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Publié par J.L.D.

Pierre de Bréville 

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http://www.bruzanemediabase.com/fre/Personnes/BREVILLEPierre-de/(offset)/2/(searchText)/Le%20voyage%20dans%20la%20lune%7D%7D%7D%7D%7D

Né en Lorraine, à Bar-le-Duc, Pierre Onfroy de Bréville se destina tout d’abord à une carrière diplomatique. Après des études à la Faculté de droit, il se tourna toutefois vers la musique. Élève de la classe d’harmonie de Dubois, au Conservatoire, de 1880 à 1882, il quitta finalement l’institution pour apprendre le contrepoint, la fugue et la composition auprès de Franck dont il devint l’un des plus fidèles disciples. De 1898 à 1902, il enseigna le contrepoint à la Schola Cantorum, aux côtés d’autres membres du cercle de Franck – d’Indy et Charles Bordes notamment. Il donna bien plus tard des cours de musique de chambre au Conservatoire, de 1917 à 1919. En 1882, Bréville assista à la première de Parsifal à Bayreuth, où il fit la connaissance de Bruckner et Liszt à Wahnfried, dans la demeure familiale de Wagner. En 1888, il retourna au Festspielhaus en même temps que Debussy et Fauré. Ses voyages le conduisirent aussi en Scandinavie en 1889, où il passa du temps auprès de Grieg, ainsi qu’à Constantinople, en 1894 – séjour qui eut une influence importante sur sa musique. Le compositeur considérait l’opéra Eros vainqueur comme son opus magnum. Commandé par l’Opéra-Comique en 1900, ce « Conte lyrique », ainsi que Bréville l’intitula, fut finalement créé à Bruxelles, sur la scène du Théâtre de la Monnaie, en 1910. Il livra aussi plus d’une centaine de mélodies dont les premières portent la marque de l’influence de Wagner et les dernières celle de Fauré et Debussy. Bréville se consacra enfin à la musique instrumentale : il est notamment l’auteur de cinq sonates pour piano et violon. Si la carrière du compositeur démarra doucement, il s’imposa comme l’une des figures importantes de la vie musicale de son temps et jouit d’une réputation bien établie à partir des premières années du XXe siècle et jusqu’à sa mort, en 1949. Il est aussi l’auteur de nombreux textes critiques et fut secrétaire, puis président, de la Société nationale de musique.

Pierre Onfroy de Breville 

Admirateur de César Franck dont il fut l’élève, modeste, désintéressé, ayant en horreur « l’esprit d’intrigue et la réclame tapageuse, aussi n’a-t-il pas occupé dans les manifestations musicales de notre époque la place à laquelle sa valeur artistique lui donnait droit » (Marcel Labey). Ses œuvres, d’une facture très personnelle, sont empreintes d’une grande sensibilité et savamment écrites avec beaucoup d’élégance. Victime du succès de ses premières mélodies, presque toutes étant « des petits chefs-d’œuvre de vérité expressive, de délicatesse et d’émotion », qui l’a fait classer un peu trop rapidement comme « charmant musicien de salon », Pierre de Bréville est en réalité l’auteur d’une œuvre variée et abondante, comportant en outre des pages pour orchestre, des pièces pour piano, de la musique de chambre, des chœurs avec ou sans accompagnement, des œuvres pour le théâtre et de la musique religieuse.

Né lé 21 février 1861 à Bar-le-Duc (Meuse), au domicile de ses grands-parents maternels, Pierre Eugène Onfroy de Bréville est issu d’une vieille famille de Gavray (Manche), dont les descendants s’installèrent à Nantes puis à Beauvais. Son père, Georges, magistrat, conseiller à la Cour d’Appel de Paris, et sa mère, née Robertine du Val d’Eprémesnil, lui firent effectuer des études de droit en vue d’embrasser une carrière diplomatique, bien que ses goûts le poussaient vers la musique. C’est ainsi que, parallèlement à ses études, il entrait au Conservatoire de Paris où il suivait les cours d’harmonie de Théodore Dubois (1880-1882), puis ceux d’orgue de César Franck durant deux années. Dans cette dernière classe il fit la connaissance de Bordes, Chausson et Duparc avec lesquels il va se lier d’amitié. Il abandonna bientôt tout projet d’intégrer les Affaires étrangères et débutait une carrière d’organiste, qu’il abandonnera par la suite, se disant lui-même "organiste à Paris" en 1883 et 1884, années au cours desquelles il fut primé à plusieurs reprises par la "Société internationale des organistes et maîtres de chapelle" (membre du jury : Th. Dubois, Franck, Gigout, Guilmant, Lefèvre-Niedermeyer, Loret, Steenmann) pour des œuvres religieuses, dont une Messe à 2 voix égales avec accompagnement, et un Ave verum (solo avec accompagnement d’orgue) qui lui valut le 1er Prix devant Léon Boëllmann. De cette époque datent également ses premières mélodies (Extase, Epitaphe). En 1886, année où il composa son oratorio Sante Rose de Lima, scène mystique pour soprano solo, chœur de femmes et orchestre, sur une poésie de Félix Naquet (1888, Hamelle), il tentait vainement le Concours de Rome. Mais, n’étant plus alors élève du Conservatoire qu’il avait quitté depuis 1884, l’académisme régnant de cet établissement placé sous la férule d’Ambroise Thomas, fit que ses « velléités présomptueuses furent vite réduites à néant : au concours préparatoire, le fâcheux obtint deux voix seulement, malgré les concessions consenties d’une fugue « centre gauche », comme il dit lui-même. Bréville n’insista point. » (Marcel Rémy). Il était en effet inconcevable qu’un candidat, non élève de composition du Conservatoire, puisse prétendre à remporter un quelconque prix à ce prestigieux Concours !

En 1888, en compagnie de son ami le ténor léger Maurice Bagès de Trigny, il se rendait au Festival de Bayreuth. Là, il fit la connaissance de Vincent d’Indy, grand admirateur de Wagner, qui lui prodigua des conseils et lui dédicaça cette même année sa mélodie Les cloches du soir, paroles de Daudet (Bruneau). Quelques années plus tard, peu après la création de la Schola Cantorum (1894) par Charles Bordes, Alexandre Guilmant et d’Indy, ce dernier fit appel à de Bréville pour tenir la classe de contrepoint (1898 à 1902).

En cette fin du XIXe siècle, il est déjà un membre très actif de la Société Nationale de Musique, dont il ne tardera pas à en devenir le président (succédant à d’Indy). Durant la Grande Guerre, il enseigne la musique de chambre au Conservatoire de Paris. Jusqu’alors il n’avait pas été attiré par ce genre musical, ayant principalement produit des mélodies, des œuvres pour orchestre (La Nuit de décembre, Stamboul, Sans pardon), pour piano, pour orgue, ainsi qu’un conte lyrique Eros vainqueur, une scène lyrique La Tête de Kenvarc’h, un opéra La Princesse Maleine, et de la musique pour le théâtre (Le Pays des fées, Les Sept Princesses). Mais, « brusquement, en 1915, sous l’empire des émotions de patriote et à la suite de la mort d’un ami tué en avion, il écrivit sa 1ère Sonate pour violon et piano (1918, Rouart-Lerolle), à la mémoire d’un être très cher. Cette Sonate fut une révélation : énergique et guerrière, tendre et pathétique, elle est l’expression d’une poignante tristesse, tempérée par la sérénité d’une âme croyante. » A la suite, Pierre de Bréville composa d’autres œuvres de chambre, qui toutes, issues de la même veine, ont une grande valeur. Parmi cette production, citons plus particulièrement quatre autres Sonates pour violon et piano (1927, Rouart et Lerolle ; 1942, inédit ; 1943, inédit ; 1947, inédit), une Sonate pour alto et piano (1949, Eschig), une Sonatine pour hautbois (ou flûte, ou violon) et piano (1925, Rouart et Lerolle), un Concert à trois pour violon, violoncelle et piano (1945, inédit), et une Suite pour le quintette instrumental et pour quatuor de saxophones, ainsi que 5 oeuvres pour violoncelle et piano : Sonate (1930, Rouart et Lerolle), Fantaisie appasionata (1934, Sénart), Poème dramatique (1924, Rouart et Lerolle), Pièce (transcription de Théodore Doney pour hautbois, flûte ou violon, 1923 Leduc) et Prière, d'après le Cantique de Molière (1924, Salabert), enregistrées en 2009 par la violoncelliste Nadine Deleury et la pianiste Mary Siciliano.

« Un des plus purs et des plus distingués dans cette pléiade d’élite formée autour du vieux père Franck » (Marcel Rémy), « esprit distingué qui se plaît aux nuances, aux délicates colorations » (Jules Combarieu), Pierre de Bréville est mort subitement le 23 septembre 1949 en son domicile parisien de la rue du Dr Germain-See après une inaction forcée de 18 mois, à la suite d’une chute. Indépendamment de ses activités de compositeur, il fut encore critique musical au Mercure de France, à la Revue Blanche, à la Revue Internationale de Musique et au Courrier Musical, et resta longtemps membre du jury d’examen au Conservatoire, tout en collaborant à la direction de la Schola Cantorum puis à celle de l’Ecole César-Franck. On lui doit également d’avoir terminé l’orchestration du drame lyrique en 4 actes Ghisèle de Franck en compagnie d’autres élèves du Maître, et écrit une Histoire du théâtre lyrique en France (Paris, s.d.). Signalons encore à son actif la publication de ses souvenirs sur le Pater seraphicus, sous le titre de : Les Fioretti du Père Franck parus dans le Mercure de France (sept. 1935-janv. 1938) et un d’ouvrage Sur les chansons populaires françaises (Ed. de la Schola Cantorum, 1901).

Son frère aîné, Jacques Onfroy de Bréville (1858-1931), dit « Job », peintre et dessinateur, a donné de nombreux dessins dans des journaux de l’époque (l’Illustration, La Caricature, La Lune…), et illustré des livres d’enfants et des albums historiques (Le Tambour-major Flambardin, Histoire d’une page de Napoléon Ier, Flamberge au vent, Les Marins de la Garde, Le Bon Roi Henri…). Son Murat et ses livres sur Napoléon sont les plus connus.

Denis Havard de la Montagne publié en 2009, mis à jour en mai 2020 sur :

http://www.musimem.com/Breville_Pierre_de.htm

Fichier MP3 Pierre de Bréville, Suite pour orgue sans pédale : Prélude (la mineur), Méditation (la mineur) et Prière (la majeur), 1912 (in les Maîtres contemporains de l'orgue par l'abbé Joubert, volume 4, édition Maurice Sénart et Cie, Paris, 1914) DR.
Fichier audio par Max Méreaux (DR.)

Partition au format PDF.

http://www.musimem.com/images/Breville_Pierre_Prelude.pdf

Harmonie du soir

Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir;
Valse mélancolique et langoureux vertige!

Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir;
Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige;
Valse mélancolique et langoureux vertige!
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.

Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige,
Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir!
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir;
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.

Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige!
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige...
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir!

Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal

Pierre de Bréville naît dans la jolie ville Renaissance de Bar-le-Duc, dans la vallée lorraine de l’Ornain, le 21 février 1861. À l’instar d’un grand nombre de compositeurs dont les parents voyaient d’un mauvais œil l’idée d’une carrière musicale, il commence par étudier des disciplines «sûres», à l’École Bossuet, au Collège Stanislas et à la Faculté de Droit, visant ainsi une carrière de diplomate. Mais l’appel de la musique est le plus fort, et il se retrouve au Conservatoire de Paris, dans la classe d’harmonie de Théodore Dubois, où il reste deux ans, de 1880 à 1882. Il prend ensuite une initiative qui marquera à jamais sa musique: il étudie le contrepoint, la fugue et la composition avec César Franck. Il ne passera que deux ans auprès du maître, mais toute sa vie, Bréville lui rendra hommage.

Bréville paie aussi ses dettes de manière plus directe. Franck se lançait de manière intermittente dans l’opéra, d’où, par exemple Ghisèle, qu’il commença en 1888, et dont il orchestra le premier acte lui-même. Mais après cela, ce qu’on appelait la «bande à Franck» intervint et poursuivit le travail: on doit la musique de l’acte 2 à Bréville, d’Indy et Chausson, celle de l’acte 3 à Samuel-Alexandre Rousseau et celle de l’acte 4 à Arthur Coquard, l’un des premiers disciples de Franck, oublié, comme Rousseau, depuis longtemps.

Par ailleurs, en 1894, quatre ans après la mort de Franck, d’Indy, Charles Bordes et d’autres fondent la Schola Cantorum, pour perpétuer l’enseignement du maître. Quatre ans plus tard, en 1898, Bréville figure parmi les professeurs et y dirige une classe de contrepoint jusqu’en 1902. On le retrouve en 1917, à un nouveau poste important de tutorat, avec les classes de musique de chambre qu’il dirige au Conservatoire pendant deux ans. Il assume ensuite des fonctions officielles, puisqu’il devient secrétaire de la Société Nationale de Musique, puis président de son comité. Bréville est également un éminent critique musical plein d’esprit. Il écrit de très nombreux articles, notamment dans le célèbre Mercure de France, qui faisait souvent la critique de musique contemporaine, comme celle de Franck, Chausson et Duparc.

Si ces activités le désignent a priori comme un pilier conservateur du milieu musical, son goût de la musique étrangère dénote chez lui un esprit ouvert. Il se rend à Bayreuth en 1882 pour la première exécution de Parsifal (il rencontre alors Bruckner, puis Liszt à Wahnfried) puis de nouveau en 1888, alors que Debussy et Fauré sont parmi les spectateurs français du Festival. Il entreprend ensuite une tournée en Scandinavie en 1889, et rend visite à Grieg à Troldhaugen. Les deux hommes parlent sans doute de la venue de Grieg à Paris, prévue pour le mois de décembre suivant, où il doit diriger ses œuvres en concert. Un autre voyage aux alentours de 1894 amène Bréville à Constantinople, où il s’ouvre à la musique orientale.

En ce début de vingt-et-unième siècle Bréville le compositeur a été perdu de vue, mais il y a cent ans, il était une figure établie et importante de la musique française, place qu’il occupera jusqu’à sa mort le 24 septembre 1949, sa réputation étant principalement fondée sur sa musique vocale. La musicologue américaine Mimi S Daitz, spécialiste de Bréville, recense 105 mélodies composées entre 1879 et 1945 (dont vingt-trois n’ont pas été publiées). Elle écrit ceci sous l’entrée Bréville du New Grove Dictionary of Music and Musicians:

Les premières mélodies sont nettement influencées par Wagner et les dernières par Fauré et Debussy. Elles sont écrites très habilement dans une rythmique inventive, une prosodie méticuleuse et un respect indéniable de la poésie. Par endroits, sa maîtrise harmonique faiblit, mais par d’autres, le tissu harmonie-contrepoint est digne d’un grand maître.
Selon Bréville lui-même, l’une de ses œuvres les plus importantes est l’opéra Eros vainqueur (il l’appelait d’ailleurs un «conte lyrique»), une commande de l’Opéra Comique en 1900 mais exécutée là seulement trente-quatre ans plus tard. La première représentation est donnée au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles, en 1910. Certes, actuellement, une reprise d’Eros vainqueur à la scène n’est guère envisageable, en ces temps marqués par le besoin permanent de nouveauté, mais l’exécution même tardive des mélodies de Bréville peut expliquer pourquoi ses contemporains le tenaient en si haute estime.

Malgré son attrait pour la musique vocale, Bréville a composé plusieurs œuvres instrumentales, dont des sonates pour violoncelle (1930) et pour alto (1944). Sa sonate pour violon en do dièse mineur, composée de 1918 à 1919, est la première d’une série de cinq, dont la dernière sera composée en 1947, alors qu’il a quatre-vingt-six ans, soit deux ans après sa dernière mélodie et deux ans avant sa mort. La partition de cette première sonate porte la dédicace: «à la mémoire du lieutenant Gervais Cazes». Elle est interprétée pour la première fois par le grand Georges Enesco, accompagné par l’inoubliable Blanche Selva, à la Société Nationale de Musique, le 20 mars 1920.

L’œuvre commence comme une chanson de cabaret: on pourrait imaginer la mélodie d’ouverture au violon, sur fond d’accords martelés, chantée dans une boîte de nuit espagnole enfumée; toutefois, au bout de cinq mesures, les traits au piano nous font penser à Fauré et aucun doute ne subsiste sur la nationalité du compositeur. Les deux idées se superposent au début du long développement qui suit, pour s’arrêter bientôt et laisser la place à une magnifique mélodie lyrique dans un dialogue serein mais captivant entre les deux instruments. Les phrases dramatiques de l’ouverture réapparaissent alors, pour être plus amplement développées en alternance avec l’épisode lyrique. Les harmonies au piano, juste avant le début de la coda, rappellent la fascination de jeunesse de Bréville pour Wagner.

Le second mouvement se déploie selon une structure en A–B–A, mais Bréville, toujours enclin au développement, choisit d’en jouer: la section B, introduite par une brève montée au violon, prend possession du matériel existant et convertit sa mesure à 2/4 en mesure à 3/4.

Le troisième mouvement est une progression plus sombre, Lamento indiqué extrêmement lent. Il est tiré d’une mélodie de Bréville, intitulée Héros, je vous aime. La chanson d’origine est une œuvre orchestrale de 1915 sur un texte d’Henri de Régnier en hommage aux soldats français morts au combat lors de la première Guerre mondiale, souci quotidien constant du peuple français. Mimi S Daitz n’est pas tendre, lorsqu’elle commente Héros, je vous aime: le résultat est, dit-elle, «grandiose, pompeux, banal». Il faut savoir que n’ayant pu retrouver la partition originale de la version orchestrale de la chanson, elle se demande si l’écriture pianistique grandiloquente et parfois maladroite n’est pas le résultat d’une condensation des textures de l’orchestre, problème qui se retrouve dans la sonate où, pendant vingt-trois mesures, le piano sonne le glas comme dans la mélodie, mais avec quelques différences dans son développement harmonique. Le violon évoque de la même manière une origine vocale, et rappelle fortement Fauré. Comme il s’agit d’un duo instrumental, la musique échappe en général aux critiques faites à la mélodie d’origine; l’émotion de ce Lamento, même si elle manque parfois de point focal, devient presque transcendante dans son lyrisme, alors que l’œuvre touche à sa fin.

La partie concise du piano dans le finale, indiquée Modérément animé et martial, rappelle irrésistiblement Alkan qui alors commençait à tomber dans l’oubli tandis que Bréville débutait sa carrière. Mais le violon adoucit l’évocation de colère par une expression facétieuse et donne forme au mouvement en alternant épisodes presque dansants et phrasés plus lyriques. Bréville étant Bréville, il ne résiste pas au développement et donne à ce mouvement une tension particulière par la fraîcheur de ses thèmes qu’il étire au-delà de leur capacité. Sur la dernière page de la partition, le piano marque enfin une pause par un accord tenu sur quatre mesures, et le violon passe du souvenir de Fauré à une évocation de Chausson, puis de leur maître à tous deux, César Franck. Hommage involontaire, c’est presque certain, mais d’autant plus éloquent.

La Sonate de Bréville est l’œuvre d’un compositeur parvenu à sa complète maturité. La Suite Dans la montagne de Joseph Canteloube, en revanche, est une des premières tentatives musicales du compositeur au début de sa carrière. Sa spontanéité crée un contraste saisissant avec la complexité recherchée de Bréville.

Martin Anderson © 2004

Français : Marie Luccheta sur : 

https://www.hyperion-records.co.uk/dc.asp?dc=D_CDA67427

Cinquante ans de musique française
(1874 - 1925)

Extrait de l'article Musique de chambre et piano

écrit par Pierre HERMANT sur :

https://www.artlyriquefr.fr/dicos/Cinquante%20ans%20-
%20piano.html

M. Pierre de Bréville, né à Bar-le-Duc (Meuse) en 1861, élève de C. Franck dont il n'a cessé d'être un des plus zélés disciples et admirateurs, a écrit entre autre de la musique religieuse, une messe, des motets ; une scène mystique : Sainte-Rose de Lima ; des pièces d'orchestre : Ouverture pour la Princesse Maleine, de M. Maeterlinck ; des pièces pour chant et orchestre ; un drame lyrique : Eros vainqueur, représenté à la Monnaie de Bruxelles, etc...

M. de Bréville a composé également plusieurs œuvres de piano et de musique de chambre qui ont toutes été jouées en première audition à la Société Nationale — dont il s'est sans cesse occupé, notamment, comme nous l'avons dit, en qualité de secrétaire.

Fantaisie pour piano : introduction, fugue et final (13 avril 1889).

Méditation, pour instrument à cordes, harpe et orgue (21 mars 1890), tirée de la Messe.

Portraits de maîtres : Gabriel Fauré, V. d'Indy, E. Chausson, C. Franck (23 avril 1892).

Stamboul (rythmes et chansons d'Orient) : Stamboul — le Phanar — Eyoub — Galata (2 mai 1896) — le n° 2 ajouté après coup (1922).

Impromptu et Choral (23 mars 1912) — pour piano.

Sonate, pour piano et violon (20 mars 1920).

Un flûte dans les vergers, pour flûte et piano (15 janvier 1921).

Prélude et fugue, pour piano (14 avril 1923, Rouart et Lerolle, éditeurs).

M. de Bréville a mis en action le principe de Franck : faire peu d'œuvres, mais qu'elles soient parfaites. Il est difficile en effet de parvenir à une présentation aussi complète et aussi pure de ses idées. D'une grande élégance, sobre et distinguée, certainement toujours préoccupé et respectueux des enseignements de son maître, M. de Bréville a été attiré de bonne heure vers des recherches personnelles de rythme qui se manifestent dès les premières mesures de sa Fantaisie pour piano. Cette œuvre importante qui étroitement dépend, comme il est naturel à des débuts, de Prélude, Choral et Fugue, s'établit sur un thème (il fait penser aux premières notes du Chant des bateliers de la Volga), mystérieux et solennel et montre dès l'abord une grande intelligence dans le maniement des rythmes, une tendance à des curiosités à cet égard. Après l'introduction, une fugue dont le sujet vient d'être préparé, expressive et d'une grande pureté d'écriture, se développe assez longuement et s'enchaîne à un final. Très pianistique et d'une architecture solide mais transparente, cette œuvre fut suivie de plusieurs autres, également importantes, entre autres : Stamboul, rythmes et chansons d'Orient. Pareil sujet devait tenter un auteur naturellement porté à s'intéresser à la flexibilité des rythmes. Dès le début de cette suite, qui évoque Sainte-Sophie et ses muezzins, les mesures alternent, complexes : sept-huit, sept-seize dans la seconde partie, — neuf-quatre se décomposant non par trois, mais par quatre plus deux, plus trois dans la troisième — d'autres encore. Cette œuvre curieuse n'est pas — comme beaucoup l'auraient fait — directement, profondément inspirée de l'Orient et de sa musique. Tout en cherchant à évoquer l'un et l'autre, et cela par des moyens rythmiques apparentés, M. de Bréville est resté l'occidental qui, venu à Constantinople et impressionné, conserve sa mentalité et sa culture, ne cherche nullement — et sagement — à les modifier, et montre seulement sa curiosité de ces exotismes qu'il regarde, se tenant toutefois à distance. Beaucoup de recherches harmoniques et une grande clarté complètent l'intérêt et le particularisme de cette suite.

La dernière production pour piano de M. de Bréville : Prélude et fugue, prouve l'attachement persistant de l'auteur aux formes sévères et bien ordonnées.

Parmi ses œuvres de musique de chambre, la Sonate, piano et violon, en ut dièse mineur, de proportions considérables, est très certainement une évocation de la guerre et sans doute l'histoire du dédicataire, mort glorieusement pendant la lutte. Cette base d'humanité, bien dans les données classiques, ne pouvait manquer de donner une vie intense à cette production qui présente, en même temps, les qualités de pure musique habituelles à l'auteur.

La sincérité, l'aristocratique désintéressement, l'éloignement des séductions trop superficielles — le culte pour le Maître disparu, avec la volonté de poursuivre sans faiblesses son art noble entre tous, — composent en M. de Bréville une figure de haute tenue morale et de pureté, un musicien de race dont l'œuvre aura été ciselée au défi du temps.

Ecrit par Pierre HERMANT sur :

https://www.artlyriquefr.fr/dicos/Cinquante%20ans%20-
%20piano.html
Œuvres de Pierre Onfroy de
Bréville


Opéras et musiques de scène

Éros, vainqueur d'après un argument de Jean Lorrain créé à Bruxelles au Théâtre de la Monnaie (avec Claire Croiza dans le rôle d'Éros), le 7 mars 1910. En 1918, Jane Bathori en donne une version de concert au Théâtre du Vieux Colombier. Il faut attendre 1932 pour que le directeur de la Salle Favart (Opéra-Comique), Louis Masson, présente les trois actes qui sont, enfin, bien appréciés.
La Princesse Maleine, opéra
L'Anneau de Çakuntala, musique de scène pour Abhijñānaśākuntalam de Kālidāsa (1896)
Le Pays des Fées, musique de scène
Les Sept Princesses, musique de scène (1895)

Ballet

Les Égyptiens, une ouverture pour la pièce de Maeterlinck

Musique pour orchestre

Méditation pour piano, cordes, harpe et orgue (1893)
La Tête de Kenwarc'h, scène lyrique d'après Leconte de Lisle, poème dramatique pour violoncelle et orchestre (1890)
Sainte Rose de Lima, scène mystique pour chœur de femmes, solo et orchestre (1886)
Nuits de décembre, suite (1887)
Stamboul, suite (1895)
SansAns Pardon, poème symphonique (1929)
Sérénade pour 10 cordes (1933)

Musique de chambre

Concert à trois, pour violon, violoncelle et piano, écrit en 1945.
Quatre sonates pour piano dont les dernières sont écrites pendant la guerre de 1939
Cinq sonates pour violon et piano : n° 1 un ut dièse mineur (1918) - n° 2 "Sonate Fantaisie en forme de rondeau" (1927) - n° 3 (1942) - n° 4 (1943) - n° 5 (1944) - n° 6 (1947)
Sonate pour alto et piano (1944)
Sonate pour violoncelle et piano en ré mineur (1930)
Sonatine pour hautbois (ou flûte, ou violon) et piano (1925)
Sonatine pour hautbois, clarinette et basson (1943)
Trio à cordes
Trio d'anches
Une Flûte dans les vergers (1920), pour flûte et piano
Pièce pour hautbois (ou flûte ou violon) et piano (1923)
Poème dramatique pour violoncelle et piano (1924)
Prière d'après le cantique de Molière, pour violoncelle et orgue (ou piano (1924)
Fantaisie appassionato pour violoncelle et piano (1934)
3 Pièces pour flûte, violon, alto, violoncelle et harpe (1945)
Prélude, 3 interludes et poslude, pour 4 saxophones (1946)
Maneh, pour cor anglais et piano (1909)
Fantaisie pour guitare

Piano

Fantaisie: Introduction, fugue et finale (1888)
Portraits de maîtres (Portraits of Masters) (1907) : Gabriel Fauré - Vincent d'Indy - Ernest Chausson - César Franck
Procession et Choral, à quatre mains (1908)
Impromptu et choral (1912)
Stamboul: rhythmes et chansons d'Orient, 4 Pieces (1921)
Prélude et fugue (1923)
Sonate en ré bémol (1923)
Sept esquisses  (1926)
Quatre sonates (1939)
Un Songe (1939)
Préambule, nocturne, intermède et final (1940)
Fantasia appassionata

Orgue

Suite brève pour orgue (ou harmonium) (1896)
Prélude, méditation et prière pour orgue sans pédale (1912)
Deuxième suite brève en cinq parties pour orgue (ou harmonium) (1922)

Musique chorale

Introït "Deus Israël", pour ténor, choeur, harpe et orgue (1885)
Hymne à Venus, Duo vocal, ou choeur à 2 voix, en mode phrygien (c.1885); paroles de Auguste Villiers de l'Isle-Adam
Messe pour soprano, tenor, bariton, choeur mixte (STB), quatuor à cordes, harpe et orgue (1886)
Laudate Dominum, pour baryton, choeur, harpe, orgue et contrebasse (1889)
Sainte Rose de Lima, Scène mystique pour soprano, choeur de femmes et orchestre (1890s); paroles de Félix Naquet (1886)
Chant des Divinités de la Forêt, pour soprano, ténor, choeur de femmes et orchestre (1896)
Tantum ergo sacramentum veneremur cernui, Hymne au Saint Sacrement pour mezzo-soprano, choeur de femmes et orgue (1898)
Messe brève pour voix et orgue (1925)
2 choeurs : Eloge de Noé - Eternel envahisseur (1940)
Les Cèdres du Liban, pour choeur mixte a cappella (1941)
Motets pour la messe des morts (1941)
Ave Maria (1944)
Salut pour solistes, choeur de femmes et orgue ou harmonium (1898)

Mélodies

L'Ondine et le Pêcheur, pour voix et orchestre ou piano (1884)
La forêt charmée pour voix et piano (1891); paroles de Jean Moréas
Ave Verum, pour baryton et orgue (1898)
Inviolata, pour mezzo, ténor et orgue (1892)
Epitaphe pour voix et piano (1899); paroles écrites sur le tombeau de Marie Dupuis dans "Église de Senan"
Le Furet du bois joli pour voix et piano (1899); paroles de Jean Bénédict
Poèmes de Jean Lorrain mis en musique (1899?) : La mort des lys, La belle au bois, La petite Ilse
Quatre Prières d'enfant (1899) : le signe de croix, notre père, je vous salue Marie, Souvenez vous
Quatre mélodies pour voix moyennes et piano (1912) : Une jeune fille parle; poème de Jean Moréas - Venise marine; poème de Henri de Régnier - Berceuse; poème de Henri de Régnier - Sous les arches de roses; poème de Charles van Lerberghe
Héros, je vous salue pour voix et piano (1916); poème de Henri de Régnier
France pour voix et piano (1917); poème de Henri de Régnier
Sainte pour voix et piano (1922); poème de Stéphane Mallarmé
Bonjour mon cœur pour voix et piano (1925); poème de Pierre de Ronsard
La Terre les eaux va buvant pour voix et piano (1925); poème de Pierre de Ronsard
Ô mon ange gardien pour voix piano (1925); poème de Francis Jammes
Baiser pour voix et piano (1926); poème de Émile Cottinet
Cantique de 1ère communion pour soprano, violin et orgue (ou piano) (1926); paroles de Henry Gauthier-Villars
La Cloche fêlée pour piano (1926); poème de Charles Baudelaire
Quatre Sonatines vocales (1928) poèmes de Moreas : Printemps, Fleurs, Automne, Océan
12 Rondels de Charles d'Orléans pour voix et piano (1930); poèmes de Charles d'Orléans
Bernadette (1894)
La Petite Ilse (1898)
Cœur ardent (1932)
L'Heure mystique (1932)
Etoile (1945)

Ecrits

Les Fioretti du père Franck, (1935–1938), une biographie de César Franck
Une histoire du théâtre lyrique en France

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