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Publié par J.L.D.

Le blues est un genre musical, vocal et instrumental dérivé des chants de travail des populations afro-américaines subissant la ségrégation raciale aux États-Unis. Le blues est apparu dans le Sud des États-Unis au cours du 19ème siècle. C'est un style où le chanteur exprime sa tristesse et ses déboires.

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Rhythm and Blues

Article par Daniel Caudeiron, Jude Kelly
Date de publication en ligne le 8 mai 2011
Dernière modification le 31 janvier 2014

Rhythm and blues (R & B, Soul). Genre appartenant à la musique noire populaire d'origine américaine. Enraciné dans le « blues urbain » du début des années 1930, marqué par les orchestres de jazz noirs de l'ère du Swing, le R & B naît dans les années 1940, représenté d'abord par de petits groupes de « jump music » où chanteurs et musiciens (cuivres, orgue) essaient de nouvelles formules. En 1950, les chanteurs solos mettent au point ce style « crooner », mélange de blues et de recettes héritées des boîtes de nuit, qui leur attire l'auditoire blanc. À leur tour, les harmonies « doo-wop » et le style vocal gospel enfantent le « soul » passionné, élément actif de la musique populaire des années 1960. L'arrivée sur la scène R & B des compagnies de disques (Detroit, Chicago, New York, Philadelphie, Memphis) permet l'éclosion de nombreux styles régionaux.

Le R & B a de nombreuses significations : en 1949, la revue Billboard baptise « R & B » son ancienne rubrique « Race Records »; en 1969, le R & B se transforme en soul, qui cède la place au funk en 1974, le disco prend la relève à la fin de la décennie avant d'être détrôné par la Black Music au début des années 1980. Tous ces styles possèdent évidemment leurs caractéristiques propres. Vers 1990, le terme R & B, de nouveau à la mode, englobe le soul, le funk, le « quiet storm », le hip-hop et ses variantes « house music », sans oublier le « new jack swing ».

Le Canada contribue indirectement à l'expansion du R & B, tout comme à celle du pop, du country et du rock, de par son public fidèle et des acheteurs dont les goûts correspondent au marché américain. Les vedettes américaines ont toujours été populaires au Canada, phénomène inévitablement unilatéral. Dès les années 1950, des boîtes canadiennes accueillent orchestres « jump », « honkers (saxophonistes ténors) and shouters » et chanteurs à la mode - Louis Jordan, Amos Milburn ou encore Bill Doggett. Très tôt, des groupes de R & B ou de jazz investissent Toronto, derrière le pianiste Cy McLean (originaire de Sydney, en Nouvelle-Écosse) et sous l'impulsion du batteur Johnny Wiggins (Four Soul Brothers) et du trompettiste Billy Martin, à Montréal et dans ses environs.

Vers les années 1960, la popularité dont jouit le R & B auprès des jeunes Blancs donne naissance à de nombreux autres groupes nationaux. À Montréal, l'Apollo, le Club 217, l'Esquire Showbar, le Soul Heaven et l'Uptown sont les premiers à accueillir Dennis Dean, Skipper Dean, Eddie (Watson) and the Preachers, Kenny Hamilton, Roy Hamilton, Trevor Payne (qui chante avec les Soul Brothers et Triangle), les Persuaders, les Senators, les Soul Mates et Harrison Tabb. À Halifax (où Davy Wells est l'une des vedettes de l'émission locale de la SRC, « Music Hop »), on peut entendre du R & B à l'Arrow Club et au Club Unusual. À Toronto, le vent souffle sur la commerciale rue Yonge, entre autres dans les bars Bluenote, Hawk's Nest et Coq d'or ainsi que dans les cafés du quartier Yorkville, comme le Boris's, où se produisent aussi de nombreux interprètes de folk et de folk rock.

Le groupe typique est composé de musiciens blancs et de chanteurs noirs (canadiens ou américains) interprétant des succès à la mode aux États-Unis, morceaux moins connus et compositions originales. On estime que plus de la moitié des orchestres de bar torontois appartiennent à cette catégorie en 1965-1966. Toronto accueille Dianne Brooks et Eric Mercury (qui chantent avec les Soul Searchers avant d'entamer leurs carrières solos), David Clayton-Thomas and the Shays, Jack Hardin and the Silhouettes (qui incluent Brooks et sa toute jeune fille, Joanne), Shawne and Jay Jackson and the Majestics, Jon (Finlay) & Lee (Jackson) & the Checkmates, Ritchie Knight and the Mid-Knights, Bobby Kris(s) and the Imperials, R.K. (Roy Kenner) and the Associates, Eddie Spencer and the Power, les Five Rogues (qui prennent ensuite le nom de Mandala - voir Domenic Troiano), Motherlode, les Tierras, Jason King, Tobi Lark, Shirley Matthews et Jackie Shane.

Originaire de Harrow, Ont., Shirley Matthews connaît le succès en 1963 avec « Big Town Boy » et reçoit en 1964 le Prix Juno de la chanteuse de l'année. Renommé pour les spectacles hauts en couleurs qu'il donne avec Frank Motley and the Hitchhikers à la Sapphire Tavern de Toronto, la femme transgenre Jackie Shane se fait également connaître du public canadien par la chanson « Any Other Way » (1963). Après ces premiers exploits du R & B noir canadien apparaissent des groupes blancs comme les Shays (« Walk That Walk », 1965), Bobby Kris and the Imperials (« Walk On By », 1966) et le Jon-Lee Group (« Bring It Down Front », 1967). Si le « soul aux yeux bleus » du groupe Mandala domine la scène torontoise du milieu des années 1960 (son premier chanteur, George Olliver, se produit encore dans les années 1990), c'est le quatuor Motherlode, composé de Blancs et de Noirs, qui obtient le plus beau succès aux États-Unis avec « When I Die » (1969).

Entre-temps, à Yorkville, Luke and the Apostles, les Ugly Ducklings et d'autres groupes blanc R & B d'inspiration américaine se découvrent des affinités avec un blues rock britannique en plein renouveau (voir Blues). Vers 1965, toujours à Yorkville, le groupe rock Mynah Birds accueille en son sein - outre Neil Young- un grand nom du funk américain de la fin des années 1970, Rick James (James Johnson, de Buffalo) qui joue dans le groupe sous le nom d'artiste Rick Matthews.

À la même époque, le R & B américain compte plusieurs Canadiens dans ses rangs, dont R. Dean Taylor de Toronto et Harrison Kennedy de Hamilton, Ont., tous deux installés à Detroit. Taylor écrit des chansons pour l'étiquette Motown. Il coécrit le fameux « Love Child » chanté par les Supremes (1968) et remporte un succès international en 1970 avec la chanson pop (et non R & B) « Indiana Wants Me » (chez Rare Earth). Quant à Kennedy, il fait partie, de 1969 à 1974, de Chairman of the Board qui enregistre chez Invictus de nombreuses grandes chansons, dont « Give Me a Little More Time » (1970). Kennedy poursuit ensuite sa carrière à Toronto. Issu de la côte ouest du Canada, Bobby Taylor et ses Vancouvers se font connaître aux États-Unis avec « Does Your Mama Know About Me? » (1968).

Dans les années 1970, l'ascension du funk permet à des musiciens d'origine antillaise d'imprimer leur marque au R & B canadien. Les huit membres de Crack of Dawn, une formation similaire au groupe de musique progressive Earth, Wind & Fire, des États-Unis, se produisent alors dans les boîtes torontoises vouées au R & B (le Generator, la Colonial Tavern, le Savarin, le 4th Dimension, etc.). Avant de se disperser en 1977, ils enregistrent chez Columbia; « It's Alright [This Feeling] » remporte un modeste succès. Par la suite, deux d'entre eux, Carl Harvey et Glenn Ricketts, participent au développement de la musique noire canadienne (voir Reggae), et Rupert Harvey est l'un des fondateurs de Messenjah en 1981.

Au milieu des années 1970, de nombreux artistes de R & B et de soul vivant au Canada accordent la priorité à la danse (voir Disco). Le Canada, l'Angleterre et les États-Unis découvrent ainsi Claudja Barry (Montréalaise installée ensuite en Allemagne puis à New York), Alma Faye Brooks, John Usry (Stratavarious), Jimmy Ray (Katmandu), Goldie Alexander, Geraldine Hunt et ses enfants, Freddie James et Rosalind Milligan Hunt, dont le groupe, Cheri, accède en 1982, avec « Murphy's Law », au top 40 du Hot 100 de la revue Billboard. En 1976, Wayne St. John devient le premier artiste noir du Canada à atteindre la première place des sélections de RPM, avec une chanson de THP Orchestra, « [Theme from] S.W.A.T. ». D'autres interprètes marquent les années 1970, par exemple Salome Bey, Joanne Brooks, Phil Dino, Jackie Gabriel, Curtis Lee, Bill King, Aubrey Mann, le Mighty Pope (Earle Heedram), Jackie Richardson, Betty Richardson, Eugene Smith et Sweet Blindness.

Les années 1980 voient les boîtes revenir peu à peu au funk et au soul purs et durs, mais les grandes compagnies de disques canadiennes ne suivent pas le mouvement et préparent leurs poulains selon des critères radiophoniques. Ainsi produits, les chanteurs torontois Billy Newton-Davis, Liberty Silver et Erroll Starr connaissent un succès limité et se contentent, en guise de promotion, des Juno du meilleur enregistrement R & B et soul, Silver en 1985 pour « Lost Somewhere Inside Your Love », Newton-Davis en 1986 pour Love Is a Contact Sport puis en 1990 pour Spellbound, et Starr en 1989 pour « Angel ». Ce Juno est également décerné à Kim Richardson en 1987 pour « Peek-A-Boo » et, en 1991, à Simply Majestic (avec B. Kool) pour « Dance to the Music (Work Your Body) ». De même, le chanteur montréalais Georges Thurston (Boule Noire) (Bedford, Québec, 29 déc 1951 - Montréal, 18 juin 2007) adopte un style R & B commercial durant les années 1970 et 1980, tandis que le quintette Tchukon, créé à Montréal en 1981 par des musiciens américains et rebaptisé H3-Factor en 1990, combine R & B et influences funk, reggae et jazz sur l'album Here and Now. Le disque sort après la victoire du groupe à l'émission télévisée « Rock Wars » de la télévision anglophone de la SRC (1985) et du spectacle américain « Star Search » (1986) diffusé par les stations locales. Le groupe continue à jouer sous le nom H3-Factor au cours des années 1990.

Dans les années 1980, plusieurs autres artistes canadiens enregistrent de manière indépendante, comme les Torontois George Banton, David Bendeth, Demo Cates, Tony Douglas, Arlene Duncan, Cecile Frenette, John James, Glen Johnson, les Lincolns, Jay W. McGhee, Yvonne Moore, Oddett, Phase IV, George Saint Kitts, Lorraine Scott, Something Extra, Eddie Staxx, Sweet Ecstacy et Michael Thompson, sans oublier Al Hinton et Jimmy Young (Kitchener, Ont.) et les Montréalais Charles Biddle fils, Bones Jones, Normand Braithwaite, Fussy Cussy Nicodemus et Kenny Hamilton. Comme leurs prédécesseurs Pierre Perpall, dans les années 1960, et Thurston, Biddle et Braithwaite enregistrent des chansons en français.

En 1990, on sent déjà au Canada l'influence exercée par le rap innovateur sur le R & B, que ce soit musicalement - ainsi, dans les chansons « Dance to the Music (Work Your Body) » de Simply Majestic et B. Kool (1990) ou « I'll Respect You » de Debbie Johnson (1991), le rap se combine aux harmonies soul et gospel et aux rythmes dansants - ou sur une industrie du disque qui, délaissant les artistes R & B et soul, s'intéresse de plus en plus aux jeunes rappeurs.

Au début des années 1990, les grandes compagnies produisent bien plusieurs nouveaux venus (le duo Love and Sas, de Vancouver et Toronto, Chamberlain à Montréal, Alanis à Ottawa et les Torontois Lisa Lougheed, Porsha-Lee et Spunkadelic, composé de Ray Guiste et Ali Whittaker), mais en 1991, les véritables porte-parole du R & B canadien sont les rappeurs MC J et Cool J de Halifax (voir Rap), qui disent jouer du « double R & B » (rap, rhythm and blues, et un duo torontois au techno-soul dansant, Index, composé de Lennox Grant et Rupert Gayle, membres fondateurs du quatuor funk Traffic Jam (1983), puis du duo Streetbeat (1987).

Presque cinquantenaire, le R & B canadien survit et prospère parfois malgré les pressions exercées par la vieille garde fidèle à la tradition et par une industrie du disque qui privilégie la nouveauté pour conquérir de jeunes auditoires. Le public peut faire son choix parmi des artistes issus, au début des années 1990, des boîtes de Toronto (Network, Berlin, un second Blue Note, etc.) et de Montréal (le Checkers, par exemple). Ainsi, Sub Culture (avec Marcus) et Carle E and Lifetime représentent la nouvelle vague, face à Erica James et Corporate Funk Association, plus traditionnels.

La mise en valeur du R & B canadien

Vers 1995, le terme « musique urbaine » devient un nom fourre-tout utilisé pour faire référence à la musique de danse, principalement le R & B, le soul et le hip-hop. En réalité, la musique urbaine est simplement une expression servant à désigner poliment la « musique noire » qui, d'une certaine façon, permet aux directeurs de maisons de disques blancs de promouvoir plus facilement la musique des artistes afro-américains des États-Unis et du Canada. Peu importe le nom qu'on lui donne, le marché du R & B canadien évolue et arrive à maturité; des éléments importants manquent cependant à son infrastructure. La radio, qui est à l'époque le principal outil de promotion utilisé par les artistes et les maisons de disques, ne leur consacre pas de temps d'antenne. Sans l'aide de ce joueur de premier plan, le R & B (la musique urbaine) ne peut vraiment grandir ou prospérer. Sans l'appui de la radio locale, les artistes canadiens peuvent difficilement se faire connaître du public.

L'homme d'affaires torontois Denham Jolly est sensible à ce problème et y voit une occasion d'affaire. Il crée Milestone Radio Inc. Et, en 1990, présente au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) une demande de licence d'exploitation de station de radio de musique urbaine à Toronto. Sa demande est refusée. Six ans plus tard, Jolly fait une nouvelle demande de licence et essuie un second refus. Ce refus d'autoriser l'exploitation d'une station de musique urbaine du CRTC est fortement critiqué par les Torontois, qui vivent dans la ville la plus populeuse et multiculturelle du Canada. La ténacité de Jolly, qui fait une troisième demande de licence en 1998, est finalement récompensée en juin 2000 lorsque le CRTC retient sa candidature. En février 2001, CFXJ-FM est mise en ondes sous le nom commercial Flow 93.5 FM. C'est la première chaîne de musique urbaine au Canada.

En peu de temps, des stations de Vancouver, Kitchener et Calgary en profitent pour remplacer leur programmation habituelle par de la musique urbaine. Toutefois, ils décident par la suite de revenir à une programmation de type « top 40 ». En 2010, Flow est la seule station qui conserve une tendance musicale urbaine.

Avant l'apparition de la radio urbaine au Canada, un joueur de premier plan, la chaîne de télévision par câble MusicPlus, fait son apparition dans l'industrie de la musique en 1984. Largement inspirée de la chaîne américaine MTV, MusicPlus présente un grand nombre de vidéoclips de style pop américains et internationaux, mais aussi une très grande quantité de contenu canadien, comme l'exige le CRTC. Ce nouvel outil de promotion est dès lors accueilli favorablement par les artistes de tous genres, mais en particulier par les artistes du R & B, qui réalisent rapidement qu'une bonne chanson agrémentée d'un vidéoclip ingénieusement conçu leur permet de passer régulièrement en onde sur cette nouvelle chaîne nationale et, par conséquent, d'améliorer leurs ventes d'albums.

À ses débuts, MuchMusic (la chaîne francophone MusiquePlus sera lancée plus tard) met en vedette deux présentateurs charismatiques, souvent appelés « VJ », qui font la promotion de la musique d'un grand nombre d'artistes et de groupes canadiens soul et funk, dont Bass is Base, groupe composé de la super-vedette Ivana Santilli et du chef cuisinier célèbre Roger Mooking, B-Funn, Special G, Billy Newton-Davis, Errol Starr, Lorraine Reid et Debbie Johnson.

Michael Williams réalise et anime plusieurs émissions sur « the nation's music station » (qui se flatte d'être la chaîne musicale nationale) de 1984 à 1994, dont Soul in the City, Rap City, Electric Circus et The New Music, et Tony « Master T » Young anime Rap City et Da Mix. Ces animateurs sont les plus grands promoteurs de la scène musicale urbaine au Canada à ce jour. Leur détermination à lancer en ondes de nouveaux vidéoclips d'artistes canadiens talentueux a un impact des plus positifs sur les principaux courants musicaux en faisant découvrir des artistes nouveaux ou connus des consommateurs et des programmateurs radiophoniques. Bien qu'ils n


 

 

 

 

les indispensables blues 

http://www.lechoix.fr/ 19 mai 2013 par Eddie

Le contexte historique 

la seconde Guerre Mondiale vient de se terminer et depuis 1941 a commencé ce qui est appelé la Seconde Grande Migration. Plus de 5 millions d’Afro-Américains sont partis des Etats du Sud (Alabama, Louisiane, Mississippi…) pour rejoindre le Nord, où des emplois mieux payés les attendaient ainsi qu’une discrimination sociale et économique un peu moins forte. Ils sont donc arrivés massivement dans les Etats du Nord, du Midwest et de l’Ouest, et particulièrement en Californie (où l’industrie de la défense militaire a explosé durant la seconde guerre mondiale et offrait des tas de boulots), à Chicago, Cleveland, Detroit…

Deux effets importants musicalement parlant. Le premier : de meilleurs jobs (toutes proportions gardées, hein, la discrimination était toujours d’actualité) = de meilleurs salaires = plus d’argent pour acheter de la musique. Les Afro-Américains sont donc devenus un nouveau marché pour l’industrie de la musique. Ce qui était alors appelé des « race records » (je ne me tenterai pas à une traduction, mais vous comprenez le sens) est devenu « Rhythm & Blues », notamment dans les charts des meilleures ventes (le Billboard américain). Toute une stratégie marketing s’est mise en place et le blues devint une jolie petite machine commerciale à destination des Afro-Américains vivant dans les grandes villes du Nord, mais aussi du public blanc qui commençait à véritablement s’enthousiasmer pour tous ces artistes.

Le deuxième effet : de très nombreux bluesmen se sont relocalisés dans les villes du Nord et Chicago est devenue l’une des nouvelles capitales du blues. Avec la progressive électrification du blues, une scène musicale est née, et même plus que ça puisque le Chicago Blues est devenu un style musical à part entière. Le label Chess Records régnait sur l’industrie, concurrencé un petit peu par Cobra Records, Bluebird Records, Alligator Records, Vee-Jay Recods et Sun Records. Contrairement aux cinq autres, Sun était basé à Memphis et signa notamment B.B. King et Howlin’ Wolf, avant de découvrir un certain Elvis Presley et de se jeter à corps perdu dans le rock’n’roll. Il ne faut d’ailleurs pas oublier que le rock’n’roll se développa à la même époque, complètement inspiré par le blues (le premier succès de Presley est une reprise de blues, « That’s All Right » par Arthur Crudup). Le public blanc du monde entier a vraiment commencé à cette époque à adorer des artistes comme Muddy Waters ou Howlin’ Wolf, et des tas de gamins nommés Keith Richards, Jimi Hendrix, Jimmy Page, John Mayall ou Eric Clapton se sont pris la claque musicale de leur vie en écoutant les vinyles sortis de chez Sun Records.

Il n’y avait évidemment pas que le Chicago Blues qui marchait à l’époque et de nombreux bluesmen restés dans le Mississippi, au Texas ou en Louisiane (la scène de la Nouvelle Orléans par exemple) ont réussi à tirer leur épingle du jeu et à sortir de nombreux tubes. Il n’y en avait pas non plus que pour les guitaristes puisque les harmonicistes comme Little Walter et Sonny Boy Williamson étaient de vraies stars. La figure incontournable de l’époque, aux côté de Muddy Waters, est Willie Dixon. 

Le blues corps et âme

Comment un très provincial chant de plainte passe, à la croisée des années 1960, d'un statut anonyme et réprouvé à celui de folklore universel.

Par Francis Marmande Publié le 31 juillet 2006 à 17h06 - Mis à jour le 31 juillet 2006 à 17h52

Le gospel à l'église et le blues au bordel ? Comment la plainte de quelques nègres, au bord du Mississippi ou dans l'est du Texas, a-t-elle pu se répandre ? Revenons à ces temps de nègres errants, diabolisés par les lyncheurs, stylisés par d'apprentis poètes, "héroïsés" par les gauchistes, démystifiés comme de juste par les musicologues. Temps, soit dit en passant, où dans certaines églises du Sud, la différence entre le Christ et le grand Adversaire a des airs de passoire. "To be blue" : avoir le cafard, broyer du noir. Toile de fond : les grandes croix en feu du Ku Klux Klan. Pour Jay-Jay Milteau, blues man français d'envergure internationale (il enregistre à Memphis), le changement d'échelle est sidérant : "Tout part de deux zones grandes comme un département français. Après quoi, à force de brassage, de chocs de cultures, tout s'étend : Charlie Patton (1887-1934), dans le Delta, Blind Lemon Jefferson au Texas, sont les premiers à déborder le cadre où ils exerçaient physiquement." En 1920, le premier enregistrement d'un blues (par une femme, Mamie Smith) signe à sa façon la fin de l'anonymat et de la culture orale. Figurons-nous un aveugle qui chante, autour du 2 août 1906, sur un trottoir de Terry Road, Jackson (Mississippi). Un voyou lui jette ce regard qui fait baisser les yeux : "Dans cent ans jour pour jour, man, le 2 août 2006, ce foutu blues que tu brames aujourd'hui sera sur toutes les lèvres. Tes trois accords en douze mesures, partout autour du monde, dans le rock, la variété, la chanson, rayonnement planétaire..." Quoi encore ? "Quoi ? les Blancs les plus célèbres du monde, Bob Dylan, Eric Clapton, Mick Jagger, Johnny Hallyday, Bono, seront riches de ton blues et riches grâce à lui. Ta musique désirée par tous, y compris par de jeunes Noirs de Jackson, au XXIe siècle, qui reprendront ce qu'en ont fait de petits prolos anglais." L'aveugle de Teddy Road se serait dit qu'il vaut mieux entendre ça que d'être aveugle. Ou que le diable probablement... Mais il n'y aurait pas cru.

Il aurait eu raison, puisque c'est très exactement ce qui est arrivé. A l'été 2006, B.B. King (né en 1925) fait sa tournée d'adieu. Il est le premier à avoir joint l'authentique au succès mondial. Mais à quel prix ! "La vraie discrimination est musicale. Moi, j'ai dû faire mes preuves chaque soir." Le blues est une histoire, une forme, une légende. La voix d'un peuple sans voix et la mémoire imaginaire de l'Afrique. Son histoire ? Elémentaire : l'histoire de l'esclavage. D'où vient la stupeur ? moins de l'abjection que de la résistance. Le blues cristallise à la fin de la guerre de Sécession. Les Noirs n'en sortent ni moins miséreux ni moins honnis, mais enfin, ils s'en sortent. Une voix singulière, un "je", prend en charge l'âme du peuple afro-américain. Lentement, les chanteurs vont porter leur propre surnom. Comme toutes les formes fixes, la forme blues est un carcan d'une extraordinaire liberté. Trois accords distribués en douze mesures, un coin de rue, des filles qui aiment les filles, ou pas ; l'hymne des garçons à la dive bouteille ; une guitare amochée, la vie de tous les jours plus l'amour. Quand ? tout le temps. Le blues est moins un style qu'une façon de vivre. Déclinaison infinie. Des clochards célestes s'agrippent en queue des trains pour voyager. Sans compter tous ceux, à commencer par le Villon du genre, Robert Johnson (1912-1938), qui au carrefour de deux highways (49 et 61), un soir plutôt rôti, signent avec le "Vieil Homme" (Ole Man dans le patois du Sud), le Diable en personne.

Personne n'est tenu d'y croire, puisque c'est arrivé. Pourquoi signent-ils avec le diable ? Pour jouer mieux. Mieux : plus vite ? plus fort ? non : plus à fond dans le blues, le feeling, le tempo. En 1937, l'historien John Hammond fait déjà de Robert Johnson, dans une revue communiste (New Masses), un chanteur engagé. Bob Dylan se souviendra de la leçon. Et les femmes ? A la maison comme à l'église, elles refilent l'esprit, la spiritualité, les spirituals. Dans les "vaudevilles", elles s'émancipent. Leurs bandes sont autant de phalanstères délurés, amoureux, profanes ; grande libération du monde mâle, la régression reviendra plus tard.

Le 14 janvier 1920, en studio (New York), le producteur Fred Hager, des disques Okeh, poireaute. La chanteuse (blanche) n'arrive pas. Pour ne pas perdre sa journée de location, il se laisse convaincre : Mamie Smith (1893 ou 1890-1946), la vedette de Perry Bradford, pousse la chansonnette. En tournée, elle a déjà remarqué qu'un coup de blues par-ci, par-là, ce n'est pourtant pas sa tasse de sirop, a toujours son petit effet. Crazy Blues, enregistré entre dix titres dans la journée, crée la mode des chanteuses. Bessie Smith (1894- 1937), Big Bill Broonzy (1897-1958), Skip James (1902-1969), Robert Johnson, toutes les personnalités du blues sont de vraies personnes excessives. Même les historiens prosélytes du genre ne peuvent s'empêcher de les évoquer sur le ton d'un pasteur puritain.

C'est qu'ils ont fort à faire. On connaît des blues sans jazz, mais jamais de jazz sans le blues. De tous les corps où s'incarne le blues, il ne reste du plus mythique, Robert Johnson, que deux photos, dont une châtrée de sa cigarette pour en faire un timbre commémoratif (1994). Deux photos, mais quelle voix ! Tels qu'ils vivaient, tels qu'ils fumaient, tels qu'ils aimaient et buvaient, les chanteurs de blues n'auraient aujourd'hui pas la moindre chance. A l'époque non plus, d'ailleurs. Début des années 1960 : pourquoi la figure de Robert Johnson vient-elle hanter de jeunes Blancs qui la révèlent à l'Amérique ? Ses sept naissances plus ou moins attestées (entre 1910 et 1912) ? Ses sept disparitions ? Ses sept tombes éparpillées ? Ses folies ? Oui, sans doute. "Le défigurement des archives d'état civil noir est une constante de la vie du Sud. De Richard Wright à Toni Morrison, tous le répètent", note François Lachaud, harmoniciste et érudit. Mais comment expliquer cette lente percée de la voix étouffée des parias ? Leur voix, cette humaine violence, la transgression des timbres, leurs voix d'homme, de femme et d'enfant dans la gorge. Ce défi à l'ordre blanc. Les vies de Robert Johnson, son départ en idiot du quartier suivi d'un retour en héros inexplicable d'un genre qu'il fonde, sa façon de jouer n'importe où pour peu qu'il y ait un coup à boire et des filles, tout embrase ce mythe sur lequel s'épuisent universitaires, chanteurs et prolos. Robert Johnson ne se fige pas dans la quarantaine d'airs gravés entre 1936 et 1937, avant qu'un mari contrarié ne l'empoisonne : juste après son premier engagement de luxe (From Spirituals to Swing : en 1938 à New York). Le mythe est sur orbite. Dans les marécages de Poachers (Tom Franklin, 1999), ces écriteaux émergent des vapeurs méphitiques : "Ici, le Christ ne te sauvera pas !"

Quand, le 18 octobre 1962, l'American Folk Blues Festival débarque à minuit à l'Olympia (de John Lee Hooker à T. Bone Walker), pour peu que vous ayez 17 ans, la vie bascule. Des titres servent de noms de groupes : le plus célèbre est celui de Muddy Waters, Rolling Stones, repris par la bande à Jagger. Cela dit, tandis que les Stones roulent sur l'or, Muddy Waters continue de rouler sa bosse. Un soir, il est coincé dans le Bronx faute de pouvoir payer les billets de retour de l'orchestre. Pourquoi les Anglais ? Milteau répond : "Parce que ce sont des vrais prolos. Toute la musique du XXe siècle vient des prolos, des Noirs, des juifs, des Tziganes..." Le deuxième étage de la fusée se déclenche au cours des années 1970 et suivantes : changement radical de rapport à l'Histoire, aux technologies, à l'inscription du sujet, droits civiques, cela s'appelle l'aurore ou la révolution. Est-ce bien sérieux de jouer le blues en 2006 ? "Franchement non, dit Milteau. Mais c'est comme la peinture italienne ou la gastronomie française. Ça relève du patrimoine universel. On ne peut pas y couper." Du Festival de Montreux à celui de Juan-les-Pins, B.B. King masque son amertume sous une extraordinaire courtoisie de jovialité. Johnny, le grand Johnny, hapax provincial, continue de lancer à tue-tête : "Tûûte la mûsiqueue queue j'aimeu, Elle vient de là, elle vient du blues..." Personne ne peut y couper. Passons donc aux travaux pratiques : récupérez à la décharge une vieille gratte. Montez six câbles de frein de vélo (moins cher que des cordes). Accordez à l'amiable. Travaillez nuit et jour la sainte "grille" : douze mesures distribuées en trois phrases, trois accords (tonique, sous-dominante, dominante : do-fa-sol, par exemple), puis, d'une habile épaulée jetée du petit doigt de la main gauche, saupoudrez de septièmes et de "notes bleues". Le rythme et les mots viendront tout seuls. Tout dépend de votre vie même : "De toute façon, quand je chante sur un campus, racontait naguère Lightnin'Hopkins, je ne dis pas la même chose que dans les clubs noirs de Houston. Il y a des trucs qu'on ne peut pas leur dire, aux petits étudiants blancs. Et même si je les disais, ils ne me comprendraient pas." A tout hasard, signez le pacte avec le diable. On n'a rien sans rien.

Francis Marmande


 

 

All that Jazz

Par Arnaud Merlin  (Arnaud Merlin Production)

les années 60 à grandes enjambées. Une décennie au cours de laquelle Charles Mingus mêle le blues et ses propres racines spirituelles dans des compositions transcendées par l'énergie des concerts. Affleure également son inspiration politique, qui le voit s’opposer violemment au gouverneur de l’Arkansas, Orval Faubus, tristement célèbre pour s’être montré hostile à la scolarisation de jeunes élèves noirs dans le lycée central de Little Rock en 1957-1958, à travers ses Fables of Faubus. Une pièce qu'il reprendra dans une version non expurgée parue sur le label Candid en 1960.

Désireux de « se libérer de toutes les chaînes, les chaînes invisibles comme les chaînes réelles », il laisse en 1961, sur le disque « Oh Yeah », la contrebasse à son confrère Doug Watkins afin de se concentrer sur le piano. C’est aussi l’occasion d’accueillir dans son groupe le polyinstrumentiste Roland Kirk, aux côtés des habitués Jimmy Knepper au trombone, Eric Dolphy à l’alto, Booker Erivin au ténor et DannieRichmond à la batterie.

 

En septembre 1962, Charles Mingus se retrouve en trio aux côtés de son camarade de bebop le batteur Max Roach, et de son idole de toujours, Duke Ellington, pour la composition ellingtonienne Fleurette africaine.
En amoureux fou de Duke Ellington, Mingus se montre souvent proche de son modèle lorsqu’il se confie au piano solo. Tel est le cas en juillet 1963, pour un album entier gravé pour le label Impulse.

Au cours du printemps de l’année suivante, en 1964, Charles Mingus est en tournée avec un sextette idéal : Eric Dolphy, qui alterne entre l’alto, la clarinette basse et la flûte, le saxophoniste ténor Clifford Jordan, le trompettiste Johnny Coles, le pianiste Jaki Byard et le batteur Dannie Richmond. On les suit à la trace, grâce à des enregistrements de concerts, en mars à la Cornell University, en avril à New York, en Europe, notamment à Paris, à la Salle Wagram puis au Théâtre des Champs Elysées, sans Johnny Coles, malade. Quant à Dolphy, il mourra à Berlin en juin de la même année - ces enregistrements constituent des témoignages historiques de première main, aujourd’hui réédités.

Profondément imprégnées par le répertoire New Orleans comme par le blues, les compositions de Charles Mingus traduisent son attachement à ses racines et à l’histoire de la musique américaine, lui qui aimait parcourir toute l’épopée du jazz.

Charles Mingus accompagné du pianiste  Bud Powell, des saxophonistes Eric Dolphyet, Booker Ervin,du trompettiste Ted Curson et du batteur Dannie Richmond,au Festival de Jazz d'Antibes le 13 juillet 1960 :

Arnaud Merlin Production

L’appel du blues 
par Jacques Denis 

Récurrente outre-Atlantique, la question de l’esclavage interroge en creux la culture qui a su en naître : le blues. Musique du diable, selon la légende... Le grand bluesman Robert Johnson aurait même signé un pacte avec le Malin, à un carrefour : son âme contre la gloire. Mais ce genre d’histoires, ce sont de jeunes blancs-becs bercés par le romantisme de l’antiracisme des années 1960 qui les ont colportées. Sa chanson fameuse Crossroad Blues (« Le blues du carrefour »), un des hymnes du blues rural, gravé en 1936, raconte tout simplement la rude vie des Afro-Américains du Deep South, ces anciens Etats confédérés où l’humiliation et la ségrégation étaient l’ordinaire de la vie. D’ailleurs, le quotidien est bien davantage marqué par les relations au Tout-Puissant qu’à Lucifer.

C’est ce qui frappe à la lecture du livre de William Ferris (1), une bible pour tous les amateurs du genre. L’auteur, photographe, universitaire et réalisateur, né en 1942 dans le Mississippi, a parcouru depuis le début des années 1960 et pendant près de deux décennies, muni d’un magnétophone, d’un appareil photo et d’une caméra, les lieux où il a grandi, afin de collecter la parole des sans-voix au moment même où ceux-ci accèdent enfin aux droits civiques. Or ces « voix » enfouies dans les méandres du fleuve immense témoignent d’une foi sans faille, malgré tout et tous.

« L’appel que j’ai entendu était un peu comme celui de Moïse quand il dut retourner en Egypte pour en faire sortir son peuple. » Les premiers mots du révérend Isaac Thomas, de la paroisse de Rose Hill, donnent le diapason. L’une de ses ouailles, Mary Gordon, confie louer son Créateur lorsqu’elle est aux champs, avant d’entonner un plus païen You Shall Be Free, où la fille d’esclaves parodie les prédicateurs… Les témoignages recueillis offrent une version assez complète de l’envers (l’enfer…) du décor. Au micro du folkloriste, quelques artistes connus (B. B. King, Othar Turner, Willie Dixon) et surtout de nombreux inconnus (dont les prisonniers du pénitencier de Parchman) parlent simplement de leur vie, de leur lien avec la communauté et de la musique. Tous incarnent les racines du blues, la bande-son d’une oppression où les superstitions des ménestrels afro-américains disent à mots couverts la colère qui gronde des opprimés, qui trouvent la voie de l’émancipation rédemptrice grâce à la musique, si l’on en croit LeRoi Jones (Amiri Baraka), l’auteur du Peuple du blues, décédé début 2014.

Ce calvaire fut peu ou prou le même du nord au sud des Amériques. C’est ce que confirment les trois CD de la compilation Slavery in America (2). Le blues y tient encore une place essentielle, tout comme ses héritiers, la soul, le jazz et le funk, scansion sonore des combats pour les droits civiques. Mais ce ne sont pas les seuls à composer une critique du système « planteur » : sous le vernis de l’humour noir, le calypso fait passer des messages explicites, comme sur le génial The Slave, de Mighty Sparrow. Cette même volonté de ne pas se taire se retrouve, autrement formulée, dans des musiques plus connectées aux forces mystiques, comme les syncrétiques candomblé brésilien et santeria cubaine, qui permirent à nombre de déportés de préserver sous le masque des saints chrétiens leur propre panthéon. Persistance de la mémoire rime alors avec résistance. « De leurs voix obstinées et d’instruments improbables, ils érigèrent la musique en art total. Inépuisable. Ils firent ainsi l’expérience de l’invincibilité », souligne Mme Christiane Taubira dans la préface de ce coffret. Mieux, cette mémoire résonne jusqu’à aujourd’hui. Ce que nous rappelle Eric Bibb (3), « troubadour engagé » dont l’album invoque l’aura de LeRoi Jones : plus qu’un rappel des faits (dont le massacre de Rosewood, en 1923…), les quinze titres qui le composent invoquent les aînés pour mieux interroger l’actualité tourmentée des Afro-Américains et interpeller les autorités. Encore un coup de ce satané blues, totalement transfiguré.              Jacques Denis  Journaliste.

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