi octave entre le dernier instrument de Cristofori et la fin XVIIIe siècle passant de 54 à 60 touches. puis à 88 au cours du XIXe siècle.

Le clavier du piano moderne est composé le plus souvent de 88 touches. Les 52 touches blanches correspondent aux sept notes de la gamme diatonique, et les 36 touches noires aux cinq notes restantes de la gamme chromatique.

Stuart & Sons propose un clavier à 102 touches

Ce "standard" est parfois dépassé pour atteindre jusqu'à 102 touches. Le facteur autrichien Bösendorfer - racheté mais respecté par Yamaha - en propose 97 depuis 1909 dans son modèle 290 dit « Impérial », conçu à la demande de Busoni pour ses transcriptions d’œuvres pour orgue de Bach.

Afin de ne pas troubler les pianistes habitués au clavier de 88 touches, Bösendorfer couvre de noir les touches normalement blanches.

Plus récemment, le facteur australien Stuart & Sons ajoute encore une quarte dans les aigus et propose des instruments de 102 touches, ce dernier ne propose pas d'aménagement particulier aux claviers étendus.

Le piano jouet, quant à lui, ne comporte généralement qu'une octave de Do5 à Do6 ou de Do4 à Do5. Certains modèles de la marque Michelsonne possèdent 2 ou 3 octaves.

Sur : https://www.piano-centre-genand.ch/histoire-du-piano/

Le piano dans la musique classique : Évolution et répertoire

Sur : https://www.musiclassics.fr/le-piano-dans-la-musique-classique-evolution-et-repertoire/

Le piano est un instrument à cordes inventé au début du XVIIIè siècle par Bartolomeo Cristofori à Florence. Il est issu de l’évolution du clavicorde et du tympanon. Le piano est largement utilisé dans la musique savante occidentale et est souvent employé par les compositeurs dans leurs compositions. Il est également utilisé dans d’autres genres musicaux tels que le jazz, le blues et le ragtime.

Dans la musique savante, de nombreuses œuvres célèbres ont été écrites spécifiquement pour le piano ou ont été transposées pour cet instrument. Le piano est utilisé en accompagnement de la voix, en musique de chambre et en tant qu’instrument soliste dans les concertos pour piano. Le répertoire pour piano classique s’est développé à partir de la fin de l’époque baroque et a atteint sa maturité avec des compositeurs tels que Beethoven, Chopin, Liszt et Brahms.

Table des matieres

  1. L’évolution du piano dans la musique classique
  2. Compositeurs célèbres pour piano dans la musique classique
  3. Le répertoire pianistique dans la musique classique
  4. Les grands pianistes dans l’histoire de la musique classique
  5. L’importance du piano dans les genres musicaux
  6. Table : Utilisation du piano dans différents genres musicaux
  7. Les formes employées dans la musique classique pour piano
  8. L’époque baroque
  9. L’époque classique
  10. L’époque romantique
  11. Conclusion
  12. FAQ
  13. Qu’est-ce que le piano ?
  14. Quelle est l’évolution du piano dans la musique classique ?
  15. Quel est le répertoire pianistique dans la musique classique ?
  16. Quelle est l’importance du piano dans la musique classique ?
  17. Qui sont les grands pianistes dans l’histoire de la musique classique ?
  18. Dans quels genres musicaux le piano est-il utilisé ?
  19. Quelles sont les formes employées dans la musique classique pour piano ?
  20. Liens sources

L’évolution du piano dans la musique classique

Le piano, issu de l’évolution du clavicorde et du tympanon, a connu une histoire fascinante dans la musique classique. Inventé par Bartolomeo Cristofori au XVIIIe siècle, il a d’abord été appelé piano-forte en raison de sa capacité à produire des nuances sonores variées. De nombreux compositeurs classiques sont également des pianistes et ont utilisé cet instrument pour créer leurs œuvres emblématiques.

Au fil du temps, la technique pianistique s’est développée, permettant aux pianistes de repousser les limites de leur virtuosité. Des compositeurs tels que Beethoven, Chopin, Liszt et Brahms ont exploité les possibilités expressives du piano, créant des compositions complexes et captivantes. La technique du piano a également évolué, avec des innovations telles que le jeu en staccato, le legato et l’utilisation du pédalier pour prolonger les notes.

Le piano a apporté une nouvelle dimension à la musique classique, permettant aux compositeurs d’explorer de nouveaux horizons sonores et émotionnels. Son utilisation dans des œuvres solistes, des concertos et des compositions de musique de chambre a enrichi le répertoire classique et a offert aux pianistes une grande variété de pièces à interpréter.

Compositeurs célèbres pour piano dans la musique classique

De nombreux compositeurs classiques ont laissé leur empreinte dans l’histoire de la musique grâce à leurs compositions pour piano. Frédéric Chopin, avec ses célèbres nocturnes et études, est considéré comme l’un des plus grands compositeurs pour piano. Franz Liszt, quant à lui, a repoussé les limites techniques de l’instrument avec des pièces virtuoses telles que les Études d’exécution transcendante. D’autres compositeurs tels que Mozart, Beethoven, Schumann et Rachmaninoff ont tous contribué au répertoire pianistique classique avec des compositions variées et captivantes.

 

Compositeur Œuvres célèbres pour piano
Frédéric Chopin Nocturnes, Préludes, Études
Franz Liszt Études d’exécution transcendante, Rhapsodies hongroises
Wolfgang Amadeus Mozart Sonates pour piano, Concertos pour piano
Ludwig van Beethoven Sonates pour piano, Concertos pour piano
Robert Schumann Carnaval, Fantasiestücke
Sergei Rachmaninoff Préludes, Concertos pour piano

Avec ces compositeurs et bien d’autres, le piano a connu une évolution remarquable dans la musique classique, tant sur le plan technique que créatif. Il continue d’être un instrument central dans le répertoire classique, captivant les auditeurs avec ses sonorités riches et sa capacité à exprimer une large gamme d’émotions.

Le répertoire pianistique dans la musique classique

Le répertoire pianistique dans la musique classique est très vaste et varié, offrant aux pianistes une multitude d’œuvres à explorer et à interpréter. De nombreuses compositions célèbres ont été spécifiquement écrites pour le piano, tandis que d’autres ont été transposées pour cet instrument. Les partitions pour piano classique sont essentielles pour permettre aux pianistes d’apprendre et de jouer ces œuvres emblématiques.

Les partitions pour piano classique sont disponibles dans de nombreuses éditions, offrant différentes interprétations et variantes de certaines œuvres. Les pianistes doivent choisir la version qui correspond le mieux à leur propre vision et interprétation musicale. En effet, l’interprétation pianistique joue un rôle crucial dans la performance d’une œuvre et permet au pianiste de communiquer ses émotions et son style musical au public.

La tradition de l’interprétation pianistique dans la musique classique offre une grande liberté aux pianistes pour exprimer leur propre sensibilité musicale tout en respectant l’intention originale du compositeur. Chaque pianiste apporte sa propre interprétation unique à une œuvre, créant ainsi une expérience musicale personnelle et captivante pour les auditeurs.

Les grands pianistes dans l’histoire de la musique classique

La musique classique a connu de nombreux pianistes exceptionnels qui ont marqué l’histoire de cet instrument. Leurs talents et leur virtuosité ont contribué à l’évolution du répertoire pianistique et ont laissé une empreinte indélébile dans l’interprétation et l’expression musicale.

Parmi ces grands pianistes figurent des noms tels que Frédéric Chopin, connu pour ses compositions romantiques et sa technique pianistique raffinée. Chopin était réputé pour sa capacité à exprimer des émotions intenses à travers sa musique, et ses œuvres, comme ses célèbres Nocturnes et Ballades, continuent de captiver les auditeurs du monde entier.

Un autre pianiste légendaire est Franz Liszt, un virtuose du piano connu pour sa virtuosité exceptionnelle et ses performances époustouflantes. Liszt a révolutionné la technique pianistique et a composé des œuvres complexes et exigeantes, telles que ses Études d’exécution transcendante et sa Sonate en si mineur, qui repoussent les limites de la virtuosité au piano.

« La musique est plus qu’un langage universel, elle est une voix de l’âme humaine. Le piano me permet de l’exprimer pleinement. » – Clara Schumann

Clara Schumann, une des premières femmes pianistes virtuoses, a également marqué l’histoire de la musique classique. Elle était non seulement une pianiste accomplie, mais aussi une compositrice talentueuse. Ses contributions à la musique pour piano ont ouvert la voie à de nombreuses femmes pianistes et compositrices qui ont suivi ses traces.

Ces grands pianistes, ainsi que d’autres tels que Sergei Rachmaninoff, Arthur Rubinstein et Vladimir Horowitz, ont laissé un héritage musical durable et ont inspiré des générations de pianistes à travers le monde

Nom Période Contributions
Frédéric Chopin Époque romantique Compositions romantiques, technique raffinée
Franz Liszt Époque romantique Virtuosité exceptionnelle, compositions complexes
Clara Schumann Époque romantique Pianiste virtuose, compositrice
Sergei Rachmaninoff Époque romantique/moderne Compositions lyriques, virtuosité
Arthur Rubinstein Époque moderne Interprétation brillante, répertoire étendu
Vladimir Horowitz Époque moderne Interprétation virtuose, performances captivantes

Ces pianistes ont non seulement contribué à l’évolution du répertoire et de la technique pianistique, mais ils ont également inspiré de nouvelles générations de musiciens à explorer les possibilités infinies du piano dans la musique classique.

L’importance du piano dans les genres musicaux
Le piano est un instrument polyvalent qui occupe une place importante dans différents genres musicaux. Bien qu’il soit principalement associé à la musique savante occidentale, le piano a également trouvé sa place dans des styles tels que le jazz, le blues, le rock et la pop.

Dans la musique savante occidentale, le piano est souvent utilisé en accompagnement de la voix et en musique de chambre. Il est capable de produire une large gamme de sons, ce qui en fait un instrument idéal pour exprimer les émotions et les nuances de la musique classique. Les compositeurs ont écrit de nombreuses œuvres pour piano, explorant les possibilités offertes par cet instrument polyvalent.

Dans d’autres genres musicaux, le piano occupe également une place importante. Dans le jazz, par exemple, le piano est souvent utilisé comme instrument soliste et de support harmonique. Les pianistes de jazz développent des techniques spécifiques telles que les accords de jazz et l’improvisation, qui ajoutent une richesse et une profondeur à la musique.

Table : Utilisation du piano dans différents genres musicaux

Genre musical Utilisation du piano
Musique savante occidentale Accompagnement de la voix, musique de chambre, interprétation soliste
Jazz Instrument soliste, support harmonique, improvisation
Blues Accompagnement, interprétation soliste, improvisation
Rock Accompagnement, arrangement musical
Pop Accompagnement, arrangement musical

Le piano a apporté une contribution significative à la musique dans différents genres. Son timbre riche et sa polyvalence en font l’un des instruments les plus populaires et les plus appréciés à travers le monde.

De nombreux artistes renommés ont utilisé le piano dans leurs compositions et performances, contribuant ainsi à l’évolution et à la diversité de la musique. Que ce soit dans les sonates de Beethoven, les improvisations de jazz ou les ballades pop, le piano continue de captiver les auditeurs et d’ajouter une dimension expressive à la musique contemporaine.

Les formes employées dans la musique classique pour piano

Dans la musique classique pour piano, différentes formes musicales ont été employées au cours des différentes époques. Chaque période a apporté son lot de nouvelles formes et styles, reflétant les évolutions artistiques et les préférences des compositeurs.

L’époque baroque

A l’époque baroque, les formes musicales étaient principalement basées sur des danses et des formes contrapuntiques. La suite, la fugue et la toccata étaient particulièrement populaires. La suite, composée de différentes danses, offrait aux compositeurs une structure flexible pour créer des ensembles de mouvements variés. La fugue, quant à elle, mettait en valeur la polyphonie et la complexité des contrepoints. La toccata, avec son caractère virtuose, mettait en avant les compétences techniques des pianistes.

