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Publié par J.L.D.

L'histoire de la guitare classique et
son évolution

Sur :

https://www.siccasguitars.com/2022/12/09/the-history-of-classical-guitar-and-its-evolution/?gad=1&gclid=CjwKCAjwsvujBhAXEiwA_UXnAEcMxStR6fwncqbGbW9R2oIXPWn9CgTMdKkKnzZ3-QrP1BOGkeGk5hoCHH8QAvD_BwE

La guitare classique est un type de guitare acoustique originaire d'Espagne au début du XVIe siècle. Il est connu pour ses cordes en nylon et son son délicat et complexe. La guitare classique a une histoire riche et a subi de nombreux changements et développements au fil des ans, ce qui en fait un instrument vraiment unique et fascinant.

Les origines de la guitare classique remontent à la vihuela espagnole, un instrument à cordes populaire aux XVIe et XVIIe siècles. La vihuela avait une forme similaire à la guitare classique moderne mais avait un corps plus profond et moins de cordes. Il était souvent utilisé pour jouer une musique complexe et ornée qui était populaire à l'époque.

La guitare baroque a finalement remplacé la vihuela, qui avait un corps plus petit et un manche plus long. Cela a permis une plus grande précision et un meilleur contrôle lors de la lecture. La guitare baroque avait également un son plus délicat et complexe, ce qui la rendait populaire parmi les compositeurs classiques.

Au 18ème siècle, la guitare classique a commencé à évoluer et à prendre sa forme moderne. Le changement le plus important a été l'ajout d'une sixième corde, qui a permis une gamme de notes plus large et un son plus riche et plus complexe. Ce développement a également ouvert la voie à la création de la guitare moderne à six cordes.

Au fur et à mesure que la guitare classique évoluait, elle est devenue un instrument populaire pour la musique classique. Des compositeurs tels qu'Antonio Vivaldi, Johann Sebastian Bach et Wolfgang Amadeus Mozart ont écrit de la musique pour guitare classique. L'instrument a également été utilisé dans la musique populaire, avec des artistes comme Francisco Tárrega et Andrés Segovia contribuant à populariser la guitