Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Publié par J.L.D.

Claude Debussy

Compositeur français (Saint-Germain-en-Laye, 1862 - Paris, 1918)

​​​​​​​Sur : https://www.radiofrance.fr/personnes/claude-debussy

Claude Debussy est un compositeur français à cheval entre le XIXème siècle et le XXe. Musicien libre et anticonformiste, Debussy a souvent été caractérisé d’impressionniste musical, étiquette qu’il n’a jamais acceptée. Sa musique accorde une place de choix à la couleur et aux timbres instrumentaux.
Debussy commence sa formation musicale au Conservatoire de Paris où il y suit les cours de composition d'Ernest Guiraud et un temps la classe d'orgue de César Franck. L’élève révèle déjà une personnalité compliquée et insaisissable. En 1884, Debussy remporte le premier Prix de Rome mais son séjour à la Villa Médicis sera le point de rupture avec l’académisme. Supportant mal son exil, le musicien démissionne au bout de deux ans et rentre à Paris où il mènera la vie de bohème.
Admirateur de Mallarmé et habitué de ses salons, Debussy est fasciné par le symbolisme. Il s’inspire de ce mouvement dans sa musique, notamment Prélude à l’après-midi d’un faune à partir d’un poème de Mallarmé. Le compositeur fait preuve d’une audace musicale qui aura du mal à être appréciée, exemple avec son opéra Pelléas et Mélisande qui fut au début très critiqué avant d’être célébré et joué dans le monde entier.
Artiste aux inspirations éclectiques, il est notamment séduit par les musiques d’extrême-orient : gamme pentatonique, gamme par tons entiers**, créant ainsi un univers musical unique, insaisissable.**
De nombreux grands compositeurs du XXe siècle se sont réclamés de l’héritage de Debussy comme Pierre Boulez et Henri Dutilleux.

L’œuvre de Debussy en 6 dates

  • 1893 : Quatuor à cordes en sol mineur
  • 1894 : Prélude à l’après-midi d’un faune, inspiré du poème Faune de Mallarmé
  • 1902 : Pelléas et Mélisande, sur un livret de Maurice Maeterlinck
  • 1905 : La Mer
  • 1912 : Préludes

La vie de Debussy en 5 dates

  • 1870 : Claude Debussy prend ses premières leçons de musique, réfugié dans le Sud chez sa tante pendant la guerre.
  • 1884 : Il obtient le premier prix de Rome avec sa cantate L’Enfant prodigue
  • 1884-1892 : Debussy mène la vie de bohème à Paris avec sa compagne « Gaby aux yeux verts ».
  • Fin 1890 : Il fait la rencontre de Mallarmé et Satie
  • 1899 : Il se marie avec Lucie Texier
  • 1903 : Il débute une relation avec Emma Bardac qui fait scandale, il finit ses jours avec elle.

​​​​​​​​​​​​​​Sur : https://www.radiofrance.fr/personnes/claude-debussy

DEBUSSY Claude
(1862-1918)
20ème siècle

Par Olivier Bellamy
Publié le 22/12/2018 à 00:00 | Modifié le 05/08/2022  sur :

https://www.radioclassique.fr/compositeurs/claude-debussy/biographie/#

Français par son raffinement, l’art de Debussy est aussi voluptueux que le philtre wagnérien sans que rien « ne pèse ni ne pose » (Verlaine) et possède un mystère qui « fixe des vertiges » (Rimbaud). Aucune musique ne semble aussi libre, affranchie des règles de l’harmonie académique et proche des phénomènes de la nature.

Claude Debussy en 10 dates :

  • 1862 : Naissance le 22 août à Saint-Germain-en-Laye
  • 1872 : Entrée au Conservatoire de Paris
  • 1884 : Grand Prix de Rome
  • 1894 : Première audition de Prélude à l’après-midi d’un faune
  • 1902 : Première de Pelléas et Mélisande à l’Opéra-Comique
  • 1908 : Première de La Mer aux Concerts Colonne
  • 1910 : Création de quatre Préludes (1er Livre) par Debussy
  • 1913 : Création de trois Préludes (2e Livre) par Riccardo Viñes
  • 1917 : Création de la Sonate pour violon et piano à la salle Gaveau
  • 1918 : Mort le 25 mars.

Claude Debussy

« Un révolutionnaire discret »

​​​​​​​Extrait sur : https://www.symphozik.info/achille_claude+debussy,49.html

Un compositeur d’avant-garde

On peine à réaliser aujourd’hui à quel point Claude Debussy (1862-1918) a renouvelé le langage musical de son temps. Il faut pourtant se rappeler qu’au moment où il achève Pelléas et Mélisande (1902 ) et La Mer (1905), Giacomo Puccini (1858-1924) présente Madame Butterfly (1904), Gustav Mahler (1860-1911) sa Symphonie n° 7 (1905) Richard Strauss (1864-1949) son opéra Salomé (1905 ), et Jean Julius Christian Sibelius (1865-1957) sa Symphonie n° 3 (1906 )  Le charme et l’élégance des œuvres de Debussy ne doivent pas nous faire oublier l’audace d’un langage rigoureux, subtil et très en avance sur son temps.

En 1890 (il a 28 ans) toutes les influences que Debussy a reçues se fondent en un style très personnel. Sa Suite bergamasque pour piano remporte un franc succès dû probablement à la 3ème pièce « Clair de lune » qui sera par la suite souvent utilisée au cinéma. Puis c’est le Prélude à l’après-midi d’un faune (1892-94) qui, d’abord mal accueilli car mal exécuté, deviendra vite un succès dans toute l’Europe.

Il s’attelle dès 1894 à son unique opéra complet : Pelléas et Mélisande, au livret rédigé par Maeterlinck à partir de sa pièce du même nom, et dont l’univers symboliste a également inspiré Gabriel Fauré, Sibelius et Arnold Schönberg. Œuvre longuement méditée, Debussy mettra 10 ans pour la composer. La première aura lieu en 1902 à l’Opéra-Comique de Paris. Au cours des répétitions, les difficultés s’accumulent : polémique avec Maeterlinck qui veut imposer sa maîtresse pour chanter Mélisande (il faillit même provoquer Debussy en duel), sabotage des partitions rendant impossible la différenciation des # et des b, pamphlet contre l’ouvrage rebaptisé Pédéraste et Médisante.... C’est d’abord un échec désastreux car la musique singulière et le rythme extrêmement lent de l’opéra déconcertent le public et une partie de la critique. Témoins, ces réflexions de Richard Strauss après le 1er acte : « Est-ce toujours comme cela ?... il n’y a rien... pas de musique... cela ne tient pas... c’est trop humble... il n’y a pas assez de musique pour moi, ici... » Néanmoins, l’œuvre s’installe peu à peu dans le paysage musical. Elle sera jouée plus de 100 fois dans les 10 années qui suivent, en France et à l’étranger ! 

Même s’il refusait ce titre, Claude Debussy est toujours considéré comme le père de l’impressionnisme musical français. Les évocations de la nature sont multiples dans son œuvre (par exemple : les triptyques La mer, Nuages ...). L’écriture dans ces pages a ceci de particulier qu’elle fait ressentir à l’auditeur l’impression de contempler le paysage décrit (d’où le qualificatif d’"impressionniste"). On croirait par exemple entendre le bruissement du vent et le ressac dans la mer, tous ces effets étant rendus par une prodigieuse et novatrice utilisation du timbre des instruments.

Ses premières compositions viennent rompre avec le romantisme du XIXème siècle. Le Prélude à l’après-midi d’un faune (1892-1894 : analyse dans Symphozik) est quasi-contemporain des dernières symphonies de Johannes Brahms. Or, on peut aisément mesurer le gouffre qui sépare ces deux esthétiques. Cette pièce pour orchestre est parfois considérée comme le début de la musique moderne. Debussy poursuivra dans cette voie avec son Quatuor à cordes au second mouvement si déroutant (écouter) qui sera prémonitoire de l’évolution du quatuor au XXème siècle.

Debussy sera aussi le premier à rompre avec l’harmonie classique (les règles des quintes et octaves parallèles interdites) dans des pièces comme la Cathédrale Engloutie (1910 : écouter ; voir une analyse en ligne). Il reprend le système modal qu’avait réintroduit Fauré à la fin du XIXème siècle mais s’éloigne encore du système tonal en pensant la musique sur autre chose que des accords parfaits. Si Mahler poursuit la tradition de la musique symphonique allemande, Debussy, lui, prendra une voie différente. Pourtant contemporains, les deux hommes vont développer des conceptions musicales totalement opposées. Debussy ne manquera d’ailleurs pas (comme on l’a vu) de marquer son peu d’estime pour la musique de Mahler. Pourtant, chacun d’eux sera à l’origine de grandes révolutions dans la musique du XXe siècle.

Ce qu’il écrit à propos des 7 Enfantines de Moussorgski (1872 : écouter la première) définit parfaitement son propre style : « Cela se tient et se compose par petites touches successives, reliées par un lien mystérieux et par un don de lumineuse clairvoyance. » Ce style, il l’approfondira d’œuvre en œuvre, depuis les Nocturnes (1899) jusqu’à Jeux (1913) en passant par La Mer (1905) et les Images pour orchestre (1905-1912).

Debussy est si original en son temps qu’il n’a aucun continuateur immédiat (Maurice Ravel suivra une voie plus traditionnelle). Certains ont pu en conclure qu’il menait à une impasse. En fait, il affronte plus qu’aucun autre la liberté absolue du créateur fixant lui-même les règles de l’œuvre qu’il invente. En cela, il appartient indéniablement à ce XXe siècle qui commence avec lui plus qu’avec Wagner, dont le Tristan et Isolde était selon ses propres mots « un magnifique crépuscule que l’on a pris pour une aurore ».

Mais il faudra sauter la génération du Groupe des Six (donc attendre une cinquantaine d’années), pour que de nombreuses figures de la musique du XXe siècle comme Olivier Messiaen, Dutilleux, Boulez ou Takemitsu (écouter le début de November Steps) reconnaissent tout ce qu’ils doivent à Debussy. Ne l’avait-il pas pressenti quand il écrivait :« J’écris des choses qui ne seront comprises que par les petits-enfants du XXe siècle. »

Ressources liées pour Achille Claude Debussy
  • Dossiers Debussy et Bergson : musique et philosophie – Debussy et la Flûte
  • Sélection de chefs-d’œuvre 24 préludes pour piano — Arabesque n°1 — Prélude à l’après midi d’un faune
  • Sélection d’œuvres à découvrir Children’s Corner — Fantaisie pour piano et orchestre — Images pour orchestre — Pélléas et Mélisande
  • Références Monsieur Croche antidilettante — Rechercher sur Youtube — catalogue des œuvres de Debussy — diplomatie.gouv.fr — musicologie.org

Extrait sur : https://www.symphozik.info/achille_claude+debussy,49.html

LA MUSIQUE CONTEMPORAINE : QUELQUES GRANDS COURANTS

Auteur : Clément Lebrun Sur :

https://pad.philharmoniedeparis.fr/contexte-la-musique-contemporaine-quelques-grands-courants.aspx

Anton Webern © Österreichische Nationalbibliothek Anton von Webern, dessin de Hildegard Jone. Österreichische Nationalbibliothek

MUSIQUE SÉRIELLE - MUSIQUE SÉRIELLE INTÉGRALE

La musique sérielle(1) dodécaphonique, théorisée par Arnold Schönberg (1874-1951) et sublimée par son élève Anton Webern (1883-1945), ouvre les voies de la composition musicale en ce début de XXe siècle : le compositeur peut s’échapper du carcan de la tonalité pour écrire une musique où tous les sons ont une valeur et un poids équivalents. Le mot « atonalité » pour décrire cette musique émerge pour signifier la négation d’un système que plusieurs musiciens modernes tentent de délaisser. Utilisant les douze sons qui constituent la gamme chromatique, ordonnés au préalable sous forme de série déterminée, le compositeur se doit de respecter cette série tout en la distribuant aux différents instruments, dans un sens ou dans l’autre, en miroir ou renversée. L’extrême brièveté de certaines œuvres d’Anton Webern, sorte d’aphorismes musicaux, est le résultat de cette série poussée à son paroxysme. Découverte tardivement dans le reste de l’Europe, la musique de Webern marquera durablement la génération des compositeurs nés autour de 1925. Sous l’impulsion de Mode de valeurs et d’intensités pour piano (1949) d’Olivier Messiaen, le principe de la série est généralisé à tous les paramètres du son : aux nuances, aux rythmes, aux espaces, aux timbres, aux attaques, etc. Ce sérialisme intégral est caractéristique des œuvres des années 1950, lorsque la jeune génération de compositeurs, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, proclamait radicalement un acte de table rase vis-à-vis des œuvres et langages du passé. Anton Webern devenait alors pour eux le « Bach du XXe siècle ».

(1)La musique sérielle, comme la musique dodécaphonique éconduit la mélodie des lois harmoniques d'attirance vers une autre note ou un accord. L'utilisation importantes d'intervalles récurrents (telles les quartes) proposent à l'auditeur une couleur sonore, souvent en tension et rarement en repos.

La musique sérielle n'apparaît réellement qu'avec la Klavierstück V de Schönberg en 1923 et n'utilise qu'une seule et unique suite de 12 sons (appelée série). Quand la série d'intervalles est définie, elle peut être exploitée dans sa forme originelle (forme droite), à l'envers, en partant de la fin (forme rétrograde), en renversement (les intervalles sont reproduit en mouvement contraire, l'intervalle descendant devient ascendant et vice versa) et enfin, en récurrence du renversement (miroir du rétrograde). Chaque série d'intervalle est transposable dans les 12 degrés de la gamme chromatique.

MUSIQUES EXPÉRIMENTALES

La notion de « musique expérimentale » recouvre de nombreux courants et styles musicaux : principalement anglo-saxonne lors de son émergence dans les années 1950, la musique expérimentale propose un contrepoids à la rigidité des musiques d’avant-garde que représentent la musique sérielle intégrale et ses résultantes, portées par les cours d’été à l’académie de Darmstadt. C’est d’ailleurs lors d’une de ces académies en 1958 que John Cage, véritable penseur et initiateur des musiques expérimentales, exposera ses idées révolutionnaires à la jeune génération de 1925. Se posera alors rapidement le problème de la notation traditionnelle de la musique, à la fois trop précise et déterminée, mais en même temps cloisonnée et limitée. D’où l’émergence rapide de partitions graphiques à la croisée entre transcription du geste instrumental et du concept sonore, plus libre en interprétation que la notation traditionnelle. Par ailleurs, les musiques expérimentales ne préconisent aucune obligation ou interdiction : un compositeur peut tout aussi bien revenir à un langage tonal ou modal comme totalement indéterminé et laissé au bon vouloir de l’interprète.

Partition graphique de Thema de Berio © Landesarchiv Baden-Württemberg Partition graphique de Thema de Berio. Landesarchiv Baden-Württemberg

ŒUVRE OUVERTE

Apparaissant quasiment au même moment aux États-Unis et en Europe, mais dans deux langages différents de la création des années 1950, l’œuvre ouverte est une nouvelle conception du rapport entre compositeur et interprète. Autant Pierre Boulez dans la Sonate n° 3 (1957) que John Cage dans le Concerto pour piano (1958) proposent aux interprètes de faire des choix : un choix de parcours de l’œuvre selon des chemins séparés mais notés sur la partition, un choix d’instrumentation, de matériau, de durée, etc. L’auteur offre à l’interprète une œuvre à achever, comme l’écrira Umberto Eco dans son livre L’Œuvre ouverte, qui résumera parfaitement l’ouverture de tous les possibles dans la deuxième moitié du XXe siècle.

MUSIQUE INDÉTERMINÉE - MUSIQUE ALÉATOIRE

Marcel Duchamp (1887-1968), artiste dada et père spirituel de l’art conceptuel aux États-Unis, propose dès 1913 dans Erratum Musical un concept basé sur l’aléatoire : un chapeau contenant 25 cartes représentant chacune une note chantée, trois interprètes tirent au sort les cartes et chantent les notes de manière monocorde et régulière.

John Cage, influencé par la philosophie chinoise du I Ching, prône la part indéterminée de la création musicale. Le hasard sera alors une nouvelle composante d’une composition : choisir des hauteurs de son avec un jet de dés, couper et déchirer des partitions puis les jeter dans le désordre avant de les interpréter, piocher des sons dans des réservoirs de notes laissés à la disposition de l’interprète ou dans un annuaire téléphonique, etc.

Michael Nyman, compositeur anglais et auteur de l’ouvrage Experimental music, identifie 4’33’’ de John Cage comme l’une des pièces fondatrices des musiques expérimentales. Cette œuvre porte le nom de la durée de sa première exécution par le compositeur et pianiste David Tudor en 1952 : 4 minutes et 33 secondes de silence, ou plutôt de musique aléatoire due aux réactions du public face à un musicien qui n’émet aucun son.

MINIMALISME - MUSIQUE RÉPÉTITIVE

Né avec les premières œuvres et performances de La Monte Young à partir de 1958, le courant minimaliste, souvent appelé de manière réductrice « répétitif », se développe considérablement aux États-Unis sous la plume de compositeurs à la croisée des styles et des générations : Steve Reich (né en 1936) ou encore Philip Glass (né en 1937), à la suite de la création en 1964 de In C de Terry Riley (né en 1935), élaborent des œuvres où les variations rythmiques infimes et en apparence infinies et répétitives de motifs courts et simples créent des sensations nouvelles, liées à la fois à la transe et à l’expérimentation rythmique.

LE SYNCRÉTISME DE LA FIN DU XXe SIÈCLE ET DU DÉBUT DU XXIe SIÈCLE

À la suite de tous ces courants proposés par la musique contemporaine, les compositeurs des générations suivantes (nés à partir de 1950) choisissent de se glisser dans le sillage de ces nouveaux langages, ou au contraire de créer leur propre langage à la croisée de tous les autres. Aujourd’hui, de nombreux compositeurs piochent et sélectionnent dans tous les courants et styles du passé comme du présent pour écrire une musique personnelle qui se réinvente à chaque fois, remettant en question la notion d’héritage musical. Ainsi entend-on aussi bien des variations sur une basse obstinée empruntées au Didon et Enée de Henry Purcell que des improvisations bruitistes et rageuses proche des musiques hard rock et jazz. L’époque de la tabula rasa des années 1950 en Europe est terminée : aujourd’hui, chaque compositeur regarde et emprunte dans tout ce qui fait sa culture musicale et artistique, à la fois respectueux et critique, réunissant des langages au départ pensés comme opposés mais qui semblent finalement complémentaires. Le compositeur est un exemple de syncrétisme musical, à la croisée des styles, dans une démarche totalement décomplexée.

THÉÂTRE INSTRUMENTAL - THÉÂTRE MUSICAL

La notion de « théâtre instrumental » émerge avec la prise en considération de plus en plus grande des implications visuelles et gestuelles de l’instrument et de l’instrumentiste dans leur relation à l’espace. En ce sens, toutes les Sequenze de Berio ont une part de théâtre instrumental, parce qu’une Sequenza ne peut pas exister sans l’engagement physique et l’adhésion de son interprète. Ces œuvres poussent les limites du rapport du musicien avec son instrument, la partition devenant alors comme un scénario. Mauricio Kagel voit très tôt le potentiel dramatique du jeu musical et instrumental. Tout peut devenir théâtre, à condition de trouver les interprètes capables de jouer ces pièces aux multiples dimensions artistiques.

De son côté, le théâtre musical, apparu dans les années 1960, est une manière de repenser l’opéra. C’est un spectacle où 

toutes les composantes (voix, instruments, mise en scène, décor, costumes...) sont étroitement imbriquées entre elles. La représentation n’obéit plus au texte mais dépend de la partition, et les chanteurs, tout comme les instrumentistes avec qui ils partagent la scène, doivent également être acteurs. Ce nouveau courant est réellement amorcé au festival d’Avignon en 1969, avec Orden de Girolamo Arrigo, puis sera illustré par de nombreux autres compositeurs comme Georges Aperghis.

Auteur : Clément Lebrun Sur :

https://pad.philharmoniedeparis.fr/contexte-la-musique-contemporaine-quelques-grands-courants.aspx

HISTOIRE DE LA MUSIQUE CONTEMPORAINE

Jean Henri Huber, Musique Contemporaine.Info, 2005-2024 sur : https://www.musiquecontemporaine.info/debut-histoire.php

L'histoire de la Musique Contemporaine commence au moment de la Deuxième Guerre Mondiale, dans un environnement de destruction - reconstruction.

Toute l'Europe est à reconstruire et ce n'est pas une surprise de constater que la Musique contemporaine…

  • éclot à la fois en France, Belgique, Allemagne et Italie, les pays qui ont connu les atrocités de l'intérieur,
  • doit se démarquer très tôt d'un environnement ultra-conservateur (rappelez-vous, la mode a été symbolisée, peu de temps après la Guerre, par la question «Aimez-vous Brahms»? et, peu de temps avant la Guerre, par la rupture avec la tradition, voulue par la génération des jeunes compositeurs, dont Messiaen et Jolivet, sous le label «Jeune France»),
  • reconnaît ses parents et parrains avant la période précédente du néoclassicisme et des folies frivoles du Bœuf sur le Toit : le dernier Richard Wagner (1813-1883) pour Tristan et Parsifal, dans le chromatisme le plus hardi, Claude Debussy (1862-1918) pour la richesse colorée des timbres et sa conception neuve du temps et de l'espace, Belà Bartók (1881-1945) pour son approche nouvelle des masses orchestrales, le premier Igor Stravinsky (le "Sacre du Printemps" : 1913) pour sa percussion et la généralisation des pulsions contrôlées, le second Arnold Schoenberg (du "Pierrot Lunaire" : 1914, du dodécaphonisme  : 1924) et ses acolytes Anton Webern et Alban Berg, et surtout le trublion avant-gardiste Edgard Varèse (le son, et non plus la note, comme fondement de la musique) et l'autodidacte expérimentateur-tous-azimuts Charles Ives (collage, désorganisation des structures, spatialisation, passés inaperçus jusqu'aux années 40).

En pratique, le point de départ de la Musique Contemporaine correspond pour certains à la page tournée après les dernières compositions de Bartók et de Schoenberg (souvent inachevées), pour d'autres au premier Boulez et à la Musique sérielle.

En fait, avec le recul du temps, et la prolifération de la diversité dans la Musique d'aujourd'hui -et tous les arts en général-, le véritable point de départ semble bien la deuxième guerre mondiale, avec sa déstructuration (notamment dans les camps et dans les villes Européennes dévastées) et l'élan de reconstruction sur des bases nouvelles("tabula rasa", dixit Stockhausen) qui a suivi l'instauration de la paix, soit entre 1941 et 1945.

Toutes les musiques contemporaines sont acceptées ici, depuis la Musique Sérielle ou Concrète jusqu'au Post-modernisme (qui, en fait, est une réaction conservatrice!), en passant par l'Électroacoustique, la Musique Répétitive (ou Minimaliste), la Musique Aléatoire (l'œuvre ouverte), la Musique Spectrale, les Quarts ou les Tiers de tons, les Collages, la Musique Néotonale, la Tradition, la Nouvelle Simplicité et son contraire la Nouvelle Complexité -les courants ne manquent pas-, soit vraiment toutes les musiques pourvu qu'elles soient écrites, c'est-à- dire pensées, et pas complètement improvisées (comme le Free Jazz).

VOICI LES DATES MARQUANTES DES PRÉMICES :

  • 1893    "Vexations" d'Érik Satie (1866-1925), prémices de la Musique Répétitive : un thème géométrique et 2 variations, d'une durée d'un peu plus d'1mn30 qu'il faut jouer 840 fois (soit une durée totale de 24 heures), jamais jouées de son vivant, mais célébrées par John Cage dans les années 1960, lors de concerts marathons
  • 1906    Symphonie de Chambre opus 9, de Schoenberg (1874-1951) : la première œuvre fondée sur des séries de quartes ascendantes qui marque l'affaiblissement tonal
  • Thaddeus Cahill (1867-1934) invente le premier instrument électronique, baptisé Telharmonium
  • 1907    "Clairs de Lune" d'Abel Decaux (1869-1943), un compositeur organiste Français quasiment oublié, développe l'atonalité dans ses pièces pour piano (visionnaires et «non-Debussystes», comme sa "Mer", composées entre 1900 et 1907)
  • 1908    Début de la Révolution de la Seconde École de Vienne : les premières œuvres de Berg et Webern et le virage de Schoenberg (abandon de la tonalité, abandon des thèmes de la Musique Classique, et par là, du développement et du «da capo», nouvelle distribution des timbres, emploi de petites formes sans articulations, les fondements de la musique d'après 1945 avec la série)
  • "Quatuor n°2" de Schoenberg : première oeuvre officiellement atonale (suivie en 1909, des "Trois Pièces" pour piano, totalement atonales)
  • 1909    "Prométhée" de Scriabine (1872-1915) : extension de l'opéra à l'œuvre d'art total (Gesamtkunstwerk), dépassant la rhétorique de Wagner (ou de Rameau, avec la danse) ; ici, et encore plus dans "Mystère" (1911), inachevé, des jeux de lumières sont ajoutés, ainsi que des sensations olfactives, tactiles, et la participation du public
  • 1910    "Adagio de la 10ème Symphonie" (inachevée) de Gustav Mahler (1860-1911) : généralisation de la polytonalité, à côté des petites cellules rythmiques indépendantes qui marquent déjà la 9ème Symphonie
  • 1912    "Pierrot lunaire" de Schoenberg : première du «Sprechgesang» (parlé-chanté) qui fera bien des émules dans la Musique Contemporaine, créé le 16 Octobre à Berlin
  • "The Tides of Manaunaun", "Advertisement" et "Tiger" de Henry Cowell (1897-1965) : les premiers clusters au piano (avec le poing, la paume ou l'avant-bras)
  • 1913    "Jeux" de Claude Debussy (1862-1917) : une œuvre prophétique par son orchestration éparpillée, fragmentée, par son asymétrie, par sa couleur grise, par sa déstructuration envers tout plan pré-établi
  • "Altenberg Lieder" opus 4 d'Alban Berg (1885-1935) : lieder pour orchestre… un tel scandale que la police est obligée d'intervenir !
  • "Le Sacre du Printemps" d'Igor Stravinsky (1882-1971) : nouvelle conception du rythme et de la répétition (notamment émergence de l'unité rythmique inégale) dans la musique (et re-scandale)
  • 1914    "Risveglio di una città" (Réveil d'une ville), "Si pranza sulla terrazza del Kursaal" (On déjeune sur la terrasse du Kursaal) et "Convegno di automobili e aereoplani" (Congrès d'automobiles et d'avions) de Luigi Russolo (1885-1947) : le premier Grand Concert futuriste avec «intonarumori», des générateurs de son-bruit, sans instrument de musique (beaucoup développé dans la Musique Contemporaine
  • "Three Places in New England" de Charles Ives (1874-1954) : première citation («collage»)
  • "Le Bain de Mer", pièce issue de "Sports et Divertissements", prémices de la partition graphique (vagues de la mer)
  • 1916    Quatrième Symphonie de Charles Ives : polyphonie inextricable et orchestration démesurée
  • 1917    "Parade" d'Érik Satie : première introduction de bruits ambiants dans une partition musicale (roue de loterie foraine, coup de revolver, frappe à la machine à écrire et un «bouteillophone»)
  • 1919    "Concord Sonata" (sonate pour piano) de Charles Ives : publiée à compte d'auteur, faute d'éditeur intéressé (1939 : John Kirkpatrick la crée en concert à New-York), la Sonate est un vrai kaléidoscope musical et contient de nombreuses citations délibérées (collages)
  • "Pulcinella", ballet de Stravinsky (1882-1971) sur des thèmes de Pergolèse, une des premières oeuvres importantes du néoclassicisme, avec la Symphonie Classique de Prokofiev (1890-1953) : marquée par le retour en arrière et par une recherche d'équilibre, de sobriété et de clarté, ce style n'est pas sans rappeler la future démarche conservatrice de la Nouvelle Simplicité ou de l'école répétitive contemporaine
  • 1920    "Quatuor à corde n°2" : Haba découvre les premiers micro-intervalles de la musique occidentale
  • Radiodiffusion : première émission de radio, à Pittsburg (USA)
  • 1921    "Amériques" d'Edgard Varèse (1883-1965) : une révolution (sirènes et autres bruits d'usine, intégrés à l'orchestration) passée inaperçue, mais assimilée dès la fin des années 1930 par les compositeurs Français
  • Léon Thérémin fait une première démonstration au Kremlin, devant Lénine, du Theremin («Antenne Chantante»), l'un des premiers instruments électroniques, générateur de son, que Lev Sergeyevich Termen (1896-1993), étudiant physicien moscovite, a construit sur ses plans
  • 1922    "Wozzek" opus 7 d'Alban Berg : le premier opéra depuis le leitmotiv wagnérien où le traitement des voix est novateur (si l'on excepte le cas isolé de "Pelléas et Mélisande" de Debussy)
  • 1923    Pièces pour piano opus 23, de Schoenberg : la première œuvre dodécaphonique (première série de 12 sons dans la "Valse"), en même temps que la Suite opus 25 suivies par les Variations opus 31 pour orchestre (1928) et l'opéra inachevé Moïse et Aaron (1932)
  • "The Aeolian Harp" et "The Banshee" (1925, 3 minutes) de Henry Cowell (1897-1965) : le «piano à cordes», où les cordes sont pincées ou tirées à l'intérieur du piano (préfigurant le piano préparé de Cage)
  • 1924    "Quarter-tone pieces": Charles Ives compose en quarts de ton (1874-1954… en fait il a définitivement arrêté de composer avant 1930) 
  • 1926    Le Sphärophon de Jörg Mager (Berlin), premier des oscillateurs électroniques (avec 2 lampes triodes)
  • "Fonderie d'acier" (Eissengiesserei) d'Alexander Mossolov, prélude (symphonique) à la musique répétitive et mécanique
  • 1927    Oskar Schlemmer utilise des sons, enregistrés sur disques de cire, pour ses créations de théâtre expérimental du Bauhaus et son concept d'œuvre totale
  • 1928    Symphonie opus 21 d'Anton Webern : summum du dodécaphonisme pur et passeport pour le sérialisme Boulézien, en seulement 9 minutes de musique (en comptant les silences)
  • Conception des Ondes par Maurice Martenot (Paris, 1898-1980) et du Trautonium par Friedrich Trautwein (Berlin, 1888-1956), nouvel instrumentarium (Arthur Honegger compose pour Ondes Martenot et Paul Hindemith pour le Trautonium)
  • 1929    «Studiengesellschaft für elektroakustische Musik», toute première association de recherche dédiée à la musique électronique est créée à Darmstadt en Allemagne, suite au Sphärophon de Jörg Mager
  • 1930    Harry Partch construit son premier alto modifié («chordophone») dans sa démarche de micro-intervalles divisant l'octave en 43ème de ton (1 divisé par 43!)
  • 1931    "Ionisation" d'Edgard Varèse (1883-1965) : première œuvre occidentale pour percussion seulement, écrite pour 37 instruments, dont une sirène, une enclume, et un tambour à corde pour simuler le rugissement du lion
  • 1933    "Ecuatorial" d'Edgard Varèse : première œuvre à intégrer des sons produits par des appareils électroniques (2 Theremins)
  • 1935    "Lulu" d'Alban Berg (inachevé et utilisant la série de façon prémonitoirement libre, ou si l'on préfère, dévoyée par la transposition) : la particelle du dernier acte sera orchestrée par le compositeur Autrichien Friedrich Cerha, pour une création en 1979
  • "Mana" de Jolivet (1905-1974) : première composition fondée sur les rythmes irrationnels
  • Quatuor à cordes "Mosaïque" de Henry Cowell : une œuvre ouverte, avant John Cage
  • 1936    "Densité 21.5" d'Edgard Varèse : le bruit des clés de la flûte seule est exploité musicalement pour la première fois pour un instrument
  • 1937    Commercialisation du Magnetophon K1 par l'Allgemeine Elektrizitäts Gesellschaft (AEG), premier magnétophone avec enregistrement magnétique sur bande
  • 1938    "Bacchanale", première utilisation (non publiée, année controversée) du piano préparé par John Cage (1912-1992), en création privée le 28 Avril 1940, à la Cornish School de Seattle (USA) sur une chorégraphie de Syvilla Fort
  • 1939    quot;Imaginary landscape 1" de John Cage : avec plusieurs tourne-disques et haut-parleurs, cette œuvre est considérée comme la première utilisation musicale de sons fixés sur un support
  • 1942    "Ludus Tonalis" de Paul Hindemith (1895-1963) : dernière œuvre terminée, comme un "Clavier bien tempéré" moderne, tonal, mais dont la tonalité est déréglée par l'écart entre les vibrations des harmoniques de la partition et la tonalité normale de l'instrument
  • 1946    Trio à cordes opus 45 de Schoenberg, ultime œuvre, dans laquelle, en refermant la boucle, les 12 sons dodécaphoniques renouent avec la tonalité !
  •  

VOICI LES DATES MARQUANTES DE LA MUSIQUE CONTEMPORAINE :

  • 1946    Création des Rencontres de Darmstadt (et des ses cours d'Été)
  • 1947    "Schoenberg et son école" de René Leibowitz (livre-bilan du Dodécaphonisme et tremplin philosophique vers le futur)
  • 1948    "Deuxième sonate" pour piano de Pierre Boulez : icône de la nouvelle musique (athématique, atonale, sans variation, ni articulation, ni développement, ni polyphonie directe)
  • Premières réalisations «concrètes» par Pierre Schaeffer à Paris, dans le Studio d'Essai de la Radio RTF (concrètes, car issues de matériaux sonores pré-existants, opposées à abstraites, comme la musique pensée, imaginée, écrite, et générée par des instruments) : cinq Études de bruits ("Étude aux chemins de fer", "Étude aux tourniquets", "Étude violette", "Étude noire", "Étude pathétique"), le "Diapason Concertino", les "Variations sur une flûte mexicaine", la "Suite pour 14 instruments" et "l'Oiseau RAI" (1949), avec parfois des traitements de sons instrumentaux
  • "Sonates et Interludes" de John Cage, pour piano préparé (déjà dans "Duo" en 1942 pour voix et piano préparé, et "Amores" en 1943, constituée de 2 pièces pour trio de percussions et de 2 pièces pour piano préparé, mais sans exécution notoire) 
  • "Mode de valeurs et d'intensité", manifeste modal d'Olivier Messiaen, prélude au sérialisme (intégral)
  • 1949    "Philosophie der neue Musik" de Theodore Adorno : livre-fondement de la Musique Contemporaine (en Français, chez Gallimard, 1962)
  • 1950    "Symphonie pour un Homme seul", première «oeuvre concrète» co-composée par Pierre Schaeffer et Pierre Henry
  • Premières pièces conceptuelles de Musique électronique (Eimert, Cologne) et Music for Tape (Luening & Ussachevsky, Columbia, New York)
  • Renaissance du Festival de Donaueschingen de création musicale (cessation à la guerre, après une période faste, stimulée par Paul Hindemith: création en 1921, et transfert en 1926 à Baden Baden, puis en 1930, à Berlin)
  • 1951    "Polyphonie X" et "Structures" (pour 2 pianos, 1er livre) de Pierre Boulez, premières oeuvres (emblématiques et  abstraites) du sérialisme intégral (radical, encore appelé pointilliste)
  • "Music of Changes" pour piano (non préparé), de John Cage : première œuvre comportant de l'aléatoire dans son exécution (indéterminisme musical, avant l'œuvre ouverte), sauf si l'on tient compte des premières études-compositions ouvertes (1950-1951) de Morton Feldman
  • 1952    "4mn33" de John Cage (il s'agit d'une œuvre radicale de 4 minutes et 33 secondes de silence, qui peut aller jusqu'à la provocation dans «0'0"» de 1962, où l'interprète peut seulement avaler par gorgées un verre d'eau devant un micro cravate), mais l'impact de ce nihilisme (ou de cet indéterminisme ultime) est bien moindre en Europe (qui a connu le Mouvement Dada et le Surréalisme en peinture avant Guerre)
  • "Intersection I", de Morton Feldman et "December 52" de Earle Brown, premières partitions graphiques
  • Première rencontre de Boulez et Stockhausen à Paris : ce dernier compose "Kontra-Punkte", pour ensemble, la pièce la moins inaccessible du sérialisme radical
  • 1954    Création du Domaine Musical, séries de concerts à Paris consacrés à la Musique actuelle (et à la seconde École de Vienne), dirigé par Pierre Boulez (puis par Gilbert Amy, jusqu'à sa discontinuation en 1974)
  • "Déserts" de Varèse : la création est un chahut total, c'est la première œuvre associant l'orchestre avec des séquences d'éléments électroniques (ainsi définie comme électroacoustique)
  • "Studie I" et "Studie II" de Karlheinz Stockhausen : premières réalisations musicales «électroniques» à la Radio WDR de Cologne : ces oeuvres de quelques minutes représentent un travail gigantesque à l'époque : à partir de sons purs sinusoïdaux produits par oscilloscope et enregistrés séparément sur bande magnétique, les morceaux de bandes (sons individuels) sont découpés-collés dans un ordre de composition (lesquels collages peuvent aussi être enregistrés sur bande et découpés-collés à nouveau) pour créer une bande qui se déroule très rapidement (73 cm par seconde) faite de morceaux physiques mesurant quelquefois 1 cm (les sons résultant durent moins d'un 20ème de seconde, soit le seuil d'estompage)
  • "Metastaseis" de Iannis Xenakis : première utilisation des clusters à l'orchestre avec effet de masse (style dit «massique»)
  • 1956    "Sonate n°3" de Pierre Boulez et "Klavierstück XI" de Karlheinz Stockhausen : premières œuvres ouvertes dans le sillage de l'indétermination de John Cage
  • "Gesang der Jünglinge" de Karlheinz Stockhausen : première œuvre combinant à la fois les sons concrets et électroniques
  • 1957    "Illiac Suite" de Lejaren Hiller et Leonard M. Isaacson : première «composition» automatique à partir d'un programme d'ordinateur, pour quatuor à cordes 
  • 1958    "Gruppen" de Karlheinz Stockhausen : nouvelle spatialisation de l'orchestre (en fer à cheval, après un premier essai pour le matériel sonore dans l'œuvre électronique  "Gesang der Jünglingen" en 1956)
  • Création du GRM, Groupe de Recherche Musicale, à Paris, anciennement GRMC qui s'institutionnalise (absorbé par l'INA, en 1975)
  • 1959    "Apparitions" de György Ligeti : premier exemple de Musique micro-polyphonique
  • "Quatro Pezzi su una nota sola" de Scelsi : œuvre emblème des quarts de ton généralisés et du son continu, sculpté de l'intérieur, prélude à la Musique Spectrale
  • "Sur Scène" de Mauricio Kagel : première manifestation de théâtre instrumental, qui est la théâtralisation du geste inhérent à la pratique instrumentale (les instrumentistes jouent des situations théâtrales, en plus de leur instrument)
  • Luigi Nono s'engage dans une polémique contre le collage, décrit comme un anarchisme régressif, à Darmstadt : qualifié de colonialisme musical, il compare les matériaux sonores utilisés aux pierres exotiques insérées dans les murs de la basilique San Marco à Venise, trophées dérobés à d'autres cultures ancestrales
  • 1960    "Compositions #2 et #5" de La Monte Young : exploration de la «non-sense composition» (respectivement, crépitement d'un feu, lâcher de papillons, par les musiciens), dérivées du happening ou de la provocation à la John Cage
  • 1961    Première mise en évidence des paradoxes sonores et rythmiques par Jean-Claude Risset, avec "Mutation 1"
  • Création d'un ensemble spécifique d'instruments de la Musique Contemporaine : les Percussions de Strasbourg
  • 1964    "The Well-tuned Piano" de La Monte Young : premier exemple de Musique Minimaliste, par ses sons rares, prolongés (une œuvre fétiche, augmentée tout au long de la vie du compositeur, qui peut durer 5 heures, à la limite de l'improvisation) 
  • "In C" de Terry Riley : premier succès de la Musique Minimaliste, ou plus exactement de Musique répétitive, dérivée du concept minimaliste de Young
  • Premiers synthétiseurs analogiques (Moog, Buchla, Ketoff), avec imitation d'instruments et réalisation de paradoxes par synthèse (Bell Labs)
  • 1965    "Die Soldaten" de Bernd Alois Zimmermann : l'opéra total (avec plusieurs actions simultanées, images, films, etc.)
  • 1966    "Terretektohr" de Iannis Xenakis, première œuvre à être spatialisée dans la salle de concert, les 88 musiciens étant répartis parmi les auditeurs
  • 1967    Découverte, par John Chowning, du principe de la synthèse par modulation de fréquence (première étape vers le synthétiseur numérique DX7 de Yamaha, en 1983), suivi de la premère musique utilisant le procédé par Jean-Claude Risset
  • 1969    "Mutations I" de Jean-Claude Risset : première œuvre importante entièrement synthétisée par un ordinateur 
  • "Credo" de Radulescu : première œuvre développant une scordatura qui permet des intervalles de distances inégales (de plus en plus étroits vers l'aigu), inaugurant une technique spectrale (voisine, mais distincte du Spectralisme)  
  • Premier contact du Grand Public avec la Musique Contemporaine : le film de Stanley Kubrick «2001 : Odyssée de l'Espace» avec sa bande son qui reprend des extraits d'œuvres phares de Ligeti… "Requiem" (1961 : le Kyrie), "Lux Aeterna" (1965 : le Trip psychédélique), "Atmospheres" (1966) et "Aventures" ; Kubrick ré-itère dans «Shining»  avec "Lontano" et dans le superbe «Eyes Wide Shut», son dernier film, avec "Musica Ricercata"
  • Conception par Max Matthews de Music V, premier programme de synthèse d'une grande variété de sons
  • 1970    Conceptualisation officielle de l'IRCAM (Institut de Recherche et de Création Acoustique/Musique) par Pierre Boulez, à l'instigation de Georges et Claude Pompidou (inauguration officielle en 1977)
  • 1972    "Clapping Music" de Steve Reich, dérive de la Musique Minimaliste où 2 musiciens percussionnistes battent des mains
  • 1973    Fondation de l'Ensemble L'Itinéraire pour la Musique Spectrale, par Gérard Grisey, TRistan Murail, Michaël Levinas (en opposition, d'abord, au post-sériels, puis après les années 90, en les intégrant)
  • 1974    Premiers synthétiseurs numériques (Synclavier, Appleton & Alonso, Dartmouth)
  • 1975    "Partiels" de Gérard Grisey : point de départ de la Musique Spectrale
  • 1976    Création de l'Ensemble Inter-contemporain (EIC), par Pierre Boulez
  • 1978    Synthétiseurs informatiques 4A, 4B, 4C, 4X (Di Giugno, IRCAM ; Alles, Bell Labs)
  • 1979    Publication du livre «La Condition Post-Moderne» de Jean-François Lyotard qui met un nom sur le style d'une nouvelle Musique, opposée à l'Avant-garde, qui renoue fortement avec la tonalité, recherche une émotion simple et immédiate et s'est déclinée avec la Musique répétitive, néo-romantique, néo-tonale et avec la Nouvelle Simplicité
  • 1981    "Repons" de Pierre Boulez, œuvre phare pour ensemble et ordinateur 4X, en temps réel
  • "Zur neuen Einfachheit" [vers une nouvelle simplicité], manifeste de Manfred Trojan et Wolfgang Rihm (lequel s'en est écarté ensuite), pour une musique plus accessible, non sérielle et tonale
  • 1983    Finalisation du format MIDI (standardisation des échanges de données informatiques pour la composition musicale)
  • 1985    David Wessel développe en pionnier, au sein de l'IRCAM, des logiciels musicaux pour micro-ordinateurs (et d'autres suivent ailleurs) : Formes, Pla, Patchwork, Mosaic, Common Music)
  • 1988    Tod Machover initie les Hyperinstruments (modification électronique par amplification (etc.) des instruments traditionnels, sorte de scordatura moderne)
  • 1989    Généralisation des impressions de partitions par ordinateur chez Schott et Schirmer
  • Morphoscope, conçu et réalisé par Marcel Mesnage, logiciel de simulation compositionnelle, comme démarche d'analyse assistée par ordinateur
  • Réalisation de la Station d'Informatique Musicale dans le cadre de l'Ircam, basée sur l'ordinateur Next (qui remplace la 4X)
  • 1991    "Explosante-fixe", dans sa version finale, utilise une nouvelle fonction musicale : pour la première fois un «score-follower» ou suiveur de partition, informaticien-musicien, déclenche les évènements électroniques, en fonction de signaux précis émis par l'instrumentiste
  • 1994    Premières mises à dispositions en Freeware, sur Internet, de ressources sonores libres
  • 1999    Disparition de Paul Sacher, promoteur et mécène éminent de la Musique Contemporaine : né le 28 Avril 1906, il se marie avec Maja Hoffmann-Stehlin, la veuve d'Emanuel Hoffmann, le fils de l'industriel Bâlois Fritz Hoffmann-La Roche, propriétaire du groupe pharmaceutique aujourd'hui connu sous le nom de Roche, ce qui en faisait l'un des hommes les plus riches d'Europe, soit US$ 14.3 Milliards en 1997, peu après son dernier mandat comme administrateur de Roche ; il a dépensé FS 11 Millions pour acheter le Fonds Stravinsky et Boulez lui léguera la totalité de ses écrits ; depuis 1934, il a financé, commandité et souvent dirigé comme chef d'orchestre des créations de plus de 200 oeuvres comme celles de Béla Bartók (Divertimento, Musique pour Cordes, Percussion et Célesta), Arthur Honegger (2ème Symphonie), Bohuslav Martinù (Toccata), Igor Stravinsky (Concerto en ré), Paul Hindemith, Hans Werner Henze (Capricio), Elliott Carter, Klaus Huber, Benjamin Britten, Harrison Birtwistle, Luciano Berio (Les Mots), Henri Dutilleux (Strophes), Pierre Boulez (Messagesquisse), etc. 
  • 2002    Première pièce manifeste du style dit de la saturation : "Transmission" (basson et électronique) en 2002 par Franck Bedrossian

 Actualisation : 11 Janvier 2024

Jean Henri Huber, Musique Contemporaine.Info, 2005-2024 sur : https://www.musiquecontemporaine.info/debut-histoire.php

Musique Contemporaine

Sur :

https://www.musicmot.com/musique-contemporaine-definition.htm

Désigne les différents courants apparus après la fin de la Seconde Guerre mondiale et ayant en commun une remise en cause radicale des canons de la musique tonale établis depuis le 18e siècle.