L’époque classique

A l’époque classique, de nouvelles formes musicales ont émergé, notamment la sonate et la fantaisie. La sonate était une forme structurelle très utilisée, se composant généralement de trois mouvements contrastés : un mouvement rapide, un mouvement lent et un mouvement rapide final. La fantaisie offrait aux compositeurs une plus grande liberté d’expression, leur permettant d’explorer de nouvelles idées et de développer des atmosphères variées.

L’époque romantique

L’époque romantique a vu l’émergence de formes plus libres et expressives. Des genres tels que le nocturne, l’Impromptu et la ballade sont apparus, offrant aux compositeurs une plus grande flexibilité pour raconter des histoires et exprimer des émotions intenses à travers leur musique. Ces formes étaient souvent utilisées pour créer des pièces solistes, mettant en valeur les compétences virtuoses des pianistes.

Dans l’ensemble, les formes employées dans la musique classique pour piano ont évolué au fil du temps pour s’adapter aux goûts et aux tendances artistiques de chaque époque. Chaque forme a apporté une contribution unique au répertoire pianistique et a offert aux compositeurs et aux interprètes une palette d’expressions musicales riches et variées.

Conclusion

Le piano a joué un rôle essentiel dans l’évolution de la musique classique. Cet instrument à cordes, inventé au XVIIIe siècle par Bartolomeo Cristofori, a connu une évolution remarquable à travers le temps. Issu du clavicorde et du tympanon, le piano a su trouver sa place dans la musique savante occidentale, mais aussi dans d’autres genres musicaux tels que le jazz, le blues, le rock et la pop.

Le répertoire pianistique dans la musique classique est vaste et varié, offrant aux pianistes une multitude de pièces à apprendre et à interpréter. De nombreuses œuvres célèbres ont été spécifiquement composées pour le piano, tandis que d’autres ont été transposées pour cet instrument. Les partitions pour piano classique sont disponibles et permettent aux pianistes d’exprimer leur propre interprétation et ressentis musicaux.

Les grands pianistes ont marqué l’histoire de la musique classique par leurs talents et leur contribution à l’interprétation des œuvres. Des noms tels que Frédéric Chopin, Franz Liszt, Clara Schumann, Sergei Rachmaninoff, Arthur Rubinstein et Vladimir Horowitz restent gravés dans la mémoire musicale. Leur virtuosité et leur expressivité ont inspiré de nombreux auditeurs et musiciens à travers le temps.

En conclusion, le piano continue d’être un instrument central dans la musique classique. Il reste apprécié tant par les auditeurs que par les musiciens du monde entier. Sa sonorité unique et sa polyvalence en font un instrument d’une grande richesse, capable de susciter des émotions et des sensations uniques.

FAQ

Qu’est-ce que le piano ?

Le piano est un instrument à cordes inventé au début du XVIIIè siècle par Bartolomeo Cristofori à Florence.

Quelle est l’évolution du piano dans la musique classique ?
Le piano est issu de l’évolution du clavicorde et du tympanon au XVIIIe siècle. Il a été inventé par Bartolomeo Cristofori et initialement appelé piano-forte.

Quel est le répertoire pianistique dans la musique classique ?

Le répertoire pianistique dans la musique classique est très vaste et varié. De nombreuses œuvres célèbres ont été spécifiquement composées pour le piano, ainsi que des transcriptions d’œuvres initialement écrites pour d’autres instruments.

Quelle est l’importance du piano dans la musique classique ?

Le piano a joué un rôle essentiel dans l’évolution de la musique classique. Il est utilisé dans différents genres musicaux et a permis aux compositeurs de créer des œuvres emblématiques.

Qui sont les grands pianistes dans l’histoire de la musique classique ?

Parmi les grands pianistes figurent des noms tels que Frédéric Chopin, Franz Liszt, Clara Schumann, Sergei Rachmaninoff, Arthur Rubinstein et Vladimir Horowitz.

Dans quels genres musicaux le piano est-il utilisé ?

Le piano est largement utilisé dans la musique savante occidentale, mais également dans d’autres genres musicaux tels que le jazz, le blues, le rock et la pop.

Quelles sont les formes employées dans la musique classique pour piano ?

À l’époque baroque, les formes étaient principalement des danses et des formes contrapuntiques comme la suite, la fugue et la toccata. À l’époque classique, des formes telles que la sonate et la fantaisie sont apparues, tandis qu’à l’époque romantique, des formes plus libres et expressives ont été développées, telles que le nocturne, l’Impromptu et la ballade.

Liens sources

https://www.edmu.fr/2017/02/le-piano-son-evolution.html
https://www.musiclic.com/blog/histoire-de-la-musique-la-periode-classique.asp
https://fr.wikipedia.org/wiki/Musique_classique

Sur : https://www.musiclassics.fr/le-piano-dans-la-musique-classique-evolution-et-repertoire/

Le piano dans le jazz

Le piano dans le jazz

Approche de l’instrument

Auteur : Ludovic Florin Sur : https://pad.philharmoniedeparis.fr/0798688-histoire-jazz-piano-approche.aspx?_lg=fr-FR

Histoire

Appartenant à la famille des cordes (frappées), le piano-forte de Cristofori des origines (1716-1717) avait pour ambition, comme son nom l’indique, de proposer aux musiciens un instrument à clavier capable de produire des nuances contrastées. Et cela grâce à l’échappement, mécanique sensible à l’impulsion de la frappe qui ramène les 88 touches à leur position de départ. Lorsque le doigt quitte la touche, les étouffoirs viennent arrêter la vibration du son en se reposant sur la corde. Deux ou trois pédales sont actionnées par le pied. Celle de droite, appelée la pédale forte, sert à amplifier le son et à le prolonger même si la touche est relâchée. Pour amoindrir le son, on appuie sur celle de gauche. Inventée en 1862 par Montal, la pédale « harmonique » ou de « prolongation » (celle du milieu quand il y en a trois) tient levé tel(s) étouffoir(s) spécifique(s) décidé par l’exécutant, ce qui permet de mettre en résonance seulement telle(s) note(s) spécifique(s) et non le reste du clavier. Par la suite, des modifications successives améliorent les capacités de l’instrument comme le double échappement du Français Sébastien Erard, au début du XIXe siècle, pour une répétition plus rapide des notes. Ces bonifications, et d’autres plus particulières, portent le piano à une perfection telle qu’il semble peu probable qu’une prochaine innovation révolutionne l’instrument. Ce sont surtout les techniques de jeu qui évoluent.

Spécificités des jazzmen

Par rapport aux pianistes issus de l’école « classique », les instrumentistes du jazz se caractérisent par une approche majoritairement percussive. S’il est exact qu’avec Prokofiev ou Bartók cette dimension existe aussi dans la musique de tradition savante, et s’il est vrai que le « beau son » fait aussi partie de la palette du pianiste de jazz depuis les années 1950, il faut tout de même reconnaître qu’à l’origine les jazzmen se sont appropriés le piano d’une façon plus brute, n’ayant pas peur de cogner, de racler (touches et cordes), voire de « malmener » l’instrument par rapport aux conceptions traditionnelles occidentales. De cette façon, ils impriment à l’instrument ce côté dirty caractéristique du jazz, à l’opposé du son idéal et parfait recherché par les pianistes issus des conservatoires. On rencontre donc des techniques elles-mêmes peu orthodoxes, parfois conséquences d’un apprentissage autodidacte : doigts tendus et non relâchés et attaques de haut (T. Monk), corps en position debout ou sous le clavier (K. Jarrett), pianistes infirmes s’inventant un jeu propre (H. Parlan), percussion des coudes et des avant-bras (C. Taylor), etc. Comme dans la musique contemporaine, outre les mains sur le clavier, les artistes utilisent directement l’intérieur du piano, en plaçant des objets sur les cordes (piano « préparé »), en touchant les cordes avec le doigt, avec ou sans le recours des marteaux, pour émettre des harmoniques. On peut aussi en faire un instrument de percussion à hauteur non déterminée, ou encore en transformer le son acoustique par des adjonctions informatiques (bien que celles-ci restent rares).

L’instrument privilégié du solo

Le piano formant un orchestre à lui seul, il est par excellence propice aux parcours en solo depuis le ragtime. Les premiers pianistes produisaient une musique de divertissement, s’accompagnant eux-mêmes, la main gauche assurant la base rythmico-harmonique et la droite contribuant à des variations mélodiques. Par la suite, la prestation en solo a évolué vers un exercice d’invention et d’introspection dans lequel l’instrumentiste doit trouver seul les ressources de son expression. On ne peut pas tricher ou se cacher derrière les autres membres d’une section rythmique. Avec le solo, le pianiste aborde le temps de la vérité, celui où il doit faire ses preuves à la fois techniques et avant tout musicales, mais aussi celui où sa personnalité se révèle pleinement : c’est une forme de « challenge » artistique auquel la plupart des pianistes se confrontent un jour. C’est aussi un moment de méditation intime, d’épanchement en toute quiétude, avec comme uniques contraintes celles que l’on s’impose à soi-même, qui fait du solo un laboratoire d’expérimentation. Somme toute, on retrouve dans le jazz les raisons qui ont assuré le succès du piano dans le domaine de la tradition savante occidentale. Les interprétations en piano solo traversent donc l’histoire de cet art, même si la formule en trio est probablement celle qui occupe le plus le devant de la scène.

Auteur : Ludovic Florin​​​​​​​ Sur : https://pad.philharmoniedeparis.fr/0798688-histoire-jazz-piano-approche.aspx?_lg=fr-FR

Le piano dans le jazz

Des origines complexes

Auteur : Ludovic Florin Sur : https://pad.philharmoniedeparis.fr/0798688-histoire-jazz-piano-approche.aspx?_lg=fr-FR

Une préhistoire obscure

À l'instar des autres instruments, l'histoire du piano dans le jazz est une affaire d'individualités exceptionnelles, chaque musicien apportant sa contribution à l'évolution de l'ensemble. Aux origines du jazz, cet instrument est quelque peu marginalisé en raison du prix exorbitant que son achat représente. Il n'apparaît évidemment pas dans ces musiques de labeur que sont les work songs, ni dans le blues des descendants d'esclaves. Souvent chantés a cappella, les spirituals sont tout de même parfois accompagnés à l'orgue dans les églises. Au XIXe siècle, le piano n'a pas non plus sa place dans les ensembles itinérants qui parcourent le territoire américain et qui, pour survivre, doivent se déplacer rapidement. Contraint à l'immobilisme, le piano n'est cependant pas écarté de l'ascension irrésistible du courant noir américain émergent. Nous n'avons pas de sources définitives quant à l'apparition et l'évolution des premiers pianistes de jazz. Toutefois, on peut supposer que l'impulsion fut donnée par certains Blancs en apprenant à quelques affranchis créoles à lire la musique et à jouer du piano. Pour les propriétaires blancs, cela représentait la possibilité d'une animation peu coûteuse. Le piano, qui était très répandu dans la société dominante, remplissait, et pour longtemps encore, la fonction de notre poste de radio, seul moyen de diffusion musicale privé. L'apparition du piano mécanique en 1901 contribue encore davantage à installer l'instrument dans ce rôle : un grand nombre de pianistes ont réalisé eux-mêmes des rouleaux perforés reproduisant leurs œuvres. Lisant les partitions, les musiciens de couleur jouent des musiques à la mode, de la musique « classique », des airs de danses, etc. Ils s'imprègnent ainsi peu à peu du répertoire et de la technique de l'instrument. Mais tous connaissent aussi la musique populaire de la rue, celle qui, enfants, les a imprégnés. Lentement, après sans doute de nombreux essais et tâtonnements, quelques artistes aboutissent vers 1890 aux expériences convaincantes du ragtime.

Le ragtime

Élaboré par une petite partie de la communauté noire ayant eu accès à la culture blanche et sachant lire la musique, ce style constitue l'une des origines du jazz. On peut voir en Louis Moreau Gottschalk (1829-1869) un lointain ancêtre. Ce créole virtuose composa en effet des pièces de concert où il tente de retranscrire les rythmes syncopés et les mélodies entendues près du Congo Square de La Nouvelle-Orléans, sa ville natale. Des morceaux pour piano solo comme Bamboula (danse nègre) op. 2 (1844-1845) ou Le Bananier (chanson nègre) op. 5 (1845-1846) ne sont pas assimilables, cependant, au jazz. Le ragtime est issu plus directement de marches et de danses comme le cake-walk, jouées par les ensembles de plein air. Les orchestres n'ayant pas besoin de pianistes, ces derniers se produisaient partout ailleurs : dans les bars et les saloons, dans les maisons de passe et de divertissement public. Appelés « professors », ils inaugurent le fait que les pianistes sont souvent considérés comme les plus complets des musiciens, maîtrisant tous les registres du rythme et de la polyrythmie, de l'harmonie et de la mélodie, du solo et de l'accompagnement, marqués par un certain goût pour la virtuosité et l'art de l'ornementation.

​​​​​​​Du point de vue technique, quelques caractéristiques définissent bien le ragtime. En premier lieu, tout est écrit. Selon Scott Joplin, le plus fameux des compositeurs du genre, le pianiste doit jouer strictement la partition, dans un tempo modéré. De la fréquentation du répertoire romantique, notamment Chopin et Liszt, les interprètes du ragtime conservent, dans une certaine mesure, un emploi subtil de la pédale harmonique. Tout comme l'alternance d'une basse sur les premier et troisième temps avec un accord sur les deuxième et quatrième temps, appelée « pompe », que les compositeurs romantiques avaient abondamment utilisée. Au-dessus de la pompe, la main droite exécute des mélodies syncopées, créant ainsi une polyrythmie par le déplacement des accents (d'où son nom de ragged time, « temps déchiré ») d'une division fugitive, souvent à trois temps, dans des mesures à quatre temps binaire, issues en partie des polkas des rythmes militaires, mais aussi des marches d'un Schubert par exemple. Les appuis se font donc sur les premier et troisième temps (tendance qui s'inversera comme on le sait). Le ragtime reprend les harmonies de la littérature du XIXe siècle. Enfin, la forme très définie est divisée généralement de la façon suivante : une introduction (non obligée) précède parfois une suite de quatre thèmes AABACD (rarement cinq), avec une ou deux transitions.

Les écoles du ragtime

On considère habituellement qu'il y eut quatre écoles de ragtime. D'abord, celle de Sedalia (Missouri) où vécut Scott Joplin (1868-1917). C'est lui qui a en quelque sorte codifié le ragtime. S'il n'a édité que trente-trois ragtimes, rappelons que son célèbre Maple Leaf Rag, publié en 1899, se vendit à 75 000 exemplaires, ce qui en fit le premier succès de l'histoire du jazz.

L'école de Saint-Louis est moins connue, malgré un représentant comme Louis Chauvin (1881-1908). Il y eut aussi le courant venu de Harlem, avec le grand Eubie Blake (1883-1983) et son vertigineux Charleston Rag par exemple, mais on verra plus loin que les pianistes de New York vont évoluer dans une nouvelle direction : le stride. Définitivement lancé, le genre voit une « école » émerger à La Nouvelle-Orléans représentée notamment par le créole Jelly Roll Morton (1885-1941), de son véritable nom Ferdinand Joseph Lamenthe ou Lamothe. Il est le premier pianiste connu à avoir improvisé sur des thèmes rag. De ce fait, il se distingue comme pionnier par une grande richesse mélodique portée par une approche plus libre. Il devient l'un des précurseurs du jazz, notamment en jouant stomp (rythme élevé), ce qui entraîne la disparition du ragtime pur. Toutefois, derrière les différentes musiques interprétées par les pianistes (blues, stomp, ou plus tard le stride) on pourra toujours déceler très fréquemment le ragtime en arrière-plan. Le ragtime eut aussi des conséquences sur la musique de tradition savante européenne, avec des pièces comme Le Petit Nègre (vers 1909) et le Golliwogg's Cake-walk du Chidren's Corner (1906-1908) de Claude Debussy, Le Piccadilly (1902) d'Erik Satie ou le Ragtime (1918) et le Piano-Rag-Music (1919) d'Igor Stravinski.

Entre deux mondes : Jelly Roll Morton

Premier grand pianiste du style Nouvelle-Orléans, « Jelly Roll » fait entrer le piano dans l'orchestre de jazz louisianais en opérant la synthèse de l'improvisation collective, de l'improvisation individuelle et de l'écriture sans brider les solistes au sein d'arrangements parfois très élaborés. On peut d'ailleurs voir dans son style pianistique un reflet de l'orchestre néo-orléanais. Sa main gauche fait de petites conduites de voix (proche des lignes de tuba et de trombone) tout en poursuivant généralement une pompe moins systématique que dans le ragtime, qui comprend des arrêts, des syncopes ou des brisures rythmiques. On décèle même des rythmes latins comme la habanera dans Spanish Swat (1938). Quant à sa main droite, elle peut jouer le thème avec le cornet, mais aussi faire des fioritures (trémolos, trilles, etc.) rappelant la clarinette. C'est aussi un harmoniste fin et subtil qui aime à trouver des enchaînements personnels. Il eut par exemple une tentative modale avec Jungle Blues (1927) qui ne change pas de degré. Au sein des Red Hot Peppers, ses musiciens s'arrêtent pour laisser le piano jouer en solo. Cette habitude vient moins d'un désir d'arrangement que des possibilités limitées des enregistrements puisqu'il fallait pouvoir entendre le piano couvert autrement par l'orchestre. Enfin, il a composé de beaux morceaux comme The Pearls (1923), King Porter Stomp (1926), Black Bottom Stomp (1926) ou l'hilarant Hyena Stomp (1927).

​​​​​​​Auteur : Ludovic Florin​​​​​​​ Sur : https://pad.philharmoniedeparis.fr/0798688-histoire-jazz-piano-approche.aspx?_lg=fr-FR

Le piano dans le jazz

L'école du stride

Auteur : Ludovic Florin​​​​​​​ Sur : https://pad.philharmoniedeparis.fr/0798688-histoire-jazz-piano-approche.aspx?_lg=fr-FR​​​​​​​

Un art né à Harlem

Au cours des années 1910, le courant new-yorkais engendre une nouvelle forme de pianisme que l'on nomme stride. De façon très imagée « to stride » signifie marcher à grandes enjambées à l'exemple du déplacement incessant de la main gauche. Sorte de ragtime modernisé, le stride conserve la pompe mais en remplaçant peu à peu le binaire par une division ternaire du temps. Il s'est développé dans le quartier de Harlem lors de piano contests ou cutting contest, joutes pianistiques qui consistaient à s'affronter sur un même thème dans le tempo le plus élevé possible sans jamais perdre de précision rythmique. Une dizaine d'années plus tard, pour être admis dans le cercle des contests, il fallait savoir jouer Carolina Shout (1921) de James P. Johnson grand spécialiste du stride. Techniquement, la main gauche continue donc de faire la pompe, mais les bons musiciens font quelques enchaînements de dixièmes parallèles au sein de subtils décalages rythmiques. La main droite, très virtuose (tierces, sixtes, etc.) accorde une place toujours plus grande à l'improvisation. Cependant, le stride ne se targuera jamais d'être une musique savante et se positionnera constamment comme musique de divertissement. Ce style aura une longue pérennité : jusqu'aux années 1940, il sous-tend le jeu des pianistes et, au-delà, constitue encore un des aspects techniques que tout spécialiste doit maîtriser. On en retrouve trace chez des personnalités comme Thelonious Monk, Jaki Byard, Hank Jones et même Keith Jarrett.

Principaux spécialistes

Après Eubie Blake le précurseur, James Price Johnson (1894-1955) est le premier pianiste important de Harlem. Il possède un toucher subtil acquis par la pratique de la musique savante occidentale (il a étudié avec un élève de Rimski-Korsakov). Il peut aussi avoir une conception orchestrale du piano en exploitant toutes les octaves du clavier. À ce grand sens des nuances s’allie une liberté rythmique absolument contrôlée, avec une main droite volubile, en dessous de laquelle la main gauche peut jouer la pompe traditionnelle ou des finesses telles que la figure « deux basses – un accord – une basse » rendue célèbre dans Carolina Shout. Il restera longtemps le champion incontesté des contests

Willie « The Lion » Smith (1897-1973), peut-être surnommé ainsi pour ses rugissements lors des assauts dans les tranchées de France, est une autre figure emblématique. Sa main gauche pouvait jouer plus vite que celle de James P. Johnson. Lui aussi fait référence à la musique « classique ». Il donnera ainsi une version stride de la Grande Polonaise de Chopin (1944). On décèle également une sophistication mélodique proche d’une certaine esthétique française du début du XXe siècle mais avec une main gauche qui swingue, comme dans le délicieux Echoes of Spring (de 1935, en 12/8 et qui s’éloigne du stride au sens strict).

Thomas « Fats » Waller (1904-1943) porte le stride à un premier point d’accomplissement. Cet élève de James P. Johnson a le don de réussir à transformer le matériel musical le plus banal en une œuvre charmante et intéressante grâce, notamment, à une assise rythmique inébranlable pénétrée de swing. Sa main gauche couvrait près d’une octave et demie et fut l’une des plus puissantes du jazz traditionnel. S’il avait un sens exceptionnel du spectacle ainsi qu’une énergie communicative à l’humour décapant, il rêvait d’interpréter des pièces romantiques au Carnegie Hall. Compositeur du fameux Honeysuckle Rose (1934) ou de Ain’t Misbehavin’ (1929), il introduisit l’orgue dans l’instrumentation du jazz.

Auteur : Ludovic Florin​​​​​​​ Sur : https://pad.philharmoniedeparis.fr/0798688-histoire-jazz-piano-approche.aspx?_lg=fr-FR

Le piano dans le jazz

Swing : entre indépendance et intégration

Auteur : Ludovic Florin Sur : https://pad.philharmoniedeparis.fr/0798688-histoire-jazz-piano-approche.aspx?_lg=fr-FR

Le piano après La Nouvelle-Orléans

Grâce à l’influence de pianistes de l’envergure de Jelly Roll, le piano intègre définitivement la section rythmique des ensembles néo-orléanais dans les années 1920, en ajout ou en lieu et place du banjo et/ou de la guitare. Si presque tous les pianistes pratiquent le stride, ils sont souvent réduits à la fameuse pompe, exécutée à deux mains. Un pianiste cependant impose une nouvelle approche, qui, grâce à ses enregistrements avec Louis Armstrong, influencera de nombreux pianistes à sa suite : Earl Hines (1903-1983). Sa rencontre avec le trompettiste est l’une des plus élevée de toute l’histoire du jazz. À son contact, Hines développe un type de jeu dit « piano-trompette », une sorte de transposition au clavier du jeu de son partenaire. Il possède de l’éclat dans sa frappe et use du jeu en octaves pour se faire entendre du reste de l’orchestre tout en se rapprochant de la sonorité brillante et puissante du trompettiste. Sa main droite joue des phrases très volubiles, articulées, qui sont soulignées par des trémolos serrés, évoquant le vibrato de la trompette. Il inaugure une liberté nouvelle avec des traits rapides aux rythmes brisés. En outre, la main gauche très syncopée abandonne parfois la pompe (et donc la régularité habituelle du ragtime) au cours de prises de risques rythmiques considérables qu’il affectionne particulièrement. Citons ainsi Weather Bird (en duo avec Louis Armstrong) ou Fireworks, tous deux de 1928. Sans être un « inventeur », sa conception musicale n’en a pas moins influencé plusieurs générations de pianistes, de Teddy Wilson à Bud Powell, en passant par Art Tatum, comme en témoigne son surnom de « Fatha » (le Père).

Parmi les nombreux pianistes marqués par cette conception, on peut citer notamment Lil’ Armstrong (Lilian Hardin, 1898-1971, épouse de Louis), Luis Russell (1902-1963), Buck Washington (1903-1955) ou Charlie Beal (1908-1991). Aucun cependant n’atteindra le niveau d’exigence de Earl Hines.

De cette époque, il faut se souvenir aussi de certains musiciens de Chicago comme Art Hodes (1904-1993) ou Joe Sullivan (1906-1971), qui ont tenté d’atteindre les hauteurs endiablées des musiciens de New Orleans noirs. L’un d’eux, Bix Beiderbecke (1903-1931), par ailleurs remarquable cornettiste, nous a offert quelques morceaux inclassables (notamment In a Mist, 1927), dont les harmonies s’inspirent plus directement des compositeurs de musiques de tradition savante occidentale qui lui sont contemporains. À travers ce musicien on peut d’ailleurs faire un constat : s’il est souvent admis que le meilleur musicien d’un ensemble est souvent le pianiste, comme on l’a souligné plus haut, ce n’est bien sûr pas toujours la réalité. Cependant, de très nombreux grands jazzmen ont pratiqué le piano en plus de leur instrument, Bix Beiderbecke en étant un exemple parmi d’autres : Dizzy Gillespie, Charles Mingus, Milt Jackson, Bob Brookmeyer, Stéphane Grappelli, David Liebman ou Jack DeJohnette.

Le boogie-woogie

Le boogie-woogie (appelé aussi Honky Tonky) est né au tout début du XXe siècle dans le Sud des États-Unis. Les ouvriers manuels noirs se délassaient dans des « barrelhouses » ou « honky tonks » c'est-à-dire bien souvent toute sorte de lieux pouvant protéger un piano des intempéries. Le pianiste devait divertir les clients, mais surtout les faire danser dans le but de les faire consommer. Avec la Dépression, ces pianistes émigrent vers le Nord, et notamment à Chicago. Cette ville devint ainsi le centre du boogie-woogie, un genre profondément ancré dans le blues et la culture populaire noire.

Suivant la trame harmonique des douze mesures du blues, la main gauche joue des figures rythmiques basées sur les huit croches de la mesure, sous forme d'ostinatos puissants et directs. Cette répétition obstinée produisant une sorte d'hypnose évoque le bruit produit par les roulis des trains sur les rails que, aux origines, les pianistes migrants devaient prendre sans cesse pour survivre. La main droite ornemente un thème par des riffs successifs très énergiques, nerveux, et en indépendance rythmique par rapport à la main gauche. Le principe de polyrythmie est donc conservé. Souvent, le rythme est shuffle, c'est-à-dire d'un rebondissement proche du ternaire, même s'il peut être joué binaire. Combiné avec du chant dans les années cinquante, il forme la source du rock'n'roll.

Chicago Stomp (1924) par Jimmy Blythe (1900-1931) est connu comme étant le premier enregistrement d'un boogie-woogie. Jimmy Yancey (1898-1951) est considéré comme l'artiste le plus authentique du genre. Albert Ammons (1907-1949) est un autre excellent interprète. Mais le plus célèbre est sans doute Meade Lux Lewis (1905-1964) avec son Honky Tonk Train Blues (1927). Cependant, ce n'est qu'en 1928 que le morceau Pine Top's Boogie Woogie enregistré par Clarence « Pine Top » Smith (1904-1929) donnera son nom au mouvement. Leur fort ancrage dans le blues connaîtra un prolongement au milieu des années 1950 chez les pianistes du hard bop, avec parfois même chez certains des résurgences de l'esprit du boogie (Horace Silver, par exemple).

Art Tatum

Pendant que le style New Orleans commence à disparaître au profit des grands orchestres, le stride poursuit son évolution et trouve sa consécration en Art Tatum (1909-1956). C'est cependant un musicien qu'il est impossible de restreindre au seul stride et qui s'épanouira pendant la période swing, constituant de ce fait un maillon important dans l'évolution des différents styles jazzistiques.

Quasiment aveugle de naissance, son infirmité ne l'empêcha pas d'acquérir une technique encore de nos jours rarement égalée. Admiré par les plus grands virtuoses « classiques » tels que Vladimir Horowitz ou Arthur Rubinstein, ses prestissimos infernaux qui ne ralentissent pas font à présent partie de la légende de l'instrument, tous styles confondus, avec des traits en accords, en tierces ou en octaves, issus parfois de la littérature lisztienne. Il aime ainsi parcourir le clavier dans toute son étendue, dans un sens ou dans l'autre, parfois ponctué d'une note très aiguë (où il déplace la main avec une rapidité incroyable). Son improvisation est donc basée sur une ornementation extrême de la mélodie, qu'il garde toujours en vue, tout en dosant parfaitement chaque plan sonore. Selon Philippe Baudouin, la fin de Song of the Vagabonds de 1946 est le stride le plus rapide jamais enregistré. En outre, ce virtuose accorde la même importance aux deux mains, ce que démontre bien l'interprétation de Tiger Rag en 1933. Sa pensée harmonique avancée influencera les futurs boppers. Ainsi, il n'hésite pas à intégrer des accords supplémentaires dans la mélodie créant de nouveaux enchaînements harmoniques. Il utilise tout aussi fréquemment un accord de passage qui deviendra l'apanage des boppers, ce qu'on nomme la « substitution tritonique ». Si sa main gauche vient bien sûr du stride, elle a retenu la leçon d'Earl Hines et sait, à son exemple, abandonner le rôle de métronome pour une plus grande liberté : gammes parallèles ou en mouvements contraires, effet rhapsodique, enchaînement d'accords très rapides, etc. Elle n'a rien à envier à la main droite. En outre, Tatum apporte un soin particulier dans la conduite des voix intérieures, créant de nombreux contre-chants. Il se dégage une puissante énergie au swing communicatif, sans que le clavier ne soit agressé (Dark Eyes du 1er mai 1944). Il marque une apogée (pour certains, indépassable) de la conception orchestrale du piano perçu comme un instrument roi, autosuffisant et exerçant une emprise forte sur l'orchestre.

Des chefs d'orchestre pianistes

À la suite de Earl Hines et d'autres, les deux plus grands chefs de big bands de l'histoire du jazz, les pianistes Duke Ellington et Count Basie, abandonnent la pompe, bien qu'ils eussent pratiqué tous deux le stride à leurs débuts.

Count Basie (1904-1984) qui a travaillé au départ le stride et le boogie-woogie auprès de Fats Waller, est aussi imprégné de blues de Kansas City où il forme son premier orchestre. Au cours des innombrables jam sessions et des cutting contests (même entre orchestres), le Count modelait des arrangements oraux. Il transposait à l'échelle de son orchestre les riffs et les chases (les 4/4) qu'il imaginait depuis son piano. En outre, en associant étroitement son piano à la guitare, à la contrebasse et à la batterie, Basie rend autonome, en quelque sorte, la section rythmique au cœur du big band et développe, de ce fait, le jeu en quatuor lors de ses interventions en solo. Grâce à cette section rythmique, l'une des plus swinguantes de tous les temps, Count Basie peut se permettre de peu jouer : délestée de la nécessité rythmico-harmonique, sa main gauche est libre d'ajouter des ponctuations ou de ne pas jouer. Son style classieux, où les silences mettent tout autant en valeur ses rythmiciens que son feeling, et son talent pour la mise sous tension du moment, sont un condensé personnel de stride, de boogie-woogie, de blues et de swing impeccable.

Duke Ellington (1899-1974) est lui aussi issu du stride. « Mon instrument, ce n'est pas le piano, c'est l'orchestre », disait-il. Considéré comme un des génies du XXe siècle, il n'est pas toujours bien apprécié comme pianiste malgré une grande originalité. Il a été démontré que les arrangements qu'il imagine pour son ensemble sont fortement marqués par son pianisme, tant du point de vue harmonique que de celui de la répartition des différentes voix. Son toucher est franc et sa frappe nerveuse. En solo, ou dans ses interventions, il préfigure parfois un pianiste tel que Monk, voire Cecil Taylor lorsqu'il joue des choses aussi étranges que sur Ko-Ko (6 mars 1940). C'est pourquoi, les années avançant, il pourra jouer avec des musiciens aussi modernes que John Coltrane, Charles Mingus ou Max Roach, etc.

En marge des big bands

Reste que ces deux pianistes ne sont pas considérés comme de « grands » techniciens du clavier. De plus, cette période voit le triomphe des larges machines orchestrales où le piano occupe moins d'importance. Les individualités s'épanouissent plutôt dans les petites formations qui continuent d'exister.

Ainsi, pour citer les plus fameux parmi une pléthore d'ensembles, Fats Waller and His Rhythm, dont le répertoire pendant les séances de studio est souvent improvisé sur le moment. C'est alors un jazz qui prend appui sur le stride, swinguant et spontané. Teddy Wilson (1912-1986), qui avait débuté dans le style « piano-trompette », s'écarte peu à peu du modèle de Earl Hines, tout en rompant définitivement, à son exemple, avec un stride systématique. Sa main gauche joue alors des suites de dixièmes parallèles mais en mettant en valeur le ténor et non la basse de l'accord créant ainsi d'élégants contrepoints. Par une conjonction parfaite, les deux mains sont donc mises sur un pied d'égalité, ce qui représente une émancipation décisive pour l'évolution du piano jazz. Son toucher clair, léger et raffiné, proche des musiciens classiques (il fut élève de Walter Gieseking), met en valeur un legato lentement élaboré qui fluidifie ses interprétations et offre une grande souplesse même dans les tempos les plus rapides. On parle souvent du classicisme du jeu de Teddy Wilson. C'est ce qui plut à Benny Goodman qui l'engagea dans ses formations de 1936 à 1939, dont un fameux trio clarinette-piano-batterie (avec notamment Gene Krupa à la batterie) où Wilson fut obligé de penser le piano en trio autrement pour palier l'absence de bassiste.

La technique des block-chords

Il est intéressant de remarquer que si le piano pour une part a déterminé l'écriture des sections mélodiques des big bands, à leur tour ces derniers ont sans doute été à l'origine d'une nouvelle technique pianistique inaugurée par Milt Buckner (1915-1977) au sein du grand orchestre de Lionel Hampton. Il y use en effet de la technique des block-chords, appelé aussi locked hands. À l'image d'une section de saxophones jouant une mélodie harmonisée, le pianiste, sans doute pour rivaliser avec la puissance des différents pupitres, transpose ce principe au piano en jouant de la même façon son improvisation en accords parallèles de quatre ou cinq notes.

L'émergence du trio

À la suite de l’abandon progressif du principe de la pompe du stride, les pianistes se retrouvent avec une main gauche qui n’a plus l’obligation de scander la pulsation. Ce rôle est rempli avantageusement par le batteur. D’autre part, poussant toujours plus avant l’exploration harmonique, la main gauche ne marque plus nécessairement les fondamentales des accords, ce dont se charge la contrebasse. C’est cette nouvelle répartition des rôles qui est à l’origine de la vogue du trio autour du piano qui, dans les années 1930, s’installe comme une alternative aux grands orchestres. De surcroît, le trio représente une formule à la fois puissante et très malléable.

Les historiens estiment que le premier véritable trio avec batterie est apparu avec la formation du pianiste Jess Stacy (1904-1995), bientôt suivie par celle de Mary Lou Williams (1910-1981) vers 1936-1938. Cette formule avec batterie obtient ses lettres de noblesse dans les trios de Teddy Wilson puis de Oscar Peterson (1925-2007) durant la décennie suivante. Mais dans un premier temps, c’est le trio « à la Nat King Cole », c’est-à-dire avec guitare et sans batterie, qui connaîtra un grand succès. Et le talent du pianiste n’y est pas pour rien. Après avoir fondé son trio pour la première fois en 1937, la recette sera reprise par des pianistes aussi différents que Art Tatum, Oscar Peterson (qui hésitera souvent entre les deux, jusqu’à fonder ses dernières années un quatuor avec guitare et batterie) ou Ahmad Jamal. Nat King Cole (1917-1965) a su gérer la répartition harmonique entre la guitare et le piano, sans qu’ils interfèrent l’un avec l’autre, tout en obtenant un son homogène entre les deux instruments, notamment en éclaircissant son jeu mélodique qui a recours parfois au phrasé en single notes sur le modèle des instruments à vent.

Auteur : Ludovic Florin Sur : https://pad.philharmoniedeparis.fr/0798688-histoire-jazz-piano-approche.aspx?_lg=fr-FR​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​

Le piano dans le jazz

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Passage au premier plan

Be-bop

Si les musiciens des années 1920 ont été marqués par le jeu de Louis Armstrong, et ceux des années suivantes par les saxophonistes Lester Young et Coleman Hawkins, à partir du milieu des années 1940, ce sera l'altiste Charlie Parker qui influencera les jeunes musiciens. Parmi les pianistes, seul Bud Powell (1924-1966) sut atteindre le même niveau de créativité, de virtuosité, d'inventivité et de swing. Sa main droite, pleine d'une émotion palpable, obtient le phrasé extraordinairement précis typique du be-bop. Ses attaques assez puissantes renforcent l'expressivité des appogiatures et broderies des harmonies enrichies de ce style. Le jeu de main gauche tient compte du rôle nouveau de la contrebasse et de la batterie. Elle ne fait plus double emploi et se contente de placer des accents de façon discontinue qui soulignent ou appuient le discours de la main droite, ou en réponse avec la batterie. Elle inaugure un nouveau type de complémentarité entre les deux mains, utilisée aussi en piano solo. À tel point que certains musiciens qualifient de « manchot » le jeu des pianistes boppers, utilisant trop parcimonieusement la main gauche à leur goût, ne lui accordant plus assez d'attention au seul profit de la ligne mélodique de la main droite. Il s'agit peut-être là d'une des plus grande preuve de l'influence de Charlie Parker dans le discours mélodique de tous les jazzmen à partir de 1945. Bud Powell fut aussi un très grand compositeur avec des compositions telles que Bouncing with Bud (1946), Dance of the Infidels (1949), Un Poco Loco (1951), etc.De nombreux pianistes adoptèrent le be-bop comme, entre autres, Dodo Marmarosa (1925-2002), Al Haig (1924-1982), Tadd Dameron (1917-1965) ou Duke Jordan (1922-2006), les plus représentatifs des années 1940. Perceptible de son vivant, l'influence de Bud Powell est considérable. Elle touche nombre de ses contemporains, d'Oscar Peterson à Barry Harris, en passant par McCoy Tyner ou Chick Corea. Elle affecte également des musiciens associés au style West Coast, dérivé du cool, avec une touche d'élégance typique des musiciens californiens, tels que Jimmy Rowles (1918-1996), Russ Freeman (1926-2002), Claude Williamson (1926-2016), Hampton Hawes (1928-1977), Lou Levy (1928-2001), Pete Jolly (1932-2004)… L'héritage de Bud Powell continue de fonder, avec plus ou moins de distance, une bonne partie du style des pianistes contemporains.

Un météore nommé Thelonious Monk

Un homme au son à part fait lui aussi son apparition sur la scène jazzistique. Tout en étant à l’origine du be-bop par son langage, il fait preuve d’une personnalité musicale tout à fait originale et particulière. Ainsi, n’a-t-il pas, ou presque pas, de clichés bop (Bloomdido, 1950). Il est l’exemple type du musicien ayant une musique en lui qui doit sortir, quel qu’en soit le contexte. On peut d’ailleurs remarquer qu’il fut peu invité sur les disques d’autres musiciens, et que, dans ce cas, c’était le plus souvent pour faire jouer ses compositions. A-t-il ou non de la technique ? Au sens habituel, « classique », Thelonious Monk ne fait pas preuve d’une grande perfection. Toutefois l’important en jazz n’est pas l’orthodoxie de la technique, mais le rendu sonore. Monk exprime parfaitement son monde intérieur, avec une technique qu’il s’est trouvé. Ainsi, son placement rythmique unique est-il absolument voulu. Et ce, tout en gardant une grande place au silence dans son discours, ce qui participe à une dramatisation de ses improvisations. Il sait où et comment les placer, les amener et les conduire, comme dans la fameuse session du 24 décembre 1954 sur The Man I Love. Il aime les contrastes de registres, de caractères, d’harmonies, de débits rythmiques, en swing ou en binaire, etc. Tout semble en rupture permanente, et pourtant tout se tient.

Néanmoins, son jeu pianistique est enraciné et se trouve à l’exacte conjonction de la tradition (la pompe stride) et du plus grand avant-gardisme (la discontinuité rythmique, la systématisation du cluster ou de l’acciacatura). Du point de vue harmonique, c’est aussi un novateur. Il a une préférence pour les dissonances « à découvert », comme les secondes (mineures ou majeures), les quintes diminuées ou les neuvièmes. Ses enchaînements harmoniques témoignent d’une recherche longuement mûrie, même si certains accords compacts dans le grave ne sonnent que sous ses doigts.

C’est l’un des plus grands compositeurs de l’histoire du jazz, ne serait-ce qu’avec sa participation à 'Round Midnight (1946). Issues de son approche pianistique, ses œuvres bouleversent la mélodie aux contours déroutants (Trinkle, Tinkle, 1952), aux décalages rythmiques (Straight No Chaser, 1951) et aux structures inhabituelles (Brillant Corners, 1956).

Le mainstream

Dans les années 1950, le jazz est en ébullition avec de nouveaux styles tels que le cool, le hard bop, la sensibilité West Coast ou le Third Stream. En outre, il faut garder à l'esprit que dans ces années-là, à New York par exemple, on pouvait entendre le même soir Bud Powell, Monk, mais aussi Earl Hines, Duke Ellington, Teddy Wilson, Art Tatum, etc. De ce fait, certains pianistes furent inspirés de prime abord par les derniers cités avant de subir l'influence des modernistes boppers. Jouant une musique qui reste charmeuse, swinguante et sophistiquée, ils ne sont pas des boppers purs et durs, et ne sont plus des musiciens de style néo-orléanais. Évoluant dans un entre-deux auquel on donne le nom de mainstream. Il en va ainsi de Erroll Garner (1921-1977). Sa main gauche plaquait impitoyablement les quatre temps de la mesure et couvrait une étendue d'une dixième, voire d'une onzième, produisant un effet de masse qui offrait libre court à la main droite. Celle-ci est caractéristique chez Garner. Elle est majoritairement en arrière de la pulsation. D'où l'impression, parfois, qu'elle est en retard par rapport à la main gauche qui, elle, est métronomique. Issu d'un certain aspect de la tradition d'Art Tatum, Garner aime être rhapsodique et arpéger sur les tempos lents. Il possède aussi un jeu de poignet très souple pour les octaves et les accords. Enfin, il sait aussi être très délicat et peut avoir un jeu proche de l'impressionnisme.

Ahmad Jamal (1930-....) est un pianiste à part, qui n'a jamais accepté de faire autre chose que sa propre musique et qui a fait du trio avec batterie son domaine privilégié. Dans ce contexte, les deux autres membres semblent au service des changements d'humeur du pianiste. Cela entraîne une certaine tension au sein du trio, mais une tension génératrice de musique. Musicien du silence et des brusques tempêtes, il aime improviser dans l'aigu du piano avec sa main droite en laissant une large part aux pauses et aux motifs répétés en boucle. Il affectionne aussi de ponctuer ses phrases par des octaves de la main gauche dans le grave, au risque de couvrir le bassiste. Loin de la jam session, il travaille beaucoup la forme du morceau, tant pendant l'improvisation qu'en amont, c'est-à-dire au niveau de l'arrangement. Il joue aussi avec un registre de dynamiques rarement atteint avant lui. Ces changements constants sur le plan rythmique, dynamique et sur celui des registres sont caractéristiques de son style. On rapproche souvent Red Garland (1923-1984) d'Ahmad Jamal (Miles Davis le premier), mais celui-ci se situe à la croisée de ce classicisme et du modernisme de Bill Evans à venir.

Le dernier immense pianiste mainstream est sans conteste Oscar Peterson (1925-2007). Comme de nombreux autres, il a travaillé le piano classique. Il possède donc un son plein et léger quand il le souhaite. Il se situe à la lisière du swing et du be-bop dont il a assimilé le langage. Virtuose possédant à la perfection toutes les techniques pianistiques, il est un des rares à tenir la comparaison avec Art Tatum. Son énergie est extraordinaire et son swing à la précision rythmique impeccable a une pulsation intérieure inébranlable à laquelle on ne peut rester insensible. Il excelle dans tous les tempos. Ses improvisations restent ancrées dans le terroir du jazz et sont donc imprégnées de blues, tout en s'appliquant à utiliser un nouvel élément musical pour chaque nouvelle grille d'improvisation. Cependant, il restera ouvert aux évolutions futures et assimilera ainsi les leçons harmoniques de Bill Evans.

Parmi d'autres, citons dans cette mouvance, Clyde Hart (1910-1945), Ellis Larkins (1923-2002), George Shearing (1919-2011), ou parfois même une certaine facette de Jaki Byard (1922-1999).

Un cas significatif : Lennie Tristano

Après son émergence, le bop va devenir un langage commun à tous les jeunes pianistes. Adhérant ou non au mouvement, chaque personnalité emprunte une ou plusieurs spécificités stylistiques aux diverses tendances qui apparaissent à partir d’un tronc commun formé par les héritages combinés du swing et du bop. Ainsi le jazz cool utilise-t-il le langage bop tout en allant à l’encontre des tempos ultrarapides et en évacuant l’expressionnisme au profit d’une retenue et d’une douceur du son

On associe souvent le nom de Lennie Tristano (1919-1978) à cette esthétique. En réalité, il n’est pas réductible à ce seul aspect. Aveugle à neuf ans, il devient pédagogue dès 1943 et compte parmi ses élèves les saxophonistes Lee Konitz ou Warne Marsh qui sont durablement marqués par ses conceptions. En 1951, dans son local de New York, il est l’un de premiers à utiliser les techniques de studio pour ses propres enregistrements. Ainsi, dans son célèbre Line Up (1955), il enregistre sa main droite seule deux fois plus lentement pour obtenir un phrasé et un placement rythmique idéal qui s’approche au plus près de l’articulation vocale ou de celle d’un instrument à vent. Si d’aucuns lui reprochent d’user de cet artifice, force est de constater que, sur scène, on retrouve ce phrasé élégant, impeccable et swinguant d’une grande rigueur. Il enseignait ce qu’il jouait, à savoir une retenue et un contrôle de tous les instants dans l’improvisation associés à la recherche d’une liberté totale. Cependant, irréductible, sa véritable quête est l’imagination et la spontanéité dans l’improvisation. Son credo sera en quelque sorte de ne pas tomber dans les clichés et les licks tous prêts. En outre, il développe sa main gauche de façon absolument indépendante et réussit à improviser deux mélodies distinctes dans C Minor Complex de 1962 (bien qu’on puisse se demander s’il n’a pas utilisé le re-recording).

Opulence de l'après bop

Depuis les années 1950 jusqu'à nos jours, le panorama du piano jazz se compose d'une mosaïque de personnalités. Évoluant dans des cadres musicaux différents, les pianistes, souvent polyvalents, s'adaptent aux propriétés stylistiques exigées par leurs employeurs et sont rarement réductibles aux « étiquettes » qui leur sont accolées traditionnellement.

Ainsi des pianistes comme Tommy Flanagan (1930-2001) ou plus encore Hank Jones (1918-2010) sont-ils de merveilleux stylistes qui naviguent aussi bien dans le mainstream que dans des registres plus modernes. Tous deux ont la faculté d'avoir trouvé des phrases mélodiques aux contours à la fois uniques et fidèles aux sources du bop. S'ils ne sont pas des virtuoses exceptionnels, ils sont néanmoins des accompagnateurs parfaits toujours à l'écoute de leurs partenaires qu'ils savent mettre en valeur, des qualités dont a hérité leur cadet, Sir Roland Hanna (1932-2002). On peut rapprocher ces trois musiciens de Detroit de Phineas Newborn Jr. (1931-1989) qui représente sans doute le point d'aboutissement ultime des possibilités du bop. Il est le spécialiste des phrases mélodiques jouées à l'unisson des deux mains à plusieurs octaves de distances, dans des tempos parfois extrêmes. En même temps, par des phrases bluesy, il se situe dans un style hard bop des plus efficaces (Reflection, 1958).

John Lewis (1920-2001), quant à lui, se manifeste par une volonté de synthèse des grands principes de la musique occidentale de tradition savante au langage du jazz. Après avoir joué avec de nombreux boppers, il est l'un des fondateurs du Modern Jazz Quartet (MJQ) qui se situe dans une perspective cool (traitement sonore et clarté de l'énoncé) avec des procédés ou des formes empruntés à la musique occidentale (Vendômes, 1952). Rompu au répertoire « classique » (il a enregistré le Clavier bien tempéré en 1974), John Lewis systématise cette association en affrontant le problème de l'éternel thème et variations et de sa relation thème/arrangement/solos. Il possède un côté aristocratique, sans maniérisme, avec une évidente présence du blues et du swing dans son jeu. Minimaliste au toucher clair et léger, il est l'un des rares pianistes à accorder une place prépondérante aux silences (Django, 1999).

Surnommé « The Hard Bop Gran Pop », Horace Silver (1928-2014) emblématise l'incursion du jazz funky au sein du mouvement hard bop en assumant le retour des rythmiques binaires. On décèle chez lui un aspect percussif aux répétitions souvent hypnotiques issues du boogie-woogie. Il utilise l'héritage bop, notamment celui de Bud Powell qu'il adapte à de vieilles formules blues et gospel. Bon compositeur, qui soigne toujours ses introductions, interludes et codas, il fut à l'origine de la création des Jazz Messengers avec Art Blakey, formation au sein de laquelle on rencontre les pianistes les plus représentatifs du hard bop, tels que Bobby Timmons (1935-1974), Cedar Walton (1934-2013), Walter Davis Jr. (1932-1990). Il ne faut pas oublier non plus les pianistes qui passèrent chez Miles Davis comme Red Garland (1923-1984) ou Wynton Kelly (1931-1971), ou chez Dizzy Gillespie comme Kenny Barron (1943-....) un styliste remarquable. Kenny Drew (1928-1993), Sonny Clarke plus be-bop (1931-1963) ou Horace Parlan (1931-2017) qui, handicapé de la main droite, a développé une technique spécifique à la main gauche, n'épuisent pas les exemples possibles de ces pianistes qui renouent avec les racines populaires de la culture afro-américaine.

Auteur : Ludovic Florin Sur : https://pad.philharmoniedeparis.fr/0798688-histoire-jazz-piano-approche.aspx?_lg=fr-FR

Le piano dans le jazz

Les pères du piano moderne

Auteur : Ludovic Florin Sur : https://pad.philharmoniedeparis.fr/0798688-histoire-jazz-piano-approche.aspx?_lg=fr-FR

Bill Evans

À la fin des années 1950 et au début de la décennie suivante, trois grandes figures contribuent à engendrer un nouveau standard de pianistes pour les générations à venir. Chronologiquement, le premier d'entre eux est Bill Evans (1929-1980) qui va ouvrir la voie de la modalité. Sa culture pianistique « classique » fut prépondérante à ce niveau. On considère souvent qu'il y a trois périodes stylistiques qui se succèdent chez lui. La jeunesse et toutes ses expériences, puis la maturité et l'affirmation d'un style, enfin une musique rhapsodique à la fin de sa vie. Son style combine les influences du be-bop, du hard bop, du Third Stream (Concerto for Billy The Kid de George Russell, 1956), de la modalité et de la musique de tradition savante occidentale. Sa personnalité musicale est donc un mélange de fragilité « impressionniste » et de puissance venue du hard bop. Il est le premier à faire la synthèse du swing et de l'harmonie classique, avec des voicings sans fondamentale répartis aux deux mains ayant une logique de conduite de voix dans l'enchaînement des accords. Lors de son passage chez Miles Davis, il développe un jeu sans emphase, minimaliste et retenu pour le célèbre Kind of Blue (1959). Sur cet album, il poursuit une recherche harmonique basée sur la stagnation initiée sur Peace Piece (15 décembre 1958). Dans cette pièce, la forme préfigure le jazz modal et présage déjà un certain free jazz. C'est en quelque sorte Bill Evans qui va remettre à l'honneur la prestation en solo qui avait moins d'importance dans les années 1940 et 1950 au profit du trio. Mais Bill Evans fut aussi l'un de ceux qui poussèrent le plus loin les explorations dans le dialogue à trois. Parmi toutes ses formations, les plus significatives sont celles avec Scott LaFaro et Paul Motian, puis avec Eddie Gomez et divers batteurs, et enfin avec Marc Johnson et Joe LaBarbera ou Marty Morell. Il recherchait une parfaite égalité des membres de son trio, souhaitant une « improvisation simultanée » de tous, ce que l'on nomme l'interplay. C'est ce qu'il obtient avec les enregistrements réalisés en 1961 au Village Vanguard, un club de New York, ses partenaires étant alors Scott LaFaro et Paul Motian. À la suite de cette révolution douce, tous les trios et, par la suite, toutes les formations vont fonctionner plus ou moins avec ce principe.

McCoy Tyner

Après les explorations harmoniques du be-bop et de ses ramifications, les musiciens reviennent à une recherche mélodique par le biais de la modalité. Les pianistes vont alors beaucoup utiliser les accords de quartes superposées. À l'exemple d'un Scriabine, c'est un moyen de sortir de la tonalité et de pouvoir enchaîner les accords que l'on veut, sans autre logique que celle de « bien sonner ». Dans ces nouveaux espaces offerts aux solistes, les pianistes accompagnent soit en ne jouant pas du tout, soit en jouant tout le temps de façon obsessionnelle. De ce fait, l'ornementation typique du be-bop (appoggiatures, arpèges, chromatisme retourné, etc.) a tendance à disparaître au profit d'une ligne épurée (Bill Evans, Miles Davis) ou, au contraire, d'un éclatement très libre de la phrase (John Coltrane, McCoy Tyner).

Le pianiste irréductible au seul mouvement modal (il fut l'un des grands artisans des rythmes latins dans les années 1970), mais ayant eu la plus grande importance pour son expansion, est McCoy Tyner (1938-....). Issu du hard bop, ce dont sa frappe puissante témoigne, il rencontre John Coltrane pour la première fois en 1956 et appartient à son quatuor de 1960 à 1965. Si Coltrane et ses « nappes de sons » l'influencent alors par l'utilisation de grappes de notes, cette profusion vient aussi en droite ligne d'Art Tatum. Il développe un goût de l'ornementation non be-bop mais plutôt africaine et orientale. C'est lui qui systématise les accords de quartes. Il est l'un des grands pianistes à posséder une sonorité que l'on reconnaît quel que soit le piano utilisé dès la première attaque par une conception sonore à l'opposé du « beau piano classique », plus dirty et explosive, et grâce à un staccato précis et quasi constant. Mais il sait tout autant avoir une sonorité très aérienne dans des pièces comme Lonnie's Lament (1964). On sous-estime trop souvent l'influence du déroulement de sa phrase mélodique dont on retrouve l'influence chez des pianistes comme John Hicks (1941-2006), Stanley Cowell (1941-....), Larry Willis (1940-....) ou Kenny Barron (1943-....). Ainsi, à sa suite, le courant modal a engendré des pianistes, tels que Chick Corea, Keith Jarrett ou Herbie Hancock, dernière figure majeure pour l'avenir du piano jazz.

Herbie Hancock

Musicien enraciné dans la tradition du jazz noir et imprégné de blues, Herbie Hancock (1940-....) a assimilé très tôt la musique européenne ainsi qu'un certain esprit d'ouverture et de recherche en fréquentant Donald Byrd ou Eric Dolphy. Il a ainsi développé une dimension ludique évidente face aux matériaux musicaux tout en étant capable de la plus grande abstraction. Herbie Hancock aime jouer (au sens propre du terme) avec les repère donnés ou avec des règles qu'il s'invente continuellement. Harmoniquement par exemple, il superpose les triades (accords parfaits de trois sons). Cette approche influe sur ses idées mélodiques puisqu'il pense moins en gammes qu'en exprimant plusieurs triades qui jettent finalement un pont entre plusieurs modes. Il peut ainsi chercher et trouver des substitutions et des extensions nouvelles aux accords proposés. Si sa musique semble parfois fort complexe, elle reste accrochée à la tonalité. Son approche mélodique est toujours légitimée par une certaine fidélité à la grille harmonique mais sans jamais se dévoiler ouvertement. Cela lui permet d'user de vieilles formules rhythm and blues et de les transformer en une harmonie nouvelle et différente. Herbie Hancock a une approche rythmique instinctive et immédiate augmentée de trouvailles issues parfois de la musique « classique » moderne. Son sens rythmique exceptionnel sait alterner les instants libres à d'autres foudroyants de précision toujours dans l'idée du jeu. De même pour le déplacement des accents en binaire, les plaçant là où on ne les attend pas, à côté des temps forts. Il est l'un de ceux qui ont enrichi le swing de multiples divisions de valeurs. À la fois leader et accompagnateur, il trouva son plein épanouissement avec Ron Carter et Tony Williams chez Miles Davis. Ensemble, ces musiciens ont défini un nouveau standard de la rythmique inventant des contrepoints harmoniques ou rythmiques et des substitutions dans l'instant. En ce sens, ils sont les héritiers directs de Bill Evans. En trio, Herbie Hancock laisse des plages aux autres afin de mieux jouer avec eux en un subtil équilibre des rôles. Sur l'instrument, il a su garder un toucher à la fois délicat et jamais cogné, issu certainement de ses études classiques, qui contrôle constamment l'énergie nécessaire à chaque dynamique utilisée. C'est peut-être ce sens de l'équilibre entre mouvement, fluidité, déstabilisation, inconnu et harmonie qui résume la musique de Herbie Hancock.

Chick Corea et Keith Jarrett

Dans une moindre mesure, deux autres grands pianistes de cette génération se révèlent importants. Comme Herbie Hancock, Chick Corea (1941-....) est passé chez Miles Davis. Et, tout comme lui du point de vue discographique, il fait des allers et retours entre différents genres. Ainsi, après son disque foudroyant Now He Sings, Now He Sobs (1968), a-t-il constitué plusieurs groupes dans les années 1970 à 1990, comme Return To Forever, l'Electric Band ou son New Trio. Dans ces ensembles, il peut jouer du piano acoustique en commandant en même temps des synthétiseurs pré-programmés. Immense virtuose, il a une tendance à la mise en place excessive, qui, parfois, donne de très bonnes réussites, comme Crystal Silence (1972). Son toucher est à la fois percussif et non heurté, sans dureté, chose assez rare. Ses phrases sont souvent fulgurantes et très tendues harmoniquement, et se souviennent de McCoy Tyner. Il a réussi à insuffler un accent hispanisant dans sa musique, sans qu'elle ne fasse « couleur locale », par un phrasé piqué et une ornementation parfaitement intégrés à son langage. C'est un grand spécialiste du piano solo, domaine où il fait montre d'une capacité rythmique proche de celle des batteurs.

On retrouve chez Keith Jarrett (1945-....) plusieurs styles musicaux qu'il a assimilés et synthétisés en un langage personnel : le « classique » bien sûr, les folklores de différents pays, la pop américaine, avec de profondes racines gospel et blues. Du point de vue du jazz, c'est un héritier de Bud Powell, Bill Evans, Ahmad Jamal mais aussi Paul Bley, voire Cecil Taylor. Musicien exceptionnellement doué qui joue des concertos classiques très tôt, il est aussi un excellent poly-instrumentiste. Mais c'est avant tout un amoureux fou du piano acoustique et du beau son. Il est un grand utilisateur d'ostinatos modaux longuement entretenus à la main gauche, avec une main droite absolument indépendante (The Köln Concert, 1975). Il peut faire absolument ce qu'il veut rythmiquement, aussi bien les décalages les plus périlleux que les figures les plus libres, le tout en se fiant à une pulsation intérieure absolument inébranlable, ce qui lui permet de toujours retomber sur ses pieds (All The Things You Are, 15 octobre 1989). Harmoniquement, son style est bien défini. C'est un subtil mélange d'accords préparant une résolution. Il mêle donc de façon savante dissonances et accords parfaits, ce qui ne se faisait plus beaucoup dans le jazz (Over the Rainbow, 13 février 1995). Il a renouvelé l'art du trio piano/contrebasse/batterie avec Gary Peacock et Jack DeJohnette dans un retour de l'interprétation des standards. Contrairement à Bill Evans, qui cherche en quelque sorte la stricte égalité des trois membres du groupe, Keith Jarrett est devant les autres instrumentistes. Il est comme un joyau dans son écrin.

Le free jazz

Pendant les années 1960, un nouveau visage du jazz voit le jour. Après avoir sillonné toutes les ressources de la tonalité, la modalité introduit une liberté, un possible qui se révèle être le free jazz. Il y a eu toutefois des tentatives et des expériences avant les années 1960. Duke Ellington dans Ko-Ko (1940) va déjà très loin dans son solo de piano. Mais la véritable première expérience remonte à Intuition (1949) de Lennie Tristano, morceau sans autre consigne de départ que celle de la durée du jeu. Il initie la free form in jazz, qui ne trouvera un écho que dix ans plus tard.

Le pianiste le plus représentatif de ce courant est Cecil Taylor (1933-2018). Après avoir étudié la musique savante occidentale, il fait ses débuts dans un style be-bop (influence de Monk, Powell, Tristano, Ellington...) et, peu à peu, trouve son style avant-gardiste, avant Ornette Coleman. S'il a une approche avant tout percussive du piano, il sait aussi avoir un toucher très délicat. Comme les autres free jazzmen, il recherche dans l'énergie dégagée une forme de transe quasi religieuse au sein d'improvisations très longues aux effets d'accumulation et d'accélération qui atteignent des sommets paroxystiques, selon de nouvelles structurations du temps. Il n'y a plus de tempo au sens traditionnel du terme, mais par une certaine régularité des accents, il y a la présence d'un tempo sous-jacent et constamment variable, comme l'a bien montré Ekkerhard Jost. En plaquant des accords libres et des clusters, il refuse toute fonction harmonique et alterne des fusées de notes très rapides, des trémolos ou des arpèges sur plusieurs octaves. Sa musique est atonale, dans la perspective d'une recherche de timbres et de couleurs, usant des motifs percussifs pour intensifier l'énergie. De ce fait, il cherche plutôt des variations timbrales que mélodiques. Cependant, il peut y avoir des effluves tonales avec des perturbations de clusters à la main gauche, non comme accompagnement mais comme superposition indépendante. Cecil Taylor a beaucoup insisté sur le fait qu'il voulait créer des formes en improvisant. Il faut une certaine familiarité avec sa musique pour percevoir les instants prémédités imbriqués dans les moments improvisés. Jamais égalé dans son radicalisme, Cecil Taylor a marqué tous les pianistes associés de près ou de loin au free jazz, de Muhal Richard Abrams (1930-2017) à Don Pullen (1941-1995) en passant par Bobby Few (1935-....) ou Dave Burrell (1940-....) même s'ils s'inscrivent moins en rupture avec l'histoire du jazz dont ils raniment certains aspects archaïques et bluesy.

Autre pianiste, Paul Bley (1932-2016) a toujours été à l'avant-garde, avec une vision de la musique qui ne s'interdit aucune forme antérieure. Il intègre différents styles pour nourrir son propre style et sa poétique, dont le free jazz. Influencé à ses débuts par Oscar Peterson (canadien comme lui) et Bud Powell, il choisit de prendre une direction innovante après avoir entendu Ornette Coleman et Don Cherry à Los Angeles. Il opte alors pour une musique plus purement improvisée, souvent sans thème. Il aime installer un climat émotionnel d'où se dégage ensuite éventuellement une mélodie, se laissant porter par la première idée qui lui est venue. Son style est plus dans la manière de faire que dans la définition d'un aspect rythmique ou harmonique. Au sein du trio Giuffre/Bley/Swallow, l'improvisation porte plutôt sur les variations de la conversation à trois en contrepoint, dans une esthétique proche de la musique savante contemporaine. La logique de l'ensemble se dégage en fonction de la musique qui a été créée et qui se crée. Il retient la leçon et développe un dialogue main droite / main gauche à l'image de deux musiciens, créant un dialogue avec lui-même. Comme souvent chez les pianistes, la main gauche définit pour une grande part le style.

De nos jours, l'héritage du mouvement free se ressent moins dans un rapport d'imitation que dans l'emprunt de procédés de traitements sonores et dans la grande liberté formelle, rythmique et harmonique que des pianistes tels que Matthew Shipp (1960-....), Marilyn Crispell (1947-....) ou Myra Melford (1957-....) s'autorisent.

Auteur : Ludovic Florin Sur : https://pad.philharmoniedeparis.fr/0798688-histoire-jazz-piano-approche.aspx?_lg=fr-FR

Le piano dans le jazz

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Tendances depuis les années 1980

Un retour progressif à l'avant-scène

Dominées par les synthétiseurs et marquées par l'apparition des claviers électriques (Fender Rhodes, Wurlitzer...) auxquels s'essayent certains pianistes dans des contextes de jazz influencés par le rock et le funk, les années 1970 ne sont guère propices à des évolutions notables concernant le piano dans le jazz. En dehors de son penchant pour les musiques latines, il ne trouve sa place ni dans la fusion et ses emprunts exotiques, ni dans le jazz-rock où il peut difficilement rivaliser avec les sonorités proposées par les synthétiseurs. Seule la redécouverte d'une partie des anciens maîtres du swing (Teddy Wilson, Earl Hines, Jay McShann) voire un revival du ragtime (Eubie Blake) et le retour progressif du jazz acoustique marqué par le groupe Eastern Rebellion du pianiste Cedar Walton ou les tournées du quintette VSOP provoquées par Herbie Hancock ramènent l'instrument sous les projecteurs à l'aube des années 1980.

Depuis une vingtaine d'années, trois tendances se dégagent quant à l'attitude des pianistes à l'égard de l'histoire du piano dans le jazz : un conservatisme qui emprunte à une tradition désormais fort riche les modalités de son expression ; la recherche de nouveaux modes de jeu ; un compromis entre innovation et héritage visant d'abord à favoriser l'expression individuelle.

L'apparition d'un néo-classicisme

Il y a toujours eu (et il y aura toujours) des musiciens qui refuseront leur époque, ayant une admiration et une nostalgie pour les musiques faites dans le passé. Il faut rappeler que les années 1980 et 1990 voient disparaître un très grand nombre des grandes légendes du jazz. Si une certaine nostalgie explique le mouvement revival, qui n'est pas exempt d'académisme, celui-ci est aussi le signe d'un effort de légitimation incarné par Wynton Marsalis. Mais, ce qui est intéressant en jazz, c'est que le langage utilisé a beau être emprunté à un style ancien, ces musiciens qui choisissent de rester dans la « tradition » apportent quelque chose d'inédit puisque leurs improvisations sont personnelles et ne tombent pas dans la reproduction littérale. Citons les pianistes Benny Green (1963-....), Eric Reed (1970-....) ou Marcus Roberts (1963-....) comme des exemples de ce néo-classicisme essentiellement américain.

Entre modernité et tradition

D'autres pianistes naviguent entre modernité et tradition, comme cela a été évoqué plus avant avec Chick Corea (retour à la tradition modale avec son New Trio), Herbie Hancock (à la pointe de la dernière mode électro-jazz sur son disque Future 2 Future), mais aussi Joey Calderazzo (1965-....), voire Kenny Werner (1952-....), Richie Beirach (1947-....) ou Don Grolnick (1947-1996) qui opèrent des synthèses personnelles d'un grand nombre d'influences.

Assimilation et originalité individuelle

D'un autre côté, il y a des pianistes qui sont dans la continuation d'une esthétique plus jazz, qui reprennent des standards mais en cherchant à aller plus loin, ou plutôt dans une autre direction. C'est le cas de Brad Mehldau. Dans ses disques Art of Trio, on peut entendre l'importance mélodique qu'il donne à sa main gauche jouant souvent en contrepoint de la main droite. Il tente d'assimiler le langage romantique et moderne de la musique savante occidentale, en une véritable symbiose des langages. Citons également pour ce dernier point Uri Caine (1956-....). Chez ces deux pianistes, on observe une parfaite maîtrise des mesures impaires (5/8, 7/8, 11/8, etc.), rythmiques nouvelles dans le jazz, que tout jeune jazzman doit dorénavant dominer. Ce qui frappe à l'audition des plus récentes générations, c'est justement cette profonde connaissance des styles qui les ont précédés, et la façon dont ils intègrent des éléments de différents vocabulaires, simultanément ou non, dans leur manière. Pour nous en tenir aux seuls États-Unis, en voici quelques-uns.
Le jeu de Geri Allen (1965-2017) possède indéniablement une sensibilité féminine décelable par une constante douceur même dans les morceaux les plus free. Ayant assimilé ce style et après avoir été de l'aventure M'Base, et bien qu'elle soit capable d'une certaine orthodoxie, son originalité se manifeste par un « lyrisme ouvert ». Elle possède en effet une qualité mélodique intense malgré l'éclatement des intervalles et des rythmes. Kenny Kirkland (1955-1998) est sans doute l'héritier le plus manifeste de Herbie Hancock, avec Danilo Perez (1966-....), même si ce dernier possède une touche latino indéniable. Quant à Mulgrew Miller (1955-2013) on le situe dans la continuité de McCoy Tyner. Marc Copland (1948-....) développe une approche harmonique tout à fait personnelle par l'extension la plus lointaine possible de chaque accord. Bill Carrothers (1964-....) est l'un des rares pianistes de jazz à utiliser abondamment la pédale forte (celle qui permet la résonance) en l'intégrant même dans des phrases rapides aux nombreuses notes. Fred Hersch (1955-....) se situe dans la lignée de Brad Mehldau bien qu'il soit présent sur la scène jazz bien avant ce dernier. Geoff Keezer (1970-....) domine toute la largeur du piano dans tous les registres. Capable des plus puissantes explosions hard bop, il possède une belle sensibilité sur les ballades. On pourrait dire de lui qu'il est un orthodoxe évolutif inventant de nouvelles figures s'intégrant de façon naturelle bien que surprenante dans un contexte consacré. Kevin Hays (1968-....), avec une approche tout en retenue (avec une affection particulière pour les sixtes) conçoit également l'abord du piano de cette façon. Enfin, Jason Moran (1975-....) est un peu le James Carter du piano en ce sens qu'il est capable dans un même morceau de faire allusion au stride, à Monk et au free jazz.

