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Publié par J.L.D.

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14 styles musicaux africains à explorer

Le continent africain est un terrain riche de styles musicaux divers. le musicien et professeur Zimbabwéen Chartwell Dutiro  présente certains styles musicaux populaires et moins connus d’Afrique et de choisir quelques écoutes essentielles.

1. SOUKOUS

Le soukous est une forme de musique issue de la rumba. Le regretté Franco Luambo, décédé en 1989 (alias Luambo Makiadi), a joué de la musique soukous avec son groupe OK Jazz pendant 30 ans. Plus tard surnommé TPOK Jazz, le groupe a joué des sons cubains, mais Franco a également fait un usage important des rythmes et des thèmes de sa maison au Congo belge, ce qui lui a valu le titre de « Sorcier de la guitare ».

La musique soukous est originaire du Zaïre, aujourd’hui la République démocratique du Congo. Les musiciens zaïraïriens ont cherché des moyens de dépouiller la musique Rumba. L’artiste conogolese basé à Paris, Papa Wemba, décédé en 2016, s’est produit avec deux groupes -Viva la Musica pour soukous, et Molokai, mettant en vedette des joueurs de session Français, pour sa musique pop crossover.

Papa Wemba : Yolele

2. JUJU

Le style Juju est originaire du Nigeria, un pays qui a produit de nombreux styles qui ont réussi à se répandre dans tous les pays d’Afrique de l’Ouest, y compris juju, jaija, fuji, ozzidi, vin de palme, highlife et afrobeat. Je vous présente ici le groupe Les Amazones d’Afrique,qui est un collectif entièrement féminin de musiciens ouest-africains qui militent pour l’égalité des sexes. Les chanteurs sont originaires du Bénin, du Mali, du Nigeria et de Guinée. Ils utilisent une variété de styles sur leur premier album,y compris la musique Wassoulou, Griots Pop, ainsi que l’afrobeat nigérian et la naija pop en combinaison avec l’EDM et la techno ambiante.

Les Amazones d’Afrique - Mansa Soyari 

3. MBALAX

Un style de musique populaire sénégalaise connu dans la langue sérère sous le nom de mbalax,il dérive de la tradition musicale sérère conservatrice de Njuup. En 1979, le « Petit Prince de Dakar » Youssou N’Dour forme les Super Etoiles et devient le représentant le plus populaire de la pop mbalax sénégalaise. En plus de sortir de dakar, la capitale dominée par les Wolofs, il utilise des polyrythmes traditionnels de tambour sabar et tama. Youssou a construit un immense studio d’enregistrement à Dakar appelé Xippi ou « Eyes Open ». En 1994, la collaboration de Youssou avec la chanteuse hip-hop américano-britannique Neneh Cherry – la chanson '7 Seconds' – s’est vendue à plus de 1,5 million d’exemplaires et a remporté le prix mtv europe de la meilleure chanson.

Youssou N’dour et le Super Etoile de Dakar - Immigrés

4. ZILIN

Le zilin est un style enraciné dans la technique vocale traditionnelle unique du Bénin. La forte influence de la religion vaudou est une partie importante du Bénin, qui raconte la guérison et le rajeunissement des talismans (fétiches). Angelique Kidjo – la reine de la pop crossover africaine, utilise la technique vocale zilin. Angélique a souvent été critiquée pour avoir abandonné ses racines africaines, mais l’impact de sa carrière sur la musique africaine est indéniable. Maintenant basée à New York, elle retourne souvent dans son village natal Ouidah pour trouver une inspiration spirituelle.

« Le monde devient de plus en plus petit, je chante sur des problèmes qui ne sont pas seulement au Bénin ou en Afrique. J’écris pour tout le monde. ~ Angélique Kidjo

Angélique Kidjo: Agolo

5. GNAWA

Gnawa, également connu sous le nom d’Ethno-Pop ou Gnawi Blues, vient du désert du Sahara. Ce style de musique est basé sur un répertoire nord-africain d’anciens chants et rythmes religieux spirituels africains. Son patrimoine bien conservé allie poésie rituelle et musique et danse traditionnelles. Le Maroc a capturé la ville malienne de Tombouctou au 16ème siècle et a amené des esclaves parlant le bambara à travers le Sahara. Le fait que le principal instrument à cordes du gnawa– le sintir ou gimbri – ressemble à une grande version du ngoni bambara, suggère que beaucoup de gnawa sont venus de là. Les villes marocaines ont longtemps soutenu les groupes « populaires » de shaabi jouant dans les cafés et enregistrant des cassettes pour le marché local. Hassan Hakmoun et son groupe prennent cette ancienne tradition musicale marocaine et la mettent à jour avec une vitalité initiale.

Hassan Hakmoun - Soudan Minitara (Mélange Bumbastic)

6. MBAQANGA

Mbaqanga vient d’Afrique du Sud. Le mot signifie « boulette » en zoulou, mais dans ce cas signifie « fait maison ». Mbaqanga s’est développé à partir de deux styles antérieurs - kwela, puis le rauque- et jive. Il a pris de l’importance dans les clubs de shebeen illégaux dans les townships d’Afrique du Sud. Peut-être le son pop le plus dur d’Afrique, il offre des riffs fringants et des harmonies vocales moelleuses sur une basse downbeat et gémissante. L’Afrique du Sud, comme le Nigeria, a un très large éventail de styles allant du marabi (qui est la racine du jazz sud-africain) à la highlife locale, au reggae et à la musique chorale zouloue connue sous le nom de mbube. Shikisha est un groupe de femmes zouloues de Durban, en Afrique du Sud, qui mélangent les danses traditionnelles zouloues, sotho, xhosa et shangani avec les sons électriques brûlants du township sud-africain contemporain. Le nom Shikisha signifie « ceinturez-le, dansez et chantez comme vous ne l’avez jamais fait auparavant ».

Shikisha - Bayeza

7. CHIMURENGA

Chimurenga est un style musical qui est né de chansons de lutte de libération. Des musiciens de la majorité Shona du Zimbabwe ont créé un nouveau son pop basé sur le carillon, les mélodies cycliques et le rythme de la mbira. La mbira est un instrument sacré joué dans des cérémonies rituelles nocturnes appelées bira,afin de se connecter avec les esprits des ancêtres. Thomas Mapfumo a popularisé le son Chimurenga et joue encore la musique aujourd’hui avec son groupe, The Blacks Unlimited.

Thomas Mapfumo et Les Noirs Illimités - Mukadzi Wangu

8. MAJIKA

Majika adapte les rythmes locaux xigubu, mapika, tufu et marabenta originaires du Mozambique. La musique du groupe Ghorwane présente des versions sautillantes du rythme majika local dans un ragoût musical qui voit les guitares mélanger rock et soukous licks, et des voix en forme de cor dans un style qu’ils appellent quilapanga, merengue angolais et bravade latine épicée. Dirigés par Tchika Fernando, les Ghorwane ont été nommés d’après un lac qui fournit peu d’eau dans la province sèche de Gaza.

Ghorwane - Majurugenta

9. UBONGO

Ubongo a des racines de ngoma, vugo, kumbwuya et le chakacha avec ses connotations sexuelles, qui animent la plupart des formes de taarab: la musique qui explore la romance et le mariage en Tanzanie. Swahili pour « musique du cerveau » mais il a aussi du cœur, le bongo est issus des pauvres urbains de Dar es Salaam. Remmy Ongala aborde des questions sociales et politiques épineuses à travers une musique créée dans ce style. Dans cette piste, il promeut l’utilisation de préservatifs pour se protéger contre le sida. La chanson s’est avérée trop importante pour Radio Tanzanie, qui a refusé de la jouer. Mais les spectacles en direct et les cassettes du marché noir ont fait en sorte que peu de Tanzaniens urbains ont manqué le message.

Remmy Ongala - Choses avec des chaussettes

10. INKIRANYA

Inkiranya est un style de tambour qui a son origine au Burundi. Les Batteurs du Burundi sont l’un des plus beaux exemples de ce type de musique. Leurs performances font partie de cérémonies telles que les naissances, les funérailles et les couronnements de mwami (rois). Les tambours (appelés karyenda)sont sacrés au Burundi et représentent la fertilité et la régénération mwami.

Les batteurs du Burundi - Live at Real World

 

11. VIN DE PALME

La musique du vin de palme remonte à l’époque où les marins portugais introduisirent pour la première fois les guitares dans les villes portuaires d’Afrique de l’Ouest. Les premiers guitaristes africains et percussionnistes de bouteilles ont joué lors de rassemblements où les fêtards buvaient la sève fermentée des palmiers, une alternative traditionnelle à la bière en bouteille. S.E. Rogie, le plus grand ambassadeur de la musique du vin de palme, a commencé sa carrière en tant que « Jimmy Rodgers de Sierra Leone ». Il meurt en 1994, peu après la sortie de l’album Dead Men Don’t Smoke Marijuana sur Real World Records.

S.E. Rogie - Jaimgba Tutu (La joie du succès)

12. BENGA

Benga a ses racines dans la musique du peuple Luo du Kenya. Dans la capitale de la musique d’Afrique de l’Est, Nairobi, l’African Broadcasting Service diffusait autrefois un mélange de musique de danse cubaine, de rumba du Congo ancien et de guitare à doigts zaïraïn, ainsi que de kwela sud-africain et de sons traditionnels, principalement du Luo et du Kikuyu, originaires du Kenya.

Le Nyatiti est un instrument du peuple Loo, et est utilisé dans la pratique spirituelle ainsi que pour accompagner les chants de louange historiques. Lors de sa première visite aux Real World Studios, l’auteur-compositeur-interprète kenyan Ayub Ogada a refusé d’enregistrer à l’intérieur du studio de Real World, jouant plutôt un concert à l’extérieur qui a duré trois heures. À la fin de sa performance, la majorité de son album En Mana Kuoyo avait été enregistrée.

Ayub Ogada: Chiro

13. JAZZ SOMALIEN

La langue et la musique de la Somalie sont un mélange d’influences africaines et arabes. La vie et l’art de Maryam Mursalse sont entremêlés pour produire un son qui reflète profondément ces influences : un puissant mélange d’islam et d’Afrique qu’elle appelle « Somali Jazz ».

Maryam Mursal: Lei Lei

14. RABABAH

Les cultures pharaoniques, romaines, byzantines, arabes, éthiopiennes et d’Afrique de l’Est et de l’Ouest ont toutes des échos dans la région de Nubie dans le sud de l’Égypte. Un groupe de Soudanais a immigré dans le sud de l’Égypte il y a sept générations. Mais une famille d’origine soudanaise, les Mataqil, a une alliance de longue date avec des familles tsiganes spécialisées dans l’art du chant. Shamandi Tewfiq Metqal avec son ensemble Les Musiciens du Nil incarne cette forme de chant traditionnel sous une forme poétique épique. 

Musiciens du Nil - Salamat

Le contact ou le choc des civilisations a produit la musique africaine urbaine dite "moderne". Dès 1920, les musiques des terroirs ethniques se sont frottées en ville aux mélodies venues d'ailleurs. Au fil des décennies, plusieurs vagues générationnelles ont porté la musique moderne, congolaise et camerounaise, au niveau international qu'elle a atteint dans les années 1980. Cette récapitulation des années glorieuses a le mérite de sortir de l'ombre des chanteurs, compositeurs, musiciens peu connus du grand public.

 

Musique africaine et répertoire choral

Ambroise Kua-Nzambi Toko — mai 2014. 

La musique africaine

Ambroise Kua-Nzambi Toko — mai 2014. 

Berceau de l'humanité et terre de la diversité culturelle par excellence, l'Afrique n'a plus le droit d'assister impuissante à la disparation de son patrimoine artistique, notamment le fond musical non moins riche ayant pu se conserver malgré les vicissitudes historiques, les pressions continues et croissantes des cultures « dominantes » ainsi que les diverses transformations dues au brassage humain, culturel et social ayant caractérisé son histoire.

Les innombrables résidus de chants issus de diverses traditions, véritables vestiges d'une intense activité artistique, faisant à l'heure actuelle l'objet de plusieurs études ethnomusicologiques, devraient nous interpeller au plus haut niveau.

Par rapport aux époques, aux aires géographiques, aux groupes ethniques et aux pratiques religieuses, il ressort que l'art africain a toujours présenté une diversité immense de modes d'expressions artistiques bien que possédant en général une logique créatrice et une esthétique qui lui est propre.

Ainsi, comme on le sait tous, l'expression « Musique africaine » pose d'énormes difficultés tant dans sa description que dans sa définition, à cause de toute la complexité qu'elle présente. Il faudrait nécessairement se situer dans l'espace et dans le temps pour parler de la musique africaine. D'où toute l'importance de circonscrire le sujet qui exige que l'on tienne compte des singularités propres à chaque source productrice. En occurrence, la musique négro-africaine, la musique afro-arabe, la musique afro-américaine, les musiques produites par les africains, les musiques interprétées par les africains, la musique ouest-africaine, la musique congolaise, la musique sud-africaine, la musique des bantous, des zoulous, etc., sont donc autant d'exemples des « Musiques d'Afrique ».

Les musiques d'Afrique

L'Afrique est le continent de la diversité linguistique, culturelle et religieuse. Outre ses 2011 langues, ses plusieurs milliers de tribus, elle constitue l'un de grands carrefours des religions au monde, y compris les innombrables sectes qui, au jour le jour, ne cessent d'y proliférer.

On se rappellera que le continent africain a aussi été le lieu de convergence d'un grand nombre de courants coloniaux et postcoloniaux desquels il a subi, très souvent de façon unilatérale et passive, des influences culturelles et diverses.

En termes de religion, de langue, d'architecture, de culture et d'art, l'Afrique moderne, surtout « chorale » a donc plus importé qu'exporté. Ce qui justifie en majeure partie, les multiples tendances et expressions actuelles des musiques d'Afrique. on citera entre autre : Les musiques urbaines (modernes), qui sont celles jouées dans les villes, les grandes métropoles. Très séduites par la modernité, elle résulte de l'interaction quotidienne et incessante des formes, des genres et styles tant importés que locaux. Elle domine la scène musicale ; la musique tradi-moderne, qui est celle qui s'inspire de la musique traditionnelle et qui associe les instruments modernes ; la musique folklorique, qui est le fruit du métissage entre la musique traditionnelle et celle qui est importée, elle est issue du folklore ; la musique traditionnelle pure, qui est celle liée aux traditions. Elle se réfère à une aire géographique, à une peuplade et, est dénuée au maximum de toute influence extérieure ou moderne ; la musique ethnique, qui est propre à une ethnie donnée ; la musique populaire, dont le répertoire est commun, accessible à tous ; etc.

Les différentes expressions des musiques d'Afrique jouissent enfin d'une singularité liée tantôt à une aire géographique, à une peuplade, à une époque ou soit à un courant philosophique ou religieux.

Les musiques traditionnelles d'Afrique

Sources potentielles, Caractéristiques essentielles, thématiques

Au départ très liée aux traditions, la musique en Afrique, accompagne la vie. Elle représente comme la langue, la religion ainsi que certaines pratiques traditionnelles, l'une des bases importantes de la société traditionnelle. Elle est en générale d'essence circonstancielle, fonctionnelle et rituelle.

Dans un monde moderne ou l'évolution a atteint sa vitesse de croisière, les sources les plus sûres et les plus authentiques des musiques traditionnelles ont tendance à disparaître.

La tradition orale, qui a longtemps constituée le moyen le plus aisé utilisé pour la conservation de la musique ainsi que d'autres traditions, ne peut elle-même nous assurer que d'un faible degré de fiabilité quant à l'information transmise car, il est bien clair qu'aujourd'hui certains vestiges de chant et musique traditionnels nous provenant du fond des âges nous sont transmis dans des versions variées, chacune se réclamant parfois être plus originale.

De toute évidence, les musiques traditionnelles ont donc comme sources potentielles :

- Les airs des contes, comptines, fables, fabliaux et mythes anciens,

- Les villages les plus enclavés dans lesquels persistent encore certaines pratiques,

- Les sages et grands chefs traditionnels, qui sont les dépositaires des traditions,

- Les contenus des répertoires des groupes folkloriques et traditionnels existants,

- Les lieux et sites historiques dont l'histoire est étroitement liée à la pratique de la musique,

- Les événements et rassemblements populaires qui constituent des moments d'intenses émotions et des occasions propices pour entonner ou improviser le chant, la danse,

- Les instruments anciens reproduits ou conservés jusqu'à ce jour,

- Les sectes et religions d'Afrique dans lesquelles se conservent et se perpétuent les traditions artistiques les plus anciennes, car les pratiques dites sacrées ont souvent l'avantage de résister aux influences et donc de se transmettre de génération en génération.

Thématiques

Dans une perspective comparative, il paraît clair que les musiques traditionnelles d'Afrique abordent des thèmes variés dans lesquels l'Homme, la nature, les Esprits ainsi que les Divinités en constituent les centres principaux d'intérêt.

Elles relatent souvent de façon lyrique ou dramatique, toutes les péripéties de la vie (naissance, décès, intronisation, initiation, rite de passage, exorcisme, divination, proclamation des oracles et prophéties, divertissements, mariage, pêche et chasse collective, cérémonies à caractère cultuel ou festif, jugements...), mettant ainsi en relief toute sa quintessence ainsi que sa propriété singulière de « Musique-objet », une musique véritablement au service de l'humanité pour la régénération des âmes, et dont l'homme se sert principalement pour des fins pures et sacrées. Les thèmes et sujets tels que les berceuses, les divertissements tant infantile que juvénile, les complaintes, les satires, les palabres, les épilogues, la séduction, la jalousie, la provocation, la dénonciation, la confession, l'égoïsme, les épopées, les chants moralisateurs, les élégies, les chansons funèbres, les chants et cris des opprimés, les chansons narratives, les chants des cultivateurs, les chants des sages, les chants de louange pour vénérer les grands chefs, etc., en fournissent des preuves.

Echelles, modes, caractères, rythmes

Les musiques traditionnelles d'Afrique sont construites sur plusieurs échelles et modes. Elles sont plus à tendance modale que tonale. On devra reconnaitre à l'Afrique son attachement à la modalité par rapport à la musique occidentale qui elle, est partie de la modalité à la tonalité, défiant même l'atonalité jusqu'au sérialisme.

Néanmoins, on y retrouve aussi d'autres modes identiques ou proches aux modes anciens comme le dorien, le myxolydien, etc., des échelles diverses (bi-tonique, tri-tonique tétra-tonique ainsi que d'autres ; l'échelle pentatonique étant celle qui prédomine). On notera le rarissime emploi du chromatisme et du dodécaphonisme.

Les chants les plus anciens sont souvent de type responsorial et antiphoné.

Les monodies accompagnées, les structures canoniques ainsi que les homophonies ayant fait l'objet d'un usage courant dans le passé.

L'un des points forts et communs des musiques traditionnelles d'Afrique est leur dimension lyrique et dramatique. Loin d'être insipide, elles sont pleines de caractère et traduisent les émotions avec un maximum d'intensité.

La musique africaine tant vocale qu'instrumentale, héritées de nos traditions, est très mobilisatrice, participative, interactive et suggestive. Elle fait souvent appel à l'être tout entier, mobilisant toute son énergie et ne laissant indifférent tant ses acteurs que ses spectateurs.

L'utilisation de façon singulière de la percussion est l'une des caractéristiques les plus remarquables sinon les plus saillantes de l'organologie africaine.

Les divers instruments de percussion d'usage courant dont les idiophones et les membranophones tout comme certains cordophones et aérophones, offrant des variétés de rythme, de sonorité et de caractère, laissant libre-cours à l'improvisation et inspirant une expression totale et collective, incarnent de façon éloquente toute la force et la puissance du lyrisme africain.

Au commencement était le rythme, le rythme accompagne tout et inspire tout. Le rythme, c'est de la musique. Il y a des « rythmes » congolais, sud-africains, togolais, manianga, yombe, mbunza, etc.

Pour l'Afrique profonde, le rythme est essentiel, il paraît même comme l'élément primordial, il est très suggestif et inspirateur, il agit parfois comme une corde liant acteurs et spectateurs. Son magnétisme est fort.

Si l'occident a porté la polyphonie à son plus haut point, l'Afrique défend sa musique liée au rythme allant du simple au complexe (arythmie et polyrythmie).

Nous ne donnons pas ici raison à Pierre Desproges qui a affirmé que l'africain a le rythme dans son sang mais il s'agit d'une composante de la musique que l'Afrique a intégré dans la culture.

Le triade incontournable « chant-danse-instrument » a plus cédé sa place à la magie du triade «rythme-danse-percussion ».

Le répertoire choral africain

Plusieurs missionnaires arrivés en Afrique se sont intéressés à la production artistique locale et ont donc pu transcrire certains chants, les adapter et les arranger.

Il va de soi que les polyphonies chorales africaines soient plus issues, soit des mélodies anciennes arrangées pour le chœur ou soit des œuvres contemporaines produites par les africains en s'inspirant des formes et styles tant locaux qu'importés.

En toute logique, le mouvement choral en Afrique s'est plus enrichi d'un répertoire religieux et ce, surtout pendant la deuxième moitié du siècle passé. Séduit par les œuvres d'anthologie de la renaissance, de l'époque baroque et classique, le mouvement choral africain a donc coopté ces chants importés en les intégrants dans son repertoire. Il y a plus de deux décennies, seuls les chœurs capables d'interpréter Mozart, Haendel, Bach, Beethoven, Saint-Saëns, Haydn et autres étaient considérés comme des chœurs de premier plan alors que ceux exploitant les styles traditionnels ou interprétant les pièces répertoire contemporain produit par les compositeurs africains de la première génération, étaient vite relégués au bas de l'échelle.

Notons qu'il existe jusqu'à l'heure actuelle d'innombrables mélodies, anciennes ou populaires, à forte vocation polyphonique qui par des arrangements musicaux contextuels et très subtils, peuvent se révéler être considérée comme de grandes œuvres chorales d'Afrique pouvant naturellement figurer dans le cercle fermé des œuvres chorales mondiales d'anthologie.

Imaginez des chœurs interprétant avec brio des chants bien adaptés et arrangés tels que : Malaika (Tanzanie), Anigye abao (Ghana), Wallaye (Sénégal), Umahlalehla (RSA), Zangalewa (Cameroun), Iso e Iso e et Ngiele ngiele (RDC).

Voilà un projet majeur qui devrait intéresser tous les acteurs et chercheurs du monde choral. Les arrangements de légende qu'ont faits les contemporains comme Moses Hogan, Robert Shaw, William Dawson et autres, à partir de bon nombre des negro-spirituals traditionnels ne peuvent que nous inspirer davantage.

Le répertoire choral africain est comparable à un puzzle dont les éléments sont éparpillés. L'Afrique possède des styles de chant sacré, traditionnel, populaire identifiables dans leur forme, leur fond, leur sonorité, leur rythme, leur type de polyphonie ainsi que dans les éléments organologiques qui les caractérisent. Il est temps donc que ces œuvres composées par les africains soient cataloguées et mises à a disposition de l'humanité pour les générations à venir et que les techniques d'innombrables styles de chant authentiquement africains soient étudiés et maitrisés pour des fins artistiques très utiles car, comment interpréter une œuvre africaine (sonorité, prononciation, rendu, attitude, gestuelles …), comment la diriger et qu'est ce qu'il y a d'africain dans tel ou tel autre chant dit africain ? Voilà des questions qui nous sont souvent posées par des européens et d'autres non-africains ayant eu l'occasion de participer à différents ateliers et master classes que nous avons animés et dirigés plusieurs fois sur la musique africaine.

Ayant tout pour produire une musique chorale richissime, qu'on se le dise, l'Afrique a beaucoup à donner au monde.

Ambroise Kua-Nzambi Toko
Mai 2014

Chef du Chœur Africain des Jeunes (2012-2014)
Chef de Chœur la Grace de Kinshasa (depuis 1985)
Vice-président de la Fédération Congolaise de Musique Chorale
Membre du Conseil International d'À Cœur Joie et de World Choir Games
Directeur de l'Académie Africaine de Musique Chorale

« Quand on pense à la pop africaine contemporaine, la kora n’est pas le premier instrument qui vient à l’esprit. Un instrument à cordes avec un son semblable à celui d’une harpe, il fait partie de la musique tribale traditionnelle africaine depuis des siècles - et pour la plupart, les paramètres traditionnels sont là où vous pouvez vous attendre à le trouver. Néanmoins, la kora n’a pas été exclue de la pop africaine, et elle est utilisée à la fois pour des sons traditionnels et plus modernes sur cet album enrichissant du virtuose malien de la kora Mamadou Diabate. Issus d’une famille de griots Manding, Diabate est bien scolarisés dans la musique tribale traditionnelle mais est également ouvert à des éléments plus modernes. Une grande partie du Tunga est assez traditionnelle - « Djanjo », par exemple, est une pièce qui remonte au 13ème siècle - mais « Dounuya » a de fortes tendances blues, et c’est parmi les morceaux qui emploie un bassiste électrique, Cheick Barry. L’autre bassiste entendu sur cet album est Ira Coleman, un bassiste de jazz acoustique qui a joué avec des grands noms tels que Joe Henderson, Herbie Hancock et la regrettée Betty Carter, et rejoint Diabate sur cinq des neuf titres de Tunga. Qu’il incorpore des éléments occidentaux ou qu’il privilégie une approche traditionnelle, Diabate apporte beaucoup de charisme à cet album engageant, principalement instrumental. »

- Alex Henderson

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la kora: instrument à cordes d’Afrique de l’Ouest 

Les musiques en Afrique, révélateurs sociaux

Fela Kuti (1938–1997)

Le musicien et activiste Fela Kuti a été le pionnier de la musique afrobeat et a été arrêté et battu à plusieurs reprises pour avoir écrit des paroles qui remettaient en question le gouvernement nigérian.

À partir des années 1960, Fela Kuti a été le pionnier de son propre style de musique appelé « Afrobeat ». Se rebeller contre les régimes oppressifs à travers sa musique a coûté cher. Kuti a été arrêté 200 fois et a subi de nombreux passages à tabac, mais a continué à écrire des paroles politiques, produisant 50 albums avant de mourir le 2 août 1997 à Lagos, au Nigeria.

 

Le musicien et militant politique Fela Kuti est né Olufela Olusegun Oludotun Ransome-Kuti le 15 octobre 1938 à Abeokuta, au Nigeria. Kuti était le fils d’un pasteur protestant, le révérend Ransome-Kuti. Sa mère, Funmilayo, était une militante politique. Enfant, Kuti a appris le piano et la batterie et a dirigé la chorale de son école. Dans les années 1950, Kuti a dit à ses parents qu’il déménageait à Londres, en Angleterre, pour étudier la médecine, mais a fini par fréquenter le Trinity College of Music à la place. Pendant son séjour à Trinity, Kuti a étudié la musique classique et a développé une conscience du jazz américain.

L’activisme par la musique

En 1963, Kuti forme un groupe appelé Koola Lobitos. Plus tard, il changera le nom du groupe en Afrika 70, puis en Egypt 80. À partir des années 1960, Kuti a été le pionnier et a popularisé son propre style de musique unique appelé « Afrobeat ». L’afrobeat est une combinaison de funk, de jazz, de salsa, de calypso et de musique traditionnelle nigériane yoruba. En plus de leur style mixte distinctif, les chansons de Kuti étaient considérées comme uniques par rapport aux chansons plus populaires sur le plan commercial en raison de leur durée, allant de 15 minutes à une heure. Kuti a chanté dans une combinaison d’anglais pidgin et de yoruba.Dans les années 1970 et 80, les paroles de chansons rebelles de Kuti l’ont établi comme dissident politique. En conséquence, l’afrobeat en est venu à être associé à la réalisation de déclarations politiques, sociales et culturelles sur la cupidité et la corruption. L’une des chansons de Kuti, « Zombie », remet en question l’obéissance aveugle des soldats nigérians à l’exécution des ordres. Un autre, « V.I.P. (Vagabonds au pouvoir) », cherche à donner aux masses privées de leurs droits les moyens de se soulever contre le gouvernement.

En 1989, trois ans après sa tournée aux États-Unis, Kuti sort un album intitulé Beasts of No Nation. La pochette de l’album dépeint les leaders mondiaux Margaret Thatcher et Ronald Reagan (entre autres) comme des vampires de dessins animés d’orage portant des crocs sanglants.

Se rebeller contre les régimes oppressifs à travers sa musique a coûté cher à Kuti, qui a été arrêté par le gouvernement nigérian 200 fois et a été soumis à de nombreux passages à tabac qui lui ont laissé des cicatrices à vie. Plutôt que d’abandonner sa cause, cependant, Kuti a utilisé ces expériences comme source d’inspiration pour écrire plus de paroles. Il a produit environ 50 albums au cours de sa carrière musicale, y compris des chansons pour Les Negresses sous le pseudonyme de Sodi en 1992.

Contrairement à l’occidental, l’africain ne considère pas la musique simplement comme un art ou un simple divertissement pour l’écoute, le plaisir ou la danse. La musique en Afrique noire a depuis toujours une grande signification, un grand rôle culturel et social.

La musique exprime le bonheur et la joie de vivre dans les fêtes populaires, la distinction et la fierté dans des occasions solennelles, l’émotion pendant les cérémonies religieuses, le bien être autour du feu, la force ou la pureté, l’énergie créatrice etc.

La musique traditionnelle en Afrique, plonge ses racines dans des rites et coutumes très anciens. Elle célèbre les ancêtres, accompagne les récits historiques, les contes, les poèmes, les proverbes, les spectacles etc.

Omniprésente dans la vie des africains, la musique accompagne aussi bien le paysan dans son champ, le chasseur, le pêcheur, le forgeron, le bûcheron etc.

La musique célèbre chaque période importante de la vie, naissance, puberté, mariage, enterrement etc.

En milieu traditionnel, malgré la grande diversité des instruments, la musique est dominée par les percussions. Le rythme est donc partout présent en Afrique noire.

Fatoumata Diawara 

(née en 1982) est une chanteuse, comédienne et auteure-compositrice-interprète malienne. Elle vit entre Bamako et Milan. Son village d'origine est Madina Kouroulamini situé à 23 km de Bougouni dans la région de Sikasso au Mali. 

Fatoumata Diawara passe ses premières années à Abidjan dans une famille nombreuse. Son père l'initie à la danse et à la guitare. À l'âge de 9 ans, après la mort brutale d'une sœur plus âgée, elle est adoptée par sa tante comédienne qui vit au Mali Cheick Oumar Sissoko qui l’engage dans le film La Genèse (prix « Un certain regard » au festival de Cannes en 1999) afin d’interpréter le premier rôle féminin. En 1998, elle part en France afin de travailler au Théâtre des Bouffes du Nord sur l’adaptation de Jean-Louis Sagot-Duvauroux de la pièce Antigone. Elle tourne dans plusieurs longs-métrages dont Sìa : Le Rêve du python (Prix spécial du Jury au Fespaco en 2001). En 2002, elle fuit un mariage forcé avec son cousin pour rejoindre la compagnie Royal de luxe et tourne six ans au sein de la troupe<ref name=causette/>. En novembre 2006, elle est choisie pour interpréter le premier rôle féminin de l’Opéra du Sahel, à Bamako.

C’est à ce moment qu’elle est remarquée par Cheick Tidiane Seck. Elle participe à l'enregistrement de l’album de Dee Dee Bridgewater. Dans cette même période, elle rencontre Oumou Sangaré qui la sollicite pour l’enregistrement de son album Seya. Fatoumata Diawara décide alors de se lancer dans l’aventure de la musique et commence à travailler à son propre répertoire. Elle poursuit également ses expériences au cinéma, en jouant notamment dans le film Il va pleuvoir sur Conakry du réalisateur guinéen Cheick Fantamadi Camara, où elle interprète le rôle d'une jeune chanteuse. En 2007, elle tient le rôle de Karaba dans la comédie musicale Kirikou et Karaba, tirée du dessin animé Kirikou et la sorcière de Michel Ocelot. En parallèle, elle travaille sur le disque de la comédie musicale. Cheick Tidiane Seck lui propose alors d’enregistrer sur son propre album Sabaly. Elle a l’opportunité de chanter avec Herbie Hancock (The Imagine project, Grammy Award en 2011) ou Hank Jones. Parallèlement, elle enregistre sur divers albums (Afrocubism, Cheick Lo, etc.).

Elle s'engage contre l'excision dans sa région d'origine au Mali. En 2012, elle gère la réalisation d'une vidéo musicale contre l'occupation du nord du pays par des djihadistes, ce qui l'amène à jouer dans Timbuktu, film multi-césarisé en 2015.

En 2017, Fatoumata Diawara contribue au projet malien de Matthieu Chedid "Lamomali". En 2018, elle sort son second album solo Fenfo, produit par Matthieu Chedid.

Style et inspirations

Auteur compositrice, elle tire son inspiration de la tradition du chant wassoulou, mais ses rythmes sont également modernes grâce aux ambiances jazz et blues qu'elle demande à ses musiciens.

Fatoumata Diawara  "Nterini"

(Nterini signifie mon amour, mon ami, mon confiant)

Mon amour est allé loin
Et ne reviendra peut-être jamais
Mon amour est parti loin
Et ne reviendra peut-être jamais
 Il a laissé sa famille et ses amis derrière lui et est parti
Il ne reviendra peut-être jamais
Que dois-je faire? Il était mon ami et mon confident
Comment va-t-il? Faites-moi simplement savoir comment vous êtes
 
Il a laissé sa famille et ses amis derrière lui et est parti
Il ne reviendra peut-être jamais
Que dois-je faire? Il était mon ami et mon confident
Comment va-t-il? Faites-moi simplement savoir comment vous êtes
 Vous êtes allé dans un pays lointain
Tu me manques énormément
Vous avez toujours été mon guide
Et je t’aime de tout mon cœur
Mon amour a décollé
 
Qui sait quand il reviendra?
 Mon amour est parti loin
Et ne reviendra peut-être jamais
Mon amour est parti loin
Et ne reviendra peut-être jamais
 
 Mon amour, mon amour
Mon amour, mon amour
 
Mon chéri est parti loin
Et ne reviendra peut-être plus jamais
Il est parti vivre dans un pays lointain
Il ne m’a rien dit
Ce n’était pas le mauvais temps du matin
Cela m’a empêché de le voir
Ni la chaleur du soleil de midi
Pas même les dangers de sortir au crépuscule
Parce que je ne pourrais pas bien dormir si je ne te voyais pas

Fatoumata Diawara - Kokoro

Pourquoi ne sommes-nous pas fiers de qui nous sommes? Nous sommes des  Africains noirs, descendants de Sunjata Keita, l’empereur du peuple Mandé.
Nous avons notre propre culture et notre propre civilisation, dont nous devons être fiers.

Au lieu de cela, nous voulons ressembler
à des Occidentaux, des Chinois, des Asiatiques et des Arabes en blanchissant notre peau, en vendant nos terres et nos ressources et en adoptant leurs modes. En conséquence, nous sommes perdus et nos traditions nous échappent.
Alors, qui viendra défendre notre dignité africaine à notre place ?
Ne tournons pas le dos à nos traditions

Embrassons-les, soyons fiers d’elles N’abandonnons pas nos traditions Nous devons les accueillir, comme un miracle
Ne leur tournons pas le dos Ils veulent détruire nos valeurs traditionnelles Parce que nous sommes Africains Nous avons perdu toutes nos références culturelles
Parce qu’ils nous voient comme des esclaves
Nos ancêtres nous ont abandonnés

Ils Veulent tuer nos traditions Parce que nous sommes Africains Notre chaleur humaine disparaît Je m’incline devant nos traditions
ancestrales, mère Je prie les esprits de nos ancêtres Je m’incline devant nos traditions ancestrales Pourquoi ne sommes-nous pas fiers de qui nous sommes ?
Nous essayons de ressembler à des Européens, en blanchissant notre peau Nous essayons de ressembler aux Chinois et de leur vendre nos ressources Nous pensons qu’être musulman signifie nous couvrir de haut en bas Nous voulons ressembler à des Indiens en appliquant leur bindi sur notre front Qui perpétuera l’héritage de Sunjata?

Moi, Diawara Fanta, je me lève fièrement et jure de perpétuer l’héritage ancestral Qui construira l’Afrique pour nous ?
Qui vivra la vie africaine à notre place ?
Nous avons perdu toutes nos références culturelles à la culture occidental Si nous ne nous respectons pas, personne ne nous respectera jamais Pourquoi ne sommes-nous pas fiers de qui nous sommes ?

Fatoumata Diawara - Clandestin

La faute incombe…
La faute incombe…
La faute incombe…
aux Européens
Nos jeunes se lèvent et décident d'immigrer
Pour aller à l'aventure chercher de l'argent
Ils ont laissé leurs mères à la maison
Ils ont laissé leurs pères à la maison
Certains les appellent "Clandestins"
Mais nous, on les appelle Hommes de l'Aventure
Je demande aux dirigeants, n'y a-t-il personne
pour les aider à rester chez eux?
Ala iyeh hey
 
Ils font un, deux, trois, quatre, cinq,
six, sept, huit, neuf…
jusqu'à dix ans… dix dix dix
 
Nous voulons venir, mais ils ne veulent pas de nous
Nous voulons venir, mais ils refusent de nous recevoir
 
Ils font un, deux, trois, quatre, cinq,
six, sept, huit, neuf…
jusqu'à dix ans… dix dix dix
 
Beaucoup ont péri, beaucoup sont morts
Beaucoup ont péri, beaucoup sont morts x4
 
Je m'adresse aux dirigeants
Si vous n'aidez pas les jeunes, ils prennent peur
Ils ont peur de la honte, ils ont peur de la mort
Ils ont peur de la trahison
Ils sont en train de partir se jeter dans les mains de la trahison
L'aventure se termine mal pour eux
Je dis que la faute incombe, la faute incombe à…
(Beaucoup ont péri, beaucoup sont morts
Beaucoup ont péri, beaucoup sont morts)
Ils font un, deux, trois, quatre, cinq,
six, sept, huit, neuf

https://lyricstranslate.com/fr/clandestin-clandestin.html

En réaction aux images des “marchés aux esclaves” libyens, la chanteuse malienne Fatoumata Diawara a décidé de protester en musique. Fatoumata Diawara a décidé de se soulever contre ces pratiques à l’aide de la musique. La chanteuse a donc dévoilé le clip incisif de son nouveau titre “Djonya”, qui signifie “esclavage” en bambara. Dans le clip tourné à Bamako on retrouve la chanteuse aux cotés d’hommes, de femmes mais aussi d’enfants. Enchainée et recouverte de plaies sanglantes, Fatoumata dénonce l’asservissement des migrants africains. Portée par la mélodie l’artiste répète a plusieurs reprises en bambara :”Nous ne sommes pas vos esclaves”. Clairement investie dans la lutte contre l’esclavage en Afrique, Fatoumata Diawara nous offre avec “Djonya” un véritable appel à l’indignation.

MUSIQUES D’AFRIQUE OCCIDENTALE

Contexte culturel

À l’image de l’ensemble du continent, l’Afrique de l’Ouest se caractérise par une grande diversité de styles musicaux qui ne recoupent pas nécessairement les distinctions ethniques, linguistiques ou nationales. Des groupes culturellement proches ou ayant entretenu des contacts pourront en effet partager, même au-delà des frontières, un certain nombre de traits musicaux ; tandis qu’une même population possédera parfois autant de genres distincts qu’elle compte de catégories sociales en son sein, ou de circonstances d’exécution musicale, que ces dernières soient liées aux étapes du cycle de vie (naissance, puberté, mariage, mort), à la vie politique, religieuse, festive, etc. 

La délimitation de zones stylistiques, même floues et mouvantes, est donc en réalité toujours fonction de l’échelle et des critères retenus. On peut toutefois distinguer en Afrique de l’Ouest deux grands ensembles géo-climatiques qui, du fait des vagues de peuplement, des aires d’interactions et des courants d’influences qui ont marqué leur histoire, présentent jusqu’à ce jour une relative homogénéité culturelle et musicale : il s’agit, au nord, de la zone soudano-sahélienne bordant le Sahara et, au sud, de la ceinture forestière longeant la côte du Golfe de Guinée.

L’avènement successif - du VIIIe au XVIIe siècle - de vastes empires (Ghana, Mali, Songhay, Kanem-Bornou...) s’appuyant sur le commerce transsaharien se traduit par deux faits majeurs :

  • l’adoption à large échelle d’un mode d’organisation sociale stratifié (distinguant les hommes « libres », les castes d’artisans et les descendants de captifs) qui induit l’émergence d’une catégorie héréditaire d’artisans de la musique et du verbe - dits « griots » en français - attachés à la transmission des valeurs fondatrices et de l’histoire officielle (généalogies, épopées, proverbes, art de la louange...) ;
  • la diffusion, par le biais des commerçants arabes et berbères, de l’empreinte culturelle nord-africaine et de l’islam qui contribue à forger certains traits stylistiques uniques à cette région : mise en avant d’un discours musical soliste avec improvisation, importance du texte énoncé, souvent littéraire, esthétique vocale tendue privilégiant le registre aigu, usage d’instruments inspirés de modèles nord-africains (luths, vièles monocordes, longues trompes en métal, hautbois, timbales...).

Harpes en calebasse et ensembles de xylophones sur cadre, très présents dans la moitié occidentale de cette zone, sont en revanche la marque particulière des cultures mandingue et voltaïque.

Djeli Moussa Sissoko à la kora, concert enregistré à la Cité de la musique le 16 octobre 1999. Cité de la musique - Philharmonie de ParisDjeli Moussa Sissoko à la kora, concert enregistré à la Cité de la musique le 16 octobre 1999 © Philharmonie de Paris

Djeli Moussa Sissoko à la kora, concert enregistré à la Cité de la musique le 16 octobre 1999. Cité de la musique - Philharmonie de Paris

 

Afrique contemporaine. La création musicale au miroir de l'histoire

  Année 2005  n° 1257  pp. 125-133 Fait partie d'un numéro thématique : Trajectoire d'un intellectuel engagé. Hommage à Philippe Dewitte

La musique joue un rôle déterminant dans toutes les civilisations africaines où l'oralité fait figure de pilier fondateur. Héritiers de traditions souvent très raffinées, les musiciens africains créateurs d'aujourd'hui sont de ce fait parmi les détenteurs d'éléments essentiels, constitutifs de leurs cultures respectives. Bien que les structures des sociétés africaines contemporaines soient depuis un demi-siècle en pleine mutation, les musiciens ne peuvent entière¬ ment se départir du rôle traditionnellement dévolu au griot. Dans le contexte de déstructuration politique et sociale de la majorité des états africains issus des indépendances, le rôle de l'artiste comme témoin actif et partie prenante de la vie de la nation s'en trouve accentué, surtout s'il est chanteur. Parce qu'il est avant tout un porteur de la parole. Dans la société africaine traditionnelle, schématiquement, la musique accompagne chaque étape de la vie. Elle est le liant de tout acte social. Elle est indissociable des fêtes profanes. Et dans les rituels, elle tient lieu de véhicule de communication entre le monde des vivants et le monde des ancêtres. Le musicien traditionnel initié sert d'intercesseur entre ces deux univers intime¬ ment liés. De ce fait, il entretient nécessairement une relation particulière avec les détenteurs des pouvoirs politiques et sociaux. Relation d'autant plus étroite et codifiée lorsqu'elle intervient dans le cadre des systèmes de castes qui régissent le fonctionne¬ ment de diverses sociétés traditionnelles. En embrassant le métier d'artiste, le musicien africain contemporain ne saurait pour autant se départir de ce rôle associé au faiseur de musique traditionnel. Sauf à s'expatrier en rompant délibéré¬ ment les liens avec sa société d'origine, il n'a guère d'autre choix que de chanter les louanges des puissants qui le sollicitent ou de prêter sa voix à l'expression des groupes qui leur sont opposés

Toute forme de désengagement lui est ainsi quasiment interdite et a fortiori lorsque sa notoriété est internationale. À travers ses œuvres, il incarne dès lors une part de la "conscience du peuple". Tout se passe comme si le rôle d'intercesseur joué par le musicien traditionnel au sein du corps social s'était mué, pour le musicien créateur contemporain, en fonction héraldique à l'adresse du monde globalisé, chacun œuvrant à la reconnaissance des particularismes culturels propres à l'une des identités multiples qui constituent le continent Afrique. Sans le socle extrêmement solide de la tradition orale, le musicien africain contemporain ne saurait absorber, adapter, refondre, les apports extérieurs à son propre univers artistique. Or, ce phénomène est commun à chacune des grandes aires culturelles du continent. C'est lui qui a fourni l'énergie nécessaire à la déferlante des musiques africaines sur les marchés internationaux dès les années quatre-vingt. La dynamique ainsi engagée a constitué le point d'appui à la reconnaissance par le marché musical mondial d'esthétiques jusqu'alors considérées essentiellement comme "exotiques" et marginales. Le marché des musiques du monde a été avant tout celui des musiques africaines avant de s'élargir à d'autres continents. C'est sur la versatilité des genres, sur la diversité des formes musicales qui foisonnent par tout le continent, que s'est d'abord porté l'intérêt des Occidentaux. Les créateurs, producteurs et publics internationaux qui se sont emparés des musiques africaines y ont rapidement découvert une insondable source de renouvellement pour les musiques populaires à l'heure de la mondialisation.

Musiques d'aller-retour

Le jeu des relations mutuelles entre les musiques métissées des diasporas américaines issues de l'esclavage et celles des sociétés africaines modernes est un sujet qui mériterait de longs développements. À bien des égards, en effet, il détermine non seulement l'évolution des styles mais aussi la représentation que la société africaine moderne se fait du musicien et de la musique. Premier genre de musique africaine à être reconnu internationalement, le highlife est né vers les années vingt dans la Gold Coast (Côte-de-l'Or) anglaise, futur Ghana. Orchestrations aux accents swing et calypso, sophistication à la manière des big bands de jazz américains, son style se conforme à la mode des dancings des grands hôtels, s'adressant à l'origine aux couches élevées de la société coloniale. À cette époque où les orchestres de tango partis du Rio de la Plata voyagent autour du monde et où le jazz se mâtine de rythmes latins, le highlife fait chalouper robes du soir et souliers vernis. À l'instar du tango, il emprunte son répertoire vocal aux romances paresseuses chantées dans les bars mal famés des ports où l'on sert le vin de palme. Les paroles de la palm wine music brossent le quotidien du dénuement et des rêves de gens simples ballottés par la vie. À partir des années vingt-trente cette musique s'est imposée de Freetown à Matadi avec ce balancement délicieusement nonchalant, tricoté par les marins de l'ethnie Kru duejive, un vocable qui servira par la suite à qualifier tout style émergeant dans l'Afrique du Sud Liberia embarqués à bord des bateaux à vapeur, sur des guitares empruntées aux Occidentaux. Habillée de langueurs nostalgiques elle a pénétré au fil de l'eau jusqu'à Douala et Kinshasa. La relation entre débits de boissons et nouvelles musiques paraît indubitable. Témoin le marabi , apparu à l'époque de la palm wine music près des centres miniers d'Afrique du Sud et dans les faubourgs noirs des grandes villes. Joué sur les mêmes instruments européens (guitare, concertina. . .), le marabi puise dans la tradition ses mélodies, ses rythmes et chants improvisés. En se métissant de jazz dans les années quarante/cinquante, il prend le nom de jive, un vocable qui servira par la suite à qualifier tout style émergeant dans l'Afrique du Sud des années soixante (pennywhistle jive, saxjive ...).

La suprématie de l'école congolaise jusqu'à l'influence des musiques caraïbes

Née dans les capitales jumelles Kinshasa et Brazzaville, la musique congolaise a exercé sa suprématie sur les musiques africaines modernes pendant plus d'un demi-siècle. Dans les années trente-quarante, cette musique agrège les influences des danses européennes et du high-life, avant d'être fortement marquée par les danses cubaines, cha-cha-cha, mambo et rumba. La rumba congolaise originelle roucoule en espagnol avant d'emprunter au jazz la contrebasse et les cuivres, puis d'introduire les percussions locales et surtout la guitare électrique, dont l'importance deviendra primordiale, influençant durablement le jeu de guitare dans toute l'Afrique sub-saharienne et, au delà, dans toutes les diasporas africaines. Les deux grandes écoles de l'African Jazz de Joseph Kabasselé, alias le Grand Kallé (1930-1982) - auteur de l'hymne "Indépendance Cha-Cha", composé à Bruxelles dans la nuit du 29 janvier 1960 après la signature de l'accord d'indépendance -, et de l'OK Jazz de Franco (1938- 1989) rivalisent d'invention durant trois décennies. Pépinières de talents, ces ensembles engendrent de foisonnantes généalogies de formations à la longévité variable, mais qui s'inscrivent toujours dans le prolongement stylistique de leurs géniteurs. De la rumba des années cinquante au ndombolo des années deux mille (Koffi Olomide, Wenge Musica. . .) - où le synthétiseur prend une place prépondérante en passant par le soukouss des années soixante-dix, quatre-vingt (Papa Wemba, Pepe Kalle. . .) - où les cuivres disparaissent au profit des guitares dont les soli torrides durant le sebene mènent au climax de la danse - l'évolution de la musique emprunte les schémas de la tradition orale, dans le respect des sources musicales et des créateurs reconnus. Grâce notamment au puissant émetteur radio installé par l'administration belge avant l'indépendance, les musiques congolaises vont asseoir leur hégémonie sur la plupart des pays voisins. La République centrafricaine, l'Ouganda, la Tanzanie, la Zambie adoptent le modèle congolais, comme le Kenya après son époque "guitares années cinquante". Il faudra attendre les années soixante-dix pour que les musiciens kenyans élaborent leur propre marque stylistique avec le benga, inspiré de la tradition musicale des Luo. D'un certain point de vue, on peut estimer que le makossa camerounais, qui fusionne musiques cubaines, guitares de la palm wine music et rythmes locaux, procède d'une démarche fortement inspirée de l'école congolaise, même s'il conserve les marques spécifiques à l'identité rythmique et mélodique de la région de Douala. En y introduisant une touche funky jazz avec son tube "Soul makossa", Manu Dibango donnera à ce style un statut international. À partir de 1960, l'influence des musiques caraïbes, déjà présente au répertoire des orchestres d'animation, se renforce, grâce à l'écho de la révolution cubaine, dans les nouvelles démocraties d'Afrique de l'Ouest, à commencer par la Guinée et le Mali. Les politiques culturelles dites "progressistes" mises en œuvre par leurs régimes favorisent l'émergence de nouvelles musiques urbaines et métissées. La Guinée de Sékou Touré montre la voie, fondant des orchestres modernes nationalisés, comme le Bembeya Jazz, tenus d'enrichir le patrimoine musical national. À l'image de ce qui se passe à Cuba, des concours d'orchestres locaux, régionaux, nationaux sélectionnent les meilleurs, en Guinée comme au Mali, où des artistes à Cuba. Les orchestres réputés, comme adaptent leur répertoire au goût du caraïbes. Parallèlement, au Sénégal, l'Orchestra Baobab fait danser toute la bonne société de Dakar au son de ses airs latinos chantés en wolof. Estompé dans les années quatre-vingt, ce phénomène a pris une dimension panafricaine sans précédent au milieu des années quatre-vingt-dix avec Africando, fleuron de la salsa africaine. La musique et les musiciens ont joué un rôle non négligeable dans la légitimation populaire des nouveaux pouvoirs indépendants d'Afrique

'héritage des "djeli", "gueuweul" et autres griots

Avec l'accession à l'indépendance, la caste des griots (appelés "djeli" dans l'ère mandingue) perd progressivement l'exclusivité de l'animation musicale et le pouvoir qu'elle détenait dans l'ancienne hiérarchie sociale, conservée sous le régime colonial en Afrique de l'Ouest. Mais les nouveaux dirigeants ont su asseoir leur légitimité avec le concours de ces traditionnels "alliés des puissants". Ainsi, beaucoup d'artistes contemporains réputés en Guinée et au Mali sont issus des illustres lignées de djeli Kouyaté (Kouyaté Sory Kandia...), Diabaté (Toumani Diabaté...), Kanté (Mory Kanté. . .), etc. Chez les Wolofs du Sénégal, les "gueuweul" ont le même rôle que les djeli, et Youssou N'Dour, par son ascendance maternelle, appartient à l'une de ces grandes familles. Le mbalax qu'il invente à la fin des années soixante-dix introduit dans les orchestrations modernes le rythme traditionnel des ensembles de tambours sabars, dont le grand maître Doudou N'Diaye Rose détient les plus étonnants secrets. D'autres musiciens modernes, comme Salif Keita, ont bravé les interdits pour s'adonner à leur passion. Ils n'en puisent pas moins dans l'immense patrimoine musi¬ cal légué et enrichi durant sept siècles par les griots. Malgré son nom de lignage "royal", Keita n'a d'ailleurs pas hésité à chanter les louanges du premier président guinéen, Sékou Touré. . .

Les monstres sacrés de ta chanson arabe

 Si de nombreux artistes d'Afrique subsaharienne ont fidèlement accompagné la voix des nouveaux pouvoirs, le phénomène a connu une résonance toute particulière dans les pays bordant la Méditerranée. Marquée par le Congrès du Caire (1932), auquel participèrent de nombreux maîtres arabes mais aussi des Occidentaux, comme Béla Bartok, la "Nahda" est le mouve¬ ment de renaissance de la musique arabe d'où vont surgir les "monstres sacrés" de la chanson. L'Égypte de Nasser rayonne sur tout le monde arabophone grâce à Oum Kalsoum, Mohamed Abdelwahab, Farid El Atrache ou Abdel Halim Hafez. Et le modèle de ces étoiles élevées au rang de mythes par la radio et le cinéma s'est imposé dans les pays du Maghreb, qui ont façonné leurs propres stars comme l'Algérienne Warda.

L' éclipse de Véthio-groove "

Rare pays d'Afrique à avoir obtenu sa souveraineté dès 1944, après une période d'influence italienne, l'Éthiopie constitue l'un des creusets les plus inventifs de la musique moderne africaine. Dès le début du XXe siècle, la zenawi musica rassemble cuivres occidentaux et instruments traditionnels, avant l'apparition des premières fanfares officielles modernes accompagnant les chanteurs des années vingt. À partir des années cinquante, Alemayehu Eshete commence à adapter le chant traditionnel des Azmaris, griots troubadours de la société amharique. Et c'est sous l'influence de Radio Free America, émettant depuis l'Érythrée dans les années soixante, que les grandes formations d'Addis-Abeba (Wallias Band, Ethio Star, Roha Band...), adaptent rock, twist ou soul music à leur pâte sonore et rythmique. Sur cette musique d'une exclusive originalité, Mahmoud Ahmed va imposer le style gouragué et sa fameuse danse "eskista" du cou et des épaules. Ce courant sera totalement étouffé par près de vingt ans de dictature populaire à partir du milieu des années soixante-dix. Mais la nouvelle musique éthiopienne retrouve de fort belles couleurs dans les années quatre-vingt-dix/deux mille avec des chanteuses exilées comme Aster Aweke et Gigi.

Le cas malgache

L'extraordinaire richesse musicale de Madagascar engendre un foisonnement de styles. À l'Ouest et au Nord, les Sakalava jouent 1 ejijy, palabre rythmique sur tempo moyen, et inventent le salegy. Héritée des rituels anciens des régions côtières, cette musique raconte les traits saillants de la vie sociale. À la fin des années soixante, la batterie se substitue aux percussions traditionnelles, la guitare électrique à la valiha, l'orgue à l'accordéon, et le salegy fait danser tout Madagascar avec Jaojoby, son meilleur représentant. Les Merina des hauts plateaux du Centre, d'origine asiatique, pratiquent une forme de joutes chantées, le vakisaova ; une sorte de gospel, le saova, modernisé par le groupe Rossy ; ainsi que le genre a-gasy , hérité du théâtre traditionnel "hiragasy" et remis au goût du jour par le groupe Feo-gasy. Les Betsileo des plateaux du Centre-Sud inter¬ prètent le rija, sorte de blues malgache au tempo rapide, comme les Antandroy du Sud, réputés pour leur beko, longues ballades épiques chantées à trois ou quatre voix a cappella lors des veillées funèbres. À l'Est, le bassessa, plutôt lent, est à l'origine du séga, commun à toutes les îles de l'océan Indien avec son balancement six-huit caractéristique.

Musiques versus oppression

 Indissociables du destin des sociétés qui les provoquent et les subissent les conflits et les révolutions ont un effet qui direct  sur les choix culturels, des populations, qui se traduisent à travers la musique.  Fela clamait ainsi : "La musique est l'arme du futur !" Alors que les meilleurs orchestres de Lagos s'étaient approprié le highlife , plébiscité par les Igbos, au moment de l'indépendance du Nigeria (1960), la guerre civile du Biafra (1967-1970) va marquer son déclin. En effet, la victoire de la coalition entre Yoruba et Haoussa sur les Igbos, sécessionnistes, va imposer les styles les plus appréciés par les vainqueurs : la juju music et Vapala. Tous deux sont hérités des anciennes musiques cérémonielles vaudou des Yoruba, où les tambours parlant jouent un rôle essentiel. La juju music s'inspire aussi des rites chrétiens de l'Aladua. Elle a fait une percée internationale sous l'impulsion de King Sunny Adé, qui introduisit la guitare hawaïenne et le synthétiseur. L ïapala, basé sur le jeu subtil des tambours et la mélopée quasi rituelle d'un soliste auquel répond un chœur, servait à l'origine à stimuler les musulmans avant la fin du jeûne de Ramadan. Sécularisé et professionnalisé dans les années cinquante, Yapala connut deux merveilleux grands maîtres, feu Haruna Ishola (dit "Baba Gani Agba") et feu Yusuf Olatunji (dit "Baba Lefba"). Création du seul Fela (1938-1997), qui vécut à Lagos, Yafrobeat est essentiellement animiste et politique. Toute l'histoire de Fela Anikulapo Kuti est un combat sans merci pour retrouver les valeurs de la culture africaine d'avant la colonisation. Sa musique visionnaire est jouée au "Shrine", le temple consacré aux chers dis¬ parus qui ont donné leur vie pour la cause afri¬ caine, comme Kwame Nkrumah et sa propre mère. Il a incarné avec une âpreté féroce, jus¬ qu'à la démesure, la conscience d'un peuple yoruba au destin chaotique, déchiré dans ses © croyances entre trois grandes religions (vau¬ dou, chrétienne et musulmane), arraché à sa terre pour veau monde au profit de l'impérialisme de l'homme féconde du chanteur vient du constat implacable auquel il ne peut que s'af¬ fronter : l'aliénation du peuple noir.

Le mbube et maskanda

Les musiques rituelles ont souvent servi à porter les messages dans des langues sacrées, inintelligibles pour le colonisateur. En Afrique du Sud, c'est dans les "hostels" de l'apartheid que les chœurs zoulous a cappella les transmettent à travers le style mbube ou iscathamia , dont Ladysmith Black Mambazo est le représentant le plus emblématique. Le maskanda zoulou, style au balancement irrésistible que Johnny Clegg a contribué à faire connaître hors du pays, provient des mêmes milieux ségrégués. Quant au mbaqanga , issu du saxjive et agrégeant le vocal jive inspiré des harmonies zouloues, il constituera l'une des meilleures musiques populaires africaines des années soixante. Pourtant leurs géniaux inventeurs, Mahlathini & The Mahotella Queens, attendront près de trente ans la reconnaissance internationale.

Le chimurenga

Le cas du chimurenga est exemplaire d'une musique directement utilisée comme arme de combat contre le pouvoir colonial en Rhodésie. Mbira est le maître mot de l'univers musical traditionnel des Shona, majoritaires sur les terres de l'actuel Zimbabwe. Il désigne un modèle particulier de piano à pouce, ses lames métalliques et la musique produite. Le joueur de mbira doit être initié, et respecter certaines règles de vie édictées par la Loi du Mbira, corpus de la tradition orale définissant les relations du mbira avec le monde des esprits. Interdite par les colons blancs, cette pratique musicale a constitué le ferment secret de la révolte des Noirs dans les années soixante-dix. Transposée sur des instruments modernes, la musique de mbira est baptisée "chimurenga" par son chef de file, Thomas Mapfumo. C'est le nom donné à la lutte pour l'indépendance par les guérilleros, et les chansons véhiculent des formes proverbiales seules comprises des Shona, qui y trouvent la cohésion nécessaire pour chasser les colons.

Le folk berbère

Au Maghreb, la cause berbère possède aussi sa musique de combat. Le folk berbère de groupes marocains comme Nass El Ghiwane et Jil Jilala instaura le mélange d'ingrédients de musiques gnawa ou traditionnelles du Riff avec l'esprit contestataire de la fin des années soixante, déclenchant la première révolution musicale au Maghreb. La chanson kabyle lui emboita le pas, évoquant le malaise d'une population dont l'autorité algérienne feint d'ignorer l'identité, soit avec des textes poétiques comme ceux du chanteur Idir, soit avec des brûlots révolutionnaires comme les chansons de Lounès Matoub, qui paya son engagement de sa vie. 

Le maloya

Dans l'île de la Réunion, le maloya lié à l'origine au culte des ancêtres chez les Cafres, descendants d'esclaves noirs, a connu une étrange destinée. Rejeté par la majorité des Réunionnais jusqu'à la fin des années soixante, le maloya est devenu la voix de la lutte culturelle identitaire, a été extirpé de son ornière et revalorisé par les mouvements autonomistes des années soixante-dix. Plus récemment, il a pris un véritable essor international, notamment grâce au chanteur Danyel Waro, fervent défenseur de sa culture créole.

Le zouglou

À Abidjan, la révolte étudiante des années quatre-vingt-dix trouve son expression dans le zouglou : une musique, un langage, une danse qui expriment le dépit avec une ironie acerbe et un esprit rebelle. En dix ans, cette musique a bâti une véritable identité populaire dépassant les frontières du pays grâce à "1er Gaou", tube international du groupe Magic System.

La technologie globalisante

En phase avec la production de musiques actuelles accessibles sur les réseaux internationaux, les jeunes artistes africains utilisent aujourd'hui les moyens de création fournis par les nouvelles technologies. Si leur idiome se départit des traditions instrumentales, leur langage aspire toujours à l'originalité. C'est à Oran, dans les années quatre-vingt, que s'est jouée la seconde révolution musicale d'Afrique du Nord. Le raï a trouvé ses nouveaux sons et ses nou¬ veaux héros dans une jeunesse désabusée par les mensonges de la génération précédente. Khaled, Chaba Zahouania ou Cheb Mami se sont mis à chanter les voitures, le sexe, l'alcool, là où l'on ne tolérait que la périphrase évocatrice pour dire la beauté d'un visage. Devenus la cible des intégristes, dont Cheb Hasni fut une victime symbolique, ces jeunes chanteurs durent fuir leur pays et c'est alors que le raï put conquérir le monde. . . Les jeunes Égyptiens ont suivi l'exemple en créant la jeel music (littéralement "musique de la jeune génération") à force de boîtes à rythmes et autres échantillonneurs. Les stars internationales ont pour noms Amr Diab, Mohamed Munir, Hakim ou Hanan. . . Si le kwaïto, impressionnante machine à groove électro magnifiée par feu la chanteuse Brenda Fassie, porte la jeunesse noire dans l'extase d'une Afrique du Sud libérée, les nouvelles générations des autres pays d'Afrique sont encore à la recherche de langues originales en termes de musiques électro¬ niques. Beaucoup de jeunes artistes se reconnaissent à travers l'universalité des thèmes du reggae (Lucky Dube, Alpha Blondy, Tiken Jah Fakoly. . .) ou du rap (Positive Black Soul. . .), auxquels ils apportent leurs singularités. Mais la jeune création africaine dispose d'un fonds de culture musicale incommensurable. En se préservant d'une fascination morbide pour l'Occident, il lui appartient de continuer à faire fructifier cette richesse.

Afrique contemporaine. La création musicale au miroir de l'histoire

  Année 2005  n° 1257  pp. 125-133 Fait partie d'un numéro thématique : Trajectoire d'un intellectuel engagé. Hommage à Philippe Dewitte

Citer ce document / Cite this document : Bensignor François.

Afrique contemporaine. La création musicale au miroir de l'histoire. In: Hommes et Migrations, n°1257, Septembre-octobre 2005. Trajectoire d'un intellectuel engagé. Hommage à Philippe Dewitte. pp. 125-133; doi : https://doi.org/10.3406/homig.2005.4884 https://www.persee.fr/doc/homig_1142-852x_2005_num_1257_1_4884

Touré Kunda

- Ne Nam (1) Casamance au clair de lune « Mère, toi que j’aime et qui m’as portée quand je n’étais rien, tu m’as appris à marcher et tu m’as nourrie quand j’avais faim. Cette chanson est pour vous et mon père. Rien n’est plus tendre que l’amour d’une mère. » - Inscription sous le titre de la chanson (Langue: Poular)

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