Histoire
Parvenus aux confins du style de la musique romantique et de l’exploration harmonique, les compositeurs du 20e siècle ont essayé de se délier des systèmes classiques. Pour ce faire, ils ont tenté de purifier l’écoute de la musique de la relation tension/résolution propre à la plupart des compositions classique. Les compositeurs se sont alors employés à explorer les modes (Ravel, Debussy, Moussorgski…), l’espace harmonique (musique dodécaphonique) et à approfondir la relation son/rythme. Face à des instruments hérités des siècles passés, l’apparition des techniques électriques, électro-acoustiques puis informatiques leur a véritablement ouvert un monde insoupçonné jusqu’alors. 

La première moitié du 20e siècle représente à cet égard une époque clé où l’expérimentation par des techniques nouvelles a permis de s’affranchir du passé en créant une nouvelle forme de lutherie. C'est à partir des années cinquante, avec l'arrivée du magnétophone, que de nouvelles formes de composition directes sur le matériau sonore ont pu s'opérer. Edgard Varèse fut l'un des précurseurs dans ce domaine, en intégrant très tôt des instruments électroniques dans ses œuvres, puis en mêlant instruments et sons enregistrés.

Au cours des années 1950 et 1960, d'autres compositeurs comme Stockhausen, Luciano Berio, Pierre Boulez et György Ligeti essaieront également soit de créer des œuvres avec des sons électroniques, soit de mêler sons enregistrés et exécution instrumentale ; mais la technologie étant assez rudimentaire à l'époque, la plupart d'entre eux y renonceront temporairement. Ces techniques évoluèrent considérablement, en particulier avec l’apparition de l’informatique et des différentes méthodes de traitement et de synthèse sonore. Les représentants Français sont Pierre Henry et Pierre Schaeffer qui fondèrent le GRM (Groupe de Recherches Musicales) où ils tentèrent, avec l'aide du magnétophone, de mettre en œuvre une musique concrète. Cette musique sur bande, née des recherches sur la nature du sonore et du musical, est désignée comme "concrète" pour l'inversion du processus de composition qui la caractérise. Au lieu de partir de ces valeurs abstraites que sont les notes pour aller vers le concret d'un résultat sonore, cette musique prend pour départ des données sonores concrètes enregistrées, et les organise par montage vers cette abstraction qu'est la musique (montage de bande). Depuis l'arrivée de l'ordinateur personnel, le traitement électronique du son permet de créer de nouvelles formes d'instrumentation dans la musique, tant au niveau de la synthèse du son (fabrication) que de la forme, de la structure de la composition.

Sur :

https://www.musicmot.com/musique-contemporaine-definition.htm

musique contemporaine

Darius Milhaud

Darius Milhaud

Sur :

https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/musique_contemporaine/72257

LE MÉLANGE DES GÉNÉRATIONS

L'expression « musique contemporaine », qui renvoie, littéralement, à la musique savante créée du temps de l'auditeur, a acquis une acception particulière dans la seconde moitié du xxe s. Parfois confondue avec l'« avant-garde », elle n'en concerne pas moins tous les styles et toutes les formes esthétiques, un Xenakis, un Poulenc ou un Chostakovitch composant au même moment tout en suivant des directions souvent opposées, voire contradictoires. En effet, la situation de la musique savante au moment où prend fin la Seconde Guerre mondiale coïncide pour une part avec le passage d'une génération de musiciens à une autre : en consacrant la fin d'une époque, 1945 est aussi la date de la mort de Bartók et de Webern, un an avant celle de Manuel de Falla, alors que Schoenberg et Prokofiev en sont à leurs œuvres ultimes. Parallèlement aux compositeurs retirés de la vie musicale depuis longtemps, tels l'Américain Ives ou le Finlandais Sibelius, qui disparaissent respectivement en 1954 et 1957, les membres du groupe des Six, notamment Arthur Honegger (1892-1955), Darius Milhaud (1892-1974) et Francis Poulenc (1899-1963), poursuivent dans leur voie, alors que la jeune génération les ignore superbement. Ce croisement entre générations ne saurait être mieux illustré que par les Quatre Derniers Lieder avec lesquels Richard Strauss clôt son œuvre en 1948, au moment précis où Pierre Boulez (1925-2016) donne sa 2e Sonate pour piano. Toutefois, des grands créateurs qui ont marqué la première moitié du xxe s. reste surtout Igor Stravinski (1882-1971), qui traverse imperturbablement le siècle sans se soucier des modes et des esthétiques, passant, avec une aisance déconcertante, de l'attitude néomozartienne de son opéra The Rake's Progress (1951) à l'adoption, un peu plus tard, des techniques de la série dodécaphonique des compositeurs viennois.

RELATIVITÉ DE LA NOTION D'ÉCOLE

Face aux bouleversements politiques qui agitent le monde pendant la période de la guerre froide, l'art musical est tantôt contraint de se plier aux impératifs des pouvoirs totalitaires, tantôt amené à fonctionner en autarcie en restant indifférent aux remous provoqués par les différents mouvements esthétiques qui luttent pour imposer leur conception. Alors qu'Igor Stravinski, Béla Bartók (1881-1945) et les compositeurs viennois – à l'exception d'Anton von Webern (1883-1945) – ont travaillé à élargir et à enrichir le contexte tonal hérité du passé, l'action de ces mouvements a principalement porté sur le système harmonique, les éléments morphologiques, au premier plan desquels les formes musicales et la dimension thématique constituent encore un lien avec le passé. Les profondes réformes entreprises par la génération d'après 1945 vont précisément affecter ces derniers paramètres, au point de provoquer avec l'époque précédente une scission d'autant plus forte que les grands noms qui l'illustrent seront souvent rejetés par les jeunes compositeurs qui interviendront au lendemain de la guerre.

La notion d'« école », fréquemment avancée au sujet de la musique de cette époque, demande à être nuancée, sinon révisée : si l'idée de disciples réunis autour d'un maître à penser peut être prise en compte pour l'« école de Vienne » – expression consacrée –, Alban Berg (1885-1935) et Webern n'en ont pas moins trouvé très rapidement leurs style et personnalité, tout en mettant à profit l'enseignement d'Arnold Schoenberg (1874-1951). Plus encore, on ne peut accepter la confusion entre l'appartenance à un groupe identifié et la communauté d'esprit qui rapproche certains compositeurs pendant une période réduite, comme pour ce qu'on a appelé trop rapidement l'« école de Darmstadt », qui ne peut être qualifiée comme telle. La seconde moitié du xxe s. musical n'en est pas moins profondément marquée par les personnalités de cette génération qui ont pour souci essentiel de reconstruire ou de fonder leur œuvre sur de nouvelles bases. C'est principalement en France et en Allemagne que les premiers éléments de ce renouveau font leur apparition dans l'immédiat après-guerre.

LES CRÉATEURS FRANÇAIS DE MESSIAEN À LA MUSIQUE CONCRÈTE

Si la période qui va des années 1930 à la fin de la guerre n'a pas favorisé les échanges culturels, et surtout a relégué au second plan les créateurs originaux qui, pour la plupart, ont fui l'Europe, l'émigration qui en est résultée, principalement au profit des États-Unis, n'a pas suscité un renouveau particulier de ce côté-là de l'Atlantique. Plus précisément, ce sont les jeunes compositeurs américains, tels Aaron Copland (1900-1990) ou Elliott Carter (1908-2012), qui sont venus à Paris, pendant l'entre-deux-guerres, chercher un enseignement de qualité, les préparant solidement à leur métier, auprès de Nadia Boulanger (1887-1979), alors fervente admiratrice de Stravinski.

Au lendemain de la guerre, c'est la classe d'Olivier Messiaen (1908-1992), au Conservatoire, qui attire l'attention des jeunes musiciens. En effet, et pendant les quelque trente années de son enseignement, nombre de compositeurs, qui deviendront à leur tour des personnalités essentielles du monde musical, auront fréquenté ses cours. Cependant, la situation de la musique en France, en 1945, n'est guère plus brillante qu'à l'étranger, l'essentiel de l'œuvre de Bartók et de l'école de Vienne n'étant que peu diffusé – pour ne pas dire quasiment inconnu –, et c'est en grande partie à Messiaen que les jeunes musiciens doivent la révélation d'œuvres majeures de la musique de leur temps : Pierre Boulez, de même que Iannis Xenakis (1922-2001), Betsy Jolas (née en 1926), Karlheinz Stockhausen (1928-2007), Jean Barraqué (1928-1973), Gilbert Amy (né en 1936) et bien d'autres profitent de cet enseignement précieux, ainsi que de celui de René Leibowitz (1913-1972), qui contribue à diffuser la pensée de Schoenberg en France. Il est remarquable que Messiaen, alors même qu'il est très engagé dans son esthétique personnelle après les Vingt Regards sur l'Enfant Jésus (1944) ou la Turangalîla-Symphonie (1946-1948), n'influencera jamais ses élèves autrement que par ses conceptions rythmiques inspirées de la prosodie grecque et des traditions de l'Inde. Au-delà de la transmission des notions purement techniques, et de son intense foi catholique qu'il destine plus à la salle de concert qu'au saint lieu, Messiaen joue un rôle déterminant dans le développement de la curiosité de ses élèves, qu'il sait sensibiliser à des musiques de sources et de cultures différentes, notamment les musiques extraeuropéennes – et tout particulièrement les sonorités des gamelans de Bali.

Parallèlement à cet enseignement inscrit dans une tradition, Pierre Schaeffer (1910-1995) diffuse à Radio-Paris, le 20 juin 1948, ses Études de bruits, inaugurant ainsi la musique « concrète » : composée à partir de sons existants, enregistrés puis retravaillés – « Étude aux casseroles », « Étude aux chemins de fer », etc. –, cette musique propose une nouvelle approche de la composition en travaillant directement sur le résultat entendu à partir de la table de mixage. Schaeffer développe ses activités en créant, en 1951, le « Groupe de recherche de musique concrète » (qui deviendra le « Groupe de recherches musicales » en 1957), qu'il dirige avec Pierre Henry (1927-2017), avec lequel il a composé la Symphonie pour un homme seul en 1950. La démarche d'Edgard Varèse (1883-1965) avait largement ouvert la voie à ce rapprochement en tentant de gommer la différence entre les bruits et les sons, au profit d'une musique définie plus largement en termes de « sons organisés ». Très critique à l'égard de l'orchestre traditionnel, « qui ne correspond plus à son époque », Varèse développe l'idée de l'ensemble instrumental composé d'instruments à vent et à percussion. Profitant des perfectionnements des instruments électriques et du magnétophone, il explore la combinaison entre orchestre traditionnel et bande magnétique en faisant alterner l'une et l'autre dans Déserts (1952), qui devient ainsi une œuvre fondatrice de la musique dite « électroacoustique ».

Le parcours consistant à acquérir un solide métier de compositeur auprès de Messiaen, et à explorer le nouvel univers de la musique électroacoustique fait de Paris un centre d'intérêt exceptionnel pour les jeunes musiciens. Là encore, Boulez, Stockhausen, Xenakis et même Messiaen expérimentent, comme beaucoup d'autres le feront après eux, les possibilités offertes par le studio de la Radiodiffusion française.

LES RENCONTRES DE DARMSTADT

Dès 1946, les Cours d'été créés à Darmstadt par Wolfgang Steinecke (1910-1961) rassemblent des professeurs (Messiaen, Varèse sont parmi les premiers invités) et de jeunes compositeurs qui manifestent fermement leur volonté de repartir sur de nouvelles bases en prônant la « table rase ». Boulez et Stockhausen, auxquels se joignent Bruno Maderna (1920-1973), Luigi Nono (1924-1990) et Luciano Berio (1925-2003), apparaissent comme les chefs de file d'une conception musicale qui se manifeste par son degré d'exigence au service de l'élaboration d'un nouveau langage. Très rapidement, Webern, le troisième compositeur de l'école de Vienne, est élu comme seul modèle, sa musique étant perçue comme débarrassée de toutes les scories de l'univers tonal et surtout aux antipodes des manières néoclassiques qui avaient marqué l'entre-deux-guerres. La série dodécaphonique, que Schoenberg avait inaugurée au début des années 1920, n'est acceptée désormais que sous l'angle wébernien, avec pour conséquence immédiate une accumulation d'imitations serviles du style de ce dernier. On comprend d'autant mieux que cette période soit caractérisée par des oppositions farouches entre les partisans du pointillisme sériel et les compositeurs plus attachés à la tradition : l'article « Schoenberg est mort » – à prendre au sens propre comme au sens figuré – que Boulez écrit en 1951, au moment de la disparition du compositeur viennois, est révélateur de l'état d'esprit de ces jeunes musiciens qui prennent résolument leurs distances avec la plupart de leurs aînés. Seul Claude Debussy (1862-1918), dont l'œuvre atteste une tentative de libération à l'égard des modèles préétablis et des conventions du langage tonal, apparaît comme l'une des autres sources essentielles dans ce réexamen sans concession des acquisitions du passé.

C'est aussi à cette époque que paraît la Philosophie de la nouvelle musique (1949) de Theodor Adorno (1903-1969) – philosophe proche de Max Horkheimer et de l'école de Francfort, et musicien ayant étudié avec Alban Berg –, qui oppose les deux grands courants représentés par Schoenberg et par Stravinski en les analysant respectivement comme les manifestations du progrès et de la restauration. En dépit de la polémique parfois caricaturale du débat très animé entre « modernité » et « néoclassicisme » qui déchaîne alors les passions, Adorno restera l'un des personnages clés par sa réflexion sur la sociologie musicale contemporaine et la relation qu'il établit entre la musique de son temps et la société dans laquelle elle s'inscrit.

LA PÉRIODE DU SÉRIALISME

Darmstadt apparaît surtout comme le symbole de ce qui deviendra bientôt le « sérialisme généralisé » (l'organisation à partir des douze sons de la série est désormais appliquée aux autres paramètres, par exemple à partir de douze durées, de douze intensités, etc.). C'est une des Quatre Études de rythme pour piano de Messiaen, Mode de valeurs et d'intensités, précisément composée à Darmstadt en 1949, qui est en grande partie à l'origine de cet engouement. En effet, la tendance « sérielle » de cette étude, proposant une dissociation consciente des principaux paramètres, déclenche une vaste réflexion. Les récentes préoccupations visant à forger un nouveau langage destiné à supplanter le précédent donnent ainsi lieu à des œuvres dont les titres révèlent clairement les avancées d'alors, exclusivement centrées sur les conditions du langage : Structures (Boulez), Kontra-Punkte ([« Contrepoints »], Stockhausen), ou Polifonica-monodica-ritmica (Nono), et qui ne seront tempérées que par les Sérénades de Berio et de Maderna.

Cette période de recherche intense, fondée sur un sérialisme le plus souvent rigide, sera en fait de brève durée, et l'assouplissement des techniques permettra bientôt l'émergence, dès le milieu des années 1950, de partitions plus personnelles et plus distanciées par rapport au modèle wébernien (le Marteau sans maître de Boulez, Gruppen de Stockhausen ou Il Canto Sospeso de Nono).

Trop souvent présentée comme le phénomène majeur de la seconde moitié du xxe s., la musique sérielle n'en est qu'une manifestation parmi d'autres et suscite de nombreuses interprétations sous la plume des compositeurs : c'est la force de conviction affichée par ses principaux acteurs et sa revendication à occuper le devant de la scène qui contribueront parfois à la considérer comme un événement dominant.

En 1949 arrive à Paris un jeune Américain, John Cage (1912-1992), dont Boulez présente aussitôt les Sonates et Interludes (1946-1948) pour « piano préparé » (dans lequel on a inséré des objets – en métal, en bois, en caoutchouc… – entre les cordes), pouvant aller jusqu'à évoquer des sonorités d'instruments extraeuropéens. Dans le sillage de Marcel Duchamp (1887-1968), Cage réfute la notion d'« œuvre », tout autant qu'il refuse le statut de compositeur, et sera l'un des acteurs de l'introduction du hasard en musique avec ses compatriotes Morton Feldman (1926-1987) et Christian Wolff (né en 1934). Autre compositeur de premier plan et particulièrement joué en Europe, Earle Brown (1926-2002), trop souvent rattaché aux idées de Cage, cherche à impliquer l'interprète sans renoncer pour autant à l'œuvre. Féru de jazz et attiré par les arts plastiques (Pollock, Rauschenberg), Brown explore cette marge entre précision et flexibilité qu'il remarque dans les mobiles de Calder, à travers des relations sans cesse changeantes entre des éléments qui, pris isolément, restent fixes.

La rencontre entre cette génération d'Américains qui postulent, à des degrés divers, en faveur de la prétendue « liberté » dans la non-œuvre et celle des Européens adeptes du sérialisme fondé sur une rigueur extrême est à la source des nouvelles orientations qui se feront bientôt jour : bien qu'elles soient aux antipodes l'une de l'autre, ces deux approches se rejoignent dans la recherche d'une forme de contrainte pour parvenir à la liberté, et d'une forme d'assouplissement pour se libérer d'un carcan trop rigide : la convergence des méthodes et la divergence dans l'esthétique compositionnelle se croisent ainsi dans la problématique de la « forme ouverte ».

LA MUSIQUE ALÉATOIRE

Considérer les degrés d'introduction du hasard en musique – d'où la notion de musique aléatoire – consiste à examiner les paramètres concernés. La question doit être envisagée tant du point de vue de la composition de l'œuvre que de celui de l'exécution, avec le plus souvent pour conséquence des mutations importantes dans la notation musicale – du solfège traditionnel, mais agencé formellement de façon inhabituelle, à l'utilisation de symboles nouveaux. Le nombre important des attitudes exige que soit précisée cette notion de hasard à laquelle on préférera celle d'« indétermination » concernant l'un des paramètres non fixés, et que l'on répartira ici en trois catégories générales : indétermination du cadre temporel de l'œuvre (le texte musical est écrit, mais flexible à l'intérieur d'une enveloppe de durée dans laquelle le tempo n'est pas strictement déterminé) ; indétermination des hauteurs (le texte est écrit, mais le recours à des symboles qui ne sont pas ceux du solfège introduit une nouvelle flexibilité) ; indétermination de la forme (différents « parcours » – suggérés ou non – autorisent plusieurs déroulements formels).

L'essentiel du débat portant sur la part de l'œuvre soumise à l'indétermination, les orientations qui s'offrent se traduisent par un éventail très large de possibilités, selon la position esthétique du compositeur qui n'entend pas se laisser déposséder de son œuvre – Boulez défend l'idée d'un « hasard dirigé » et Witold Lutoslawski (1913-1994), celle d'un « aléatoire contrôlé » – ou du compositeur qui opte pour l'autre extrême. John Cage, marqué par la philosophie zen dont il a fait son mode de pensée, joue évidemment un grand rôle dans ce contexte, notamment en ayant recours aux tables numériques du Yijing (le Livre des mutations de l'ancienne Chine) pour écrire, en 1951, Music of Changes pour piano et Imaginary Landscape n° 4 pour douze radios (vingt-quatre exécutants plus un chef). Si la première composition, dont la partition est encore notée avec le solfège traditionnel, « libère le temps » de l'œuvre en déterminant le tempo au hasard, la seconde pose le problème différemment, puisque le compositeur est désormais libéré des sons : ici, ce sont les opérations de hasard qui déterminent les volumes sonores, les durées et les fréquences des douze radios.

MUSIQUE ET LITTÉRATURE

Comme en écho à la célèbre formule mallarméenne qui souhaitait « reprendre à la musique son bien », certains compositeurs en viennent à constater que le renouvellement du langage a été plus considérable dans la littérature de la première moitié du xxe s. que dans la musique. L'intérêt que ces créateurs, principalement les Français, manifestent pour l'œuvre de Mallarmé – dont la conception du Coup de dés ne pouvait qu'attirer l'attention d'un compositeur – et pour celle de James Joyce coïncide avec la double émergence, dans les années 1950, du structuralisme, d'une part, et du « nouveau roman », d'autre part : Claude Lévi-Strauss analyse la situation de la musique atonale dans le Cru et le cuit (1964) et Michel Butor collabore à la composition du Votre Faust (1960-1967) d'Henri Pousseur (1929-2009). Ainsi, on ne s'étonnera pas de voir les œuvres de Proust, des poètes E. E. Cummings et Ezra Pound au centre des préoccupations de nombre de compositeurs, qui trouvent alors dans la littérature l'alternative aux conceptions du hasard proposées par John Cage.

Si Mallarmé influence particulièrement Boulez (3e Sonate pour piano, 1957 ; Pli selon pli, « Portrait de Mallarmé », 1960 ; Éclat-multiple, Explosante-fixe, 1970), Joyce marque profondément de son empreinte la musique de cette époque : des écrits tels qu'Ulysse (1922), qui propose une individualisation et une multiplication des styles et des niveaux de lecture selon les personnages, et Finnegans Wake (1939), qualifié par Joyce lui-même de work in progress (« œuvre en devenir »), amènent certains compositeurs, dont Boulez et Berio en premier lieu, à réfléchir sur les conditions de cette « ouverture » qui se situe à l'encontre de l'œuvre « finie » et figée dans un schéma immuable. Les conséquences sont essentiellement de deux ordres : l'œuvre musicale entend désormais proposer plusieurs niveaux de lecture, et l'interprète se voit chargé d'une responsabilité nouvelle en étant le principal acteur de la forme. Cette notion de « lecture multiple », déjà latente chez l'écrivain Raymond Queneau et étudiée par Umberto Eco dans l'Œuvre ouverte (1962), trouve un écho remarquable dans la musique de Berio, qui fonde le studio de phonologie à Milan, précisément en collaboration avec Maderna, Boucourechliev et Eco. De la Sequenza I pour flûte (1958), où la notation musicale devient proportionnelle, à Epifanie pour voix et orchestre (1961), sur des textes de Proust, Joyce, Machado, Brecht et Claude Simon, Berio explore les niveaux multiples de la perception et de la compréhension d'un texte musical. Dans le même esprit, André Boucourechliev (1925-1997) parvient, avec ses Archipels (1967-1972), chef-d'œuvre de la musique aléatoire, à renouveler la notion de partition – sur laquelle sont notés plus des « matériaux à réaliser » qu'un véritable texte fini – et prolonge les recherches de Brown en inscrivant l'interprète dans l'œuvre même.

LA DIFFUSION DE LA MUSIQUE CONTEMPORAINE

Bien que l'Europe occidentale ait su rétablir les réseaux de la musique, en particulier entre Paris et Darmstadt, un certain nombre de compositeurs vivaient encore de façon isolée dans des pays où les options politiques prenaient le pas sur la liberté d'expression. Lorsque, à la faveur des événements de 1956 en Hongrie, György Ligeti (1923-2006) rejoint l'Autriche, il découvre brutalement un pan essentiel de la musique des dix années précédentes. Il s'agit là d'un exemple parmi d'autres, la situation en U.R.S.S. favorisant le même isolement des artistes, qui se devaient de répondre aux exigences du pouvoir en matière d'art, fixées par les directives du réalisme socialiste (rédigées par Jdanov en 1948).

C'est dans ce contexte que Paris affirme son rôle prépondérant, voire centralisateur, dans la création contemporaine, lorsque Boulez fonde en 1954, grâce à des fonds privés, les concerts du Domaine musical, dont les programmes couvriront une part importante de la production de cette époque. Comme pour répondre à Schoenberg, qui laisse entendre que la musique qu'il crée n'est pas « moderne », mais « mal jouée », Boulez travaille sur la qualité des exécutions, cherchant à établir des liens entre le passé et la musique du présent. En programmant de façon originale des œuvres des xviie et xviiie s., voire du Moyen Âge, et des partitions contemporaines, il tente de mettre en relation des conceptions comparables dans des langages différents. Pour en finir avec le divorce – dont l'origine date en réalité du siècle précédent – entre la musique contemporaine et le public, il faut en passer par un effort de communication sociale, qui se traduit notamment par la multiplication des écrits, en forme le plus souvent de justification, des musiciens. Il n'en reste pas moins que le Domaine musical, par son rôle de rassembleur de l'avant-garde, draine, jusqu'en 1973, un nombre important de compositeurs qui répondent aux critères de la nouvelle génération européenne.

LA MUSIQUE ÉLECTRONIQUE

De même, et parallèlement à l'esthétique sérielle alors prédominante, apparaissent les studios de musique électronique, qui tirent parti des progrès de la technologie, et, grâce aux perfectionnements rapides dont bénéficie le magnétophone, le premier studio de musique électronique est fondé à la radio de Cologne en 1951 et placé sous la direction de Herbert Eimert (1897-1972). Dans ce studio, où Stockhausen travaillera de nombreuses années (Gesang der Jünglinge), comme dans ceux de New York, Londres et Paris, de nouvelles approches induisent une autre conception de la perception. Les fortes réactions à la musique sérielle passent en particulier par la critique de Iannis Xenakis, qui, dès 1955, souligne la contradiction qui existe entre le pointillisme éclaté et la perception, entre « le système polyphonique linéaire et le résultat entendu qui est surface, masse ». Postuler ainsi en faveur d'une perception globale et non plus individuelle conduit Xenakis à favoriser la continuité entre les sons dans Metastasis pour un orchestre de 61 instruments (1953-1954) et Pithoprakta (1955-1956), où les longs glissandos des quarante-six cordes effacent le sentiment de totale dispersion sonore. Architecte de formation, Xenakis sera notamment l'assistant de Le Corbusier pour l'élaboration du pavillon Philips à l'Exposition universelle de Bruxelles en 1958 – pour lequel Varèse composera son Poème électronique pour bande magnétique – et prendra en compte les phénomènes de spatialisation dans sa musique (musiciens disposés en cercle autour du public dans Persephassa, pour 6 percussionnistes, 1969).

L'expérience électronique, en termes de gestion des masses impliquant une perception globale des phénomènes, trouve surtout une application chez Ligeti, qui, après avoir exploré les techniques en ce domaine, travaille au déplacement des masses dans Atmosphères (grand orchestre, 1961). À la même époque, la jeune génération polonaise, dont Krzysztof Penderecki (né en 1933) apparaît alors comme l'une des personnalités prééminentes, accentue cette recherche de perception globale en choisissant de privilégier la profusion de sons (les « clusters ») et en adaptant la notation musicale, qui devient à son tour plus globale (Thrène à la mémoire des victimes d'Hiroshima, 1960).

Ainsi, le sérialisme, qui ambitionnait d'élaborer un nouveau langage à dimension internationale, connaît un premier démenti sévère, d'autant plus que l'électronique oriente, dans un second temps, les préoccupations vers l'exploration intérieure du son : certains compositeurs proposent désormais des œuvres limitées sur un matériau très réduit, voire un son, tel Giacinto Scelsi (1905-1988) dans ses Quatre Pièces sur une seule note pour orchestre (1959), ou travaillent sur la lente élaboration à partir d'un son progressivement enrichi, tel Ligeti avec Lux aeterna, pour 16 voix (1966).

LES « INDÉPENDANTS »

Il serait caricatural de réduire la production musicale de cette époque à ce débat entre perception « individualisée » et perception « globalisée », tant il concerne principalement les avant-gardes. Nombre de compositeurs restent en effet à l'écart de ce contexte, et souhaitent garder leur indépendance, soit qu'ils manifestent un fort attachement à la tradition, soit que leurs recherches aient été ignorées par les mouvements esthétiques dominants : André Jolivet (1905-1974), marqué à ses débuts par Varèse, Maurice Ohana (1914-1992), proche par ses origines de la culture espagnole, et autant séduit par le jazz qu'intéressé par l'écriture en micro-intervalles en tiers de tons, ou encore Henri Dutilleux (1916-2013), dont l'œuvre orchestrale reste l'une des plus remarquables de cette époque (Métaboles, 1964 ; Tout un monde lointain, concerto pour violoncelle, 1970), sont parmi les compositeurs qui subissent le contrecoup de la politique de l'avant-garde. De même, à l'étranger, le Suisse Frank Martin (1890-1974), l'Américain Aaron Copland ou les Britanniques Michael Tippett (1905-1998) et Benjamin Britten (1913-1976) poursuivent en marge leur œuvre dérivée de l'univers tonal, parallèlement aux bouleversements qui agitent la musique savante contemporaine.

C'est pourtant aux États-Unis qu'apparaît un mouvement qui se répandra rapidement et qui prône une autre approche de la perception fondée sur la répétitivité. Les musiques répétitives développées par Terry Riley (né en 1935), La Monte Young (né en 1935), Steve Reich (né en 1936) et Philip Glass (né en 1937) sont moins conçues sur la qualité même des éléments musicaux que sur leur répartition dans la durée. L'œuvre de ces musiciens, qui est plus diversifiée que l'appellation générique pourrait le laisser croire, va marquer certains courants en Europe, et la musique, souvent subtile, d'un Reich est parfois à rapprocher de celle de compositeurs attachés à la notion d'écriture et apparemment très éloignés de cette attitude.

LE THÉÂTRE MUSICAL

En cette période où se multiplient les anathèmes contre les genres consacrés – notamment l'opéra, déclaré « mort » –, le théâtre musical tantôt est l'objet d'expériences de renouvellement, comme celles de Bernd Alois Zimmermann (1918-1970) dans son opéra Die Soldaten (1958-1960, créé en 1965) – où les dimensions du passé, du présent et du futur sont présentées simultanément –, tantôt s'inspire des happenings qui marquent les arts en général : après les « anthropométries » du peintre Yves Klein en 1960 – des femmes nues enduites de peinture bleue appliquent leurs corps sur la toile –, les œuvres de théâtre musical cèdent à divers degrés à la provocation en mettant en scène les dimensions sociales. Berio introduit un chœur dispersé dans le public dont la fonction est d'interpeller la chanteuse sur scène (Passagio, 1962), Ligeti prend le parti de l'ironie (Aventures, 1962-1963) et Peter Maxwell Davies (1934-2016), celui de l'absurde (Huit Chants pour un roi fou, 1969), alors que l'Argentin Mauricio Kagel (1931-2008) interprète de façon critique la situation du concert et de l'opéra (Staatstheater, « anti-opéra », 1967-1970). Ce n'est que dans les années 1970 que se produisent des tentatives de réactualisation de l'opéra, avec le Grand Macabre de Ligeti (1974-1977) ou les œuvres de Berio composées en collaboration avec Italo Calvino (La Vera Storia, 1977-1978 ; Un re in ascolto, 1979-1984).

LE TOURNANT DE LA FIN DES ANNÉES 1960

Symboliquement, 1968 consacre la crise de la société que la musique illustre aussi à sa manière. Après la faillite du sérialisme et l'épuisement des solutions expérimentales, la crise de la communication sociale entre les compositeurs et le public passe par la réintégration de l'histoire, qui avait été brutalement évacuée vingt ans plus tôt au nom de la table rase. Cette réconciliation avec le passé revêt différents aspects sous forme de « relectures », dont l'un des premiers exemples est offert par Berio dans ses Folk Songs fondés sur d'authentiques chants populaires (1964). La dimension thématique, qui avait été gommée au profit de la réflexion sur le langage, permet ainsi cette réconciliation dans des œuvres aussi représentatives que Musiques pour les soupers du roi Ubu (1967) de Zimmermann, la Sinfonia (1968) de Berio – dont un mouvement est basé sur la musique de Mahler à laquelle sont intégrés nombre de fragments d'autres auteurs –, ou Ombres (1970), pour onze instruments à cordes, de Boucourechliev, « en hommage à Beethoven ». Une seconde attitude, plus dégagée des références précises au répertoire du passé, est dictée par les emprunts stylistiques à d'autres cultures : on la trouve chez Messiaen, marqué par le Japon dans les Sept Haï-Kaï (ou Esquisses japonaises, 1962), chez Kagel dans ses Musiques pour instruments de la Renaissance (1965), chez Stockhausen dans Hymnen (1966-1967) pour bande magnétique d'après des hymnes nationaux mixés et travaillés, ou encore chez le Japonais Takemitsu Toru (1930-1996), qui propose le croisement entre l'Orient et l'Occident dans November Steps II (1967) pour biwa et shakuhachi – deux instruments traditionnels – et orchestre symphonique. Plus généralement, l'attrait pour l'Orient qui s'exerce sur la jeune génération à cette époque n'épargne pas certains compositeurs qui s'engagent dans les musiques « méditatives » (Stimmung de Stockhausen, 1968) ou qui succombent aux vertus redécouvertes de l'improvisation, favorisant parfois un rapprochement avec le free jazz.