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Le piano dans le jazz

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Le piano jazz en France

Chaque continent a apporté sa contribution au jazz. L'apparition de fortes personnalités amenant avec elles leur culture musicale a contribué à enrichir la sphère du jazz au départ seulement afro-américaine. Au fil du temps, il se découvre ainsi une dimension universelle de cette musique dans le sens où, aux quatre coins du monde, elle est parvenue à trouver un écho fécondant. Depuis ses origines, le jazz assimile en les fusionnant des musiques de divers horizons.

En premier lieu, la France a offert bon nombre d'excellents pianistes, surtout à partir du milieu des années 1940. On se souviendra de Henri Renaud (1925-2002), de Georges Arvanitas (1931-2005), de Michel Graillier (1946-2004), de Bernard Peiffer (1922-1976) et de René Urtreger (1934-....) de filiation bop ; de Philippe Baudouin (1941-....), Claude Bolling (1930-2020), le Guadeloupéen Alain Jean-Marie (1945-....), de Michel Legrand (1932-2019), de André Persiani (1927-2004), de Michel Sardaby (1935-2023) ou de Maurice Vander (1929-2017) plutôt mainstream ; de Raymond Fol (1928-1979) l'éclectique, ou de Jef Gilson (1926-2012) et de François Tusques (1938-....) les expérimentateurs marqués par le free jazz.

Parmi tous ces pianistes, le plus important est sans conteste Martial Solal (1927-2024). Premier Français à avoir été reconnu aux États-Unis comme apportant quelque chose d'original au jazz dont il a assimilé parfaitement la culture (furtives traces de stride, de phrasé be-bop, et une forte influence de Art Tatum), il a également une connaissance approfondie du répertoire classique (il aime souvent citer Chopin dans ses improvisations). Toutefois, il s'inspire de l'esprit, et n'emprunte jamais à la lettre. Chez lui, il n'y a pas de phrases toutes faites car il est toujours à la recherche de l'inédit dans ses improvisations. Ainsi aime-t-il les citations décalées, hors de propos, donnant un effet de collage, avec un humour parfois pince-sans-rire. S'il y a à la fois une grande liberté et une grande rigueur, il n'est jamais free, malgré de fréquentes brisures rythmiques. Enfin, compositeur de musique de film, il aime flirter aussi avec la musique écrite de tradition savante. Ce grand musicien n'est toujours pas pleinement reconnu dans son pays.

Les générations plus récentes de pianistes ne sont pas moins intéressantes. En premier lieu, à l'image des musiciens américains, ils ont acquis la culture des styles tout en cherchant (plus ou moins) à apporter quelque chose d'autre. Le plus connu est Michel Petrucciani (1962-2001) qui a une évidence mélodique très forte, mêlée à des clichés bop et bluesy, au sein de phrases improvisées qui semblent infinies. Doué d'une très grande vitalité, il a une science du placement rythmique très communicative. En même temps, ses voicings de main gauche sont issus de Bill Evans. C'est peut-être sur l'album From the Soul (1991) de Joe Lovano qu'il montre toute la subtilité et la diversité de son art.

Bojan Zulfikarpasic (1968-....) possède à la fois la culture américaine de l'efficacité musicale, mais aussi la culture européenne. Son phrasé issu de la musique populaire des Balkans est son apport le plus original. Dans les mesures impaires, il possède une grande puissance de conviction. Il a enfin intégré de façon très naturelle le jeu des doigts à l'intérieur du piano, directement sur les cordes avec ou sans recours au clavier (en frappant, grattant, frottant, etc.).

Il est impossible de citer tous les pianistes évoluant dans l'Hexagone, mais on ne peut oublier l'iconoclaste Bernard Lubat (1945-....) qui est aussi batteur, Hervé Sellin (1957-....) qui opère une très habile synthèse de ses nombreuses influences, Eddy Louiss (1941-2015) devenu un spécialiste de l'orgue, François Couturier (1950-....) plutôt avant-gardiste, Andy Emler (1958-....) et son jazz franchement humoristique sans être superficiel, Antoine Hervé (1959-....) qui a approfondi toutes les techniques pianistiques, tout comme Jean-Michel Pilc (1960-....) qui prolonge la voie ouverte par Martial Solal, Jacky Terrasson (1965-....) qui a été élevé musicalement aux États-Unis et s'inscrit dans cette tradition, Benoît Delbecq (1966-....) qui aime expérimenter la fusion du piano acoustique avec les nouveaux procédés électroniques, Baptiste Trotignon (1974-....) l'étoile montante du piano français (technique brillante, prise de risque sur les mesures impaires, beauté du son) ou, enfin, Laurent de Wilde (1960-....) qui, après avoir développé un jeu assez bop et modal, poursuit sa voie dans l'électro-jazz. Certains ne considèrent d'ailleurs pas ces mouvements récents comme du jazz, et proclament même la mort du jazz (sans swing, pas de jazz). La tendance électro se développe plutôt en Europe. Il s'agit de textures synthétiques avec des boucles rythmiques qui créent des climats éthérés. C'est une musique plus impressionniste qu'expressionniste

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Le piano dans le jazz

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Le piano jazz dans le monde

Par essence, le piano a peu de place dans l’électro-jazz, au profit du Rhodes par exemple. Mais le Suédois Esbjörn Svensson (1964-2008) tente tout de même de fusionner adroitement le piano acoustique avec des effets électroniques qui ne sont pas gratuits apportant une couleur planante, ou au contraire, très rock. Techniquement, le son du piano est repris par un micro relié à un ordinateur qui ajoute des effets, comme Benoît Delbecq dans une esthétique bien différente.

Avant ces tendances récentes, l’Europe à vu naître des pianistes de grande envergure comme Joachim Kühn (1944-....) qui possède une parfaite culture classique (du baroque à nos jours). Au sein d’une musique ouverte, il ne joue pas toujours free, mais retient de ce style des tournoiements de notes (caractéristiques de sa façon), avec une rigoureuse liberté rythmique. De là aussi lui vient un côté assez expressionniste.

De l’Angleterre, outre George Shearing émigré depuis 1947 aux États-Unis, les musiciens qui ont apporté leur pierre à l’édifice sont tout d’abord John Taylor (1942-2015). Trop mésestimé, peut-être parce qu’il est européen, il a pourtant l’envergure d’un Keith Jarrett avec son amour pour une certaine liberté surveillée. La technique de jeu sur les cordes se répandant peu à peu, cela ne devient pas du free chez lui. Au contraire même, il reste dans un cadre harmonico-rythmique défini (Handmade, 2002). Django Bates (1960-....) est le surdoué du piano anglais. Maître de tous les paramètres, il fait preuve aussi d’une invention débridée en réutilisant de nombreux styles musicaux (et pas seulement jazz) qu’il superpose. Il a retenu la leçon de Martial Solal avec une science harmonique et rythmique exceptionnelle dans une conception orchestrale du piano (c’est d’ailleurs aussi un grand compositeur et arrangeur). On peut nommer également Gordon Beck (1936-2011) ou Mike Westbrook (1936-....) ce dernier surtout connu comme chef d’orchestre, ainsi que le Suisse George Grüntz (1932-....).

L’Espagne nous offre un pianiste dans la lignée du bop en Tete Montoliu (1933-1997). Mais c’est surtout l’Italie, grand pays de tradition du « beau piano », qui offre des pianistes tels que Franco d’Andrea (1941-....), Stefano Bollani (1972-....) et surtout Enrico Pieranunzi (1949-....). Son toucher magnifique (il fut jusqu’en 1998 professeur de piano classique dans un conservatoire), sa grande science harmonique issue de Fauré, Mompou, Bill Evans, etc., s’associent à un lyrisme et à une beauté plastique dans ses improvisations. Il n’a que très peu pratiqué le free. Quand il explore ce domaine, il s’agit plutôt d’une sorte de composition spontanée (Foglie, 1999). Souvent dans les rythmiques binaires, la main gauche accompagne de façon complémentaire dans les silences de la main droite (Lighea, 1990). Connaissant parfaitement tous les styles jazzistiques, il est l'un des rares à proposer une musique qui se trouve à la jonction d’un certain romantisme (à la Schumann par exemple) tout en étant du jazz (Con infinite voci, 1999).
Des pianistes de tous les autres continents se produisent de nos jours à travers le monde. Abdullah Ibrahim (1934, né Dollar Brand) d’Afrique du Sud a tenu le piano dans l’orchestre de Duke Ellington, à la demande de celui-ci sans doute à cause de sa science harmonique peu orthodoxe. Par la suite, il mêle ses racines africaines à la culture jazz américaine. Il a un son ample et beau, un toucher subtil à la fois doux et intense, au fond du clavier. Mélodiquement, il aime rester autour de la mélodie de départ, et la transposer, la répéter indéfiniment, la modelant peu à peu. En Asie, le Japonais Masabumi Kikuchi (1939-2015) s’est dévoilé dans le big band de Gil Evans puis dans Tethered Moon avec Paul Motian. Il accorde une grande place aux silences à l’écoute de la résonance. La mélodie est l’important, elle est mise en avant, peut-être en parallèle avec le haïku, c’est-à-dire exprimer beaucoup en peu de notes. Sa conception du temps est donc étale. Mais il y a tout de même des racines blues qui le rattachent au jazz, et il n’oublie pas non plus le free. L’Océanie, avec Mike Nock (1940-....) par exemple, a également contribué au piano jazz.

Enfin, l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud sont depuis longtemps en contact avec le jazz, de part leurs liens avec l’Amérique du Nord des origines. Il suffit de penser à Antonio Carlos Jobim (1927-1994) qui contribua au développement d’un aspect du jazz avec l’apport de la bossa nova en combinant spirituellement les harmonies du romantisme européen (surtout Chopin) et les rythmes binaires lents du Brésil. Son compatriote, Egberto Gismonti (1947-....) propose une musique festive tout en conservant une attitude sérieuse du compositeur dans la maîtrise des changements de climats. Son indépendance superpose deux lignes rythmiques, une pour chaque main. Avec un toucher très percussif, il a parfois une certaine exubérance qui peut amoindrir la force de construction de ses improvisations. C’est aussi un très grand guitariste. Cuba et l’Amérique du Sud ont contribué aussi à l’implantation dans le domaine du jazz de la musique latino, avec l’Argentin Lalo Schifrin (1932-....), le Dominicain Michel Camilo (1954-....), les Cubains Chucho Valdès (1941-....) et, surtout, Gonzalo Rubalcaba (1963-....) à la technique étourdissante. Encore un pianiste qui maîtrise absolument tous les registres du piano dont la technique digitale en fait un virtuose à l’égalité parfaite des deux mains sans faiblesse. Il possède une sonorité qu’il sait doser du toucher le plus puissant et percussif, au plus infimes pianissimos. Ses harmonies, modernes et raffinées, soutiennent son penchant mélodique, qui se dévoile surtout dans les morceaux lents. Cependant, au-dessus des feux d’artifices techniques, il plane souvent une mélodie que l’on peut suivre. Rythmiquement, de par sa culture cubaine, il joue très souvent « à l’envers » sur de longs décalages sachant toujours parfaitement où il se trouve. Il représente actuellement l’un des plus importants pianistes de la planète, preuve évidente que l’évolution du jazz ne se concentre plus uniquement dans sa sphère géographique d’origine.

Auteur : Ludovic Florin Sur : https://pad.philharmoniedeparis.fr/0798688-histoire-jazz-piano-approche.aspx?_lg=fr-FR

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