DES VOIES DE RECHERCHE SANS CESSE RENOUVELÉES

À cette période de crise qui a conduit à une réévaluation complète de la production musicale de deux décennies correspondent, d'une part, l'émergence de nouvelles institutions qui entendent traiter la relation entre la musique et les autres domaines culturels et scientifiques et, d'autre part, l'arrivée d'une nouvelle génération critique à l'égard de ses aînés. Parallèlement à la création à Paris du Centre national d'art et de culture, à l'initiative du président Georges Pompidou, qui voulait doter la France d'une grande institution d'art contemporain, Pierre Boulez, qui poursuit sa carrière de chef d'orchestre, est rappelé en France, après son exil volontaire de plusieurs années, pour prendre en charge l'I.R.C.A.M. (Institut de recherche et de coordination acoustique-musique) à partir de 1974. Deux ans plus tard est fondé l'Ensemble InterContemporain, dont la mission est de jouer la musique de notre temps dans les meilleures conditions et en relation avec les technologies informatiques mises au point à l'I.R.C.A.M. L'un des événements majeurs de cette collaboration technique, scientifique et musicale sera Répons (1981-1988) de Boulez, qui utilise l'ordinateur pour la spatialisation et les transformations de la musique jouée par l'ensemble instrumental disposé au centre de la salle.

Les dernières années de l'enseignement de Messiaen au Conservatoire sont marquées par la présence de jeunes compositeurs qui, hostiles au sérialisme, entendent fonder leur approche compositionnelle sur le son lui-même, en se réclamant de Varèse, de Scelsi ou de Ligeti. La « musique spectrale » d'Hugues Dufourt (né en 1943), de Gérard Grisey (1946-1998), de Tristan Murail (né en 1947) ou de Michaël Lévinas (né en 1949) traduit la volonté de ces compositeurs de placer la perception du son au premier plan de leurs préoccupations, l'analyse du son fournissant les conditions mêmes du déroulement temporel de l'œuvre (les Espaces acoustiques de Grisey, 1974-1985).

Le sérialisme n'en trouve pas moins un second souffle à travers les conceptions de Brian Ferneyhough (né en 1943), qui cultive une forme particulière de complexité à partir de ses Sonatas pour quatuor à cordes (1967), et surtout dans les années 1980, où l'on observe des tentatives de croisement entre ces techniques d'écriture réactualisées et des approches influencées par la musique spectrale. L'œuvre de la jeune génération – représentée par l'Allemand Wolfgang Rihm (né en 1952), qui renoue avec une forme d'expressionnisme personnalisé, le Français Pascal Dusapin (né en 1955), explorant un nouveau théâtre musical, ou le Finlandais Magnus Lindberg (né en 1958), à la croisée des chemins – révèle un éclectisme qui est le résultat d'une recherche située délibérément hors des débats qui ont agité l'art musical pendant près d'un demi-siècle. Mais le véritable renouvellement semble venir de l'épuration sonore pratiquée par Nono dans ses dernières œuvres, où le son devient intense dans un discours traversé par un silence habité (Fragmente Stille an Diotima, pour quatuor à cordes, 1979-1980), ou par le Hongrois György Kurtág (né en 1926), qui, nourri de Schumann et de Webern, produit une musique exigeante et séduisante d'où l'anecdote est irrémédiablement évacuée (Stele pour orchestre, 1994).

ÉMANCIPATION À L'EST ET POSTMODERNISME

Tout aussi symboliquement, vingt ans après les événements de 1968, les mutations politiques de l'Europe de l'Est vont bouleverser le paysage musical dans la mesure où l'Occident découvre, le plus souvent avec un décalage important, des compositeurs dont l'œuvre était restée méconnue. Il est vrai que, dès le début des années 1980, des musiciens soviétiques comme Edison Vassilievitch Denisov (1929-1996), Sofia Goubaïdoulina (née en 1931) et Alfred Schnittke (1934-1998) ont pu rejoindre l'Europe de l'Ouest. Schnittke apparaît rapidement comme le compositeur le plus remarquable de cette génération, sachant réactualiser avec talent des genres consacrés (symphonie, concerto, opéra). Par ailleurs, l'affirmation nationale qui s'exprime dans les Républiques nouvellement indépendantes permet notamment la diffusion des musiques en provenance d'Estonie, qui trouvent leur origine dans la tradition vocale des siècles passés et exploitent une forme de musique répétitive – à ne pas confondre avec les tentatives américaines, tant cette dimension est présente dans les sources de la musique populaire estonienne. Apôtre de la simplicité et d'un dépouillement au mysticisme avoué, Arvo Pärt (né en 1935) est bientôt reconnu comme le personnage central de cette esthétique. Par le « minimalisme » ambiant qui marque le style tardif du Polonais Henryk Górecki (1933-2010) ou du Britannique John Tavener (1944-2013), ou encore par la filiation « néotonale » de l'Américain John Adams (né en 1947), on constate combien ces compositeurs se réjouissent de rétablir un lien avec un public dont la soif de nostalgie n'est qu'une des manifestations de cet éclatement généralisé des années 1990.

La fin du xxe s. restera donc marquée par le cheminement parallèle d'esthétiques très différentes : les diverses conceptions d'écriture, l'intervention de l'ordinateur dans le travail du compositeur, les préoccupations fondées sur l'analyse du spectre sonore voisinent avec les formes du postmodernisme qui affecte une part de la production musicale. L'idée même de postmodernisme, qui sous-entend la capacité à prendre en considération les références du passé pour les injecter dans l'œuvre, est présente à toutes les époques, et un mouvement comme celui de la « Nouvelle Simplicité » apparu en Allemagne à la fin des années 1970, proclamant le retour nécessaire au système tonal, n'est qu'un exemple parmi d'autres de ces allers et retours de l'histoire sur elle-même. (→ dodécaphonisme ; → opéra contemporain.)

Sur :

https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/musique_contemporaine/72257​​​​​​​​​​​​​​

PETIT PANORAMA DE LA MUSIQUE CONTEMPORAINE

Auteure : Bérénice Blackstone sur :  https://pad.philharmoniedeparis.fr/contexte-petit-panorama-de-la-musique-contemporaine.aspx

Partition graphique d'une étude de Haubenstock-Ramati © Landesarchiv Baden-Württemberg

Partition graphique d'une étude de Haubenstock-Ramati. Landesarchiv Baden-Württemberg

LES DIFFÉRENTS COURANTS DE LA MUSIQUE CONTEMPORAINE

Après la Seconde Guerre mondiale et les bouleversements qu’elle a engendrés, les compositeurs ont envie de créer une musique complètement différente de ce qui a été fait jusque-là. Ils explorent alors plusieurs possibilités.

LA MUSIQUE SÉRIELLE

Arnold Schönberg, Alban Berg et Anton Webern, les compositeurs de la seconde école de Vienne, choisissent de nouveaux repères : au lieu d’organiser la musique autour d’une mélodie que l’on harmonise, ils utilisent les 12 sons qui existent dans la musique occidentale pour créer des « séries » et composer grâce à elles. La musique devient atonale : elle ne s’organise plus autour d'une tonalité. D’autres compositeurs, comme Pierre Boulez, iront encore plus loin en élargissant cette technique.

LA MUSIQUE ÉLECTRONIQUE ET ÉLECTROACOUSTIQUE

À partir de 1950, Edgar Varèse, Pierre Schaeffer et Pierre Henry utilisent l’électronique pour leurs compositions : ils intègrent des instruments électroniques parmi les instruments habituels (comme l’onde Martenot par exemple), ou associent un orchestre à des sons électroniques enregistrés, et modifiés. Ils travaillent également à partir de sons non-musicaux ou de sons créés de toute pièce : l’arrivée de l’informatique permet des possibilités infinies. Dans leur lignée, Karlheinz Stockhausen, György Ligeti, Pierre Boulez, Luciano Berio, et Luigi Nono composeront à leur tour des pièces en usant de ces nouvelles technologies.

Léon Thérémine et son appareil électronique, le thereminovox, l'un des premiers instruments de musique électronique © Gallica-BnF

Léon Thérémine et son appareil électronique, le thereminovox, photographie de presse Agence Meurisse, 1927. Gallica-BnF

 

LA MUSIQUE RÉPÉTITIVE OU MINIMALISTE

Ce courant est apparu dans les années 1960 aux États-Unis. Des compositeurs comme Philip Glass, Steve Reich, John Adams ou Arvo Pärt inventent une musique qui s’articule autour de l’idée de répétition.

LA MUSIQUE CONCEPTUELLE

Aux alentours de 1960, certains compositeurs comme John Cage et Karlheinz Stockhausen conçoivent leur musique comme la création d’un événement. La musique se doit d’être le vecteur d’une idée. Ainsi, John Cage écrit 4’33’’, une pièce qui dure 4 minutes et 33 secondes… de silence !

LA MUSIQUE SPECTRALE

Les compositeurs Tristan Murail, Michaël Levinas et Gérard Grisey, influencés par certaines œuvres de Ligeti, Stockhausen et Xenakis, articulent leur musique autour du timbre et du spectre acoustique du son. La perception de ces sons devient proche de celle du bruit.

LA MUSIQUE POST-MODERNE

En réaction à l’ensemble de ces façons de concevoir nouvellement la musique, certains compositeurs éprouvent le besoin de revenir à la tonalité. Philip Glass, Steve Reich et Arvo Pärt en font partie.

LA MUSIQUE D’UNSUK CHIN

Née à Séoul, en Corée, Unsuk Chin vit désormais en Allemagne. Élève de György Ligeti, son style musical au début de ses études de composition se rapproche de la musique sérielle. Désormais, elle dit à propos de sa musique : Je ne fais partie d’aucun groupe de compositeurs et je ne souhaite pas écrire de musique "locale". Le grand chef d’orchestre Kent Nagano explique d’ailleurs à son sujet : Sa musique est très particulière. Unsuk Chin est l’un des très rares compositeurs à posséder un langage unique où l’on ne distingue plus les diverses influences.

Ondes Martenot, photographie de Albert Giordan © Musée de la musique-Philharmonie de Paris

Ondes Martenot. Musée de la musique - Philharmonie de Paris, photo d’Albert Giordan

Selon les œuvres qu’elle compose, Unsuk Chin utilise des codes « classiques » ou totalement contemporains : elle emploie par exemple un orchestre symphonique pour son Concerto pour violon, mais compose aussi de la musique avec des sons enregistrés, transformés et travaillés à l’ordinateur. Les instruments peuvent être utilisés de façon conventionnelle ou non : ainsi, elle utilise souvent le piano préparé, un piano dans lequel divers objets ont été placés pour modifier le timbre de l’instrument. De plus, Unsuk Chin aime la virtuosité, qu’elle développe notamment dans ses concertos.

Ses influences sont éclectiques : d'un côté elle cite une mélodie du Moyen Âge dans Miroir du Temps (1999), et de l'autre elle compose un opéra dont le sujet est Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll. Dans Gougalon, elle évoque la Corée du Sud, son pays natal.

Des pistes pédagogiques autour de ce contenu sont disponibles sur le portail Éduthèque de la Philharmonie de Paris.

Auteure : Bérénice Blackstone sur :  https://pad.philharmoniedeparis.fr/contexte-petit-panorama-de-la-musique-contemporaine.aspx

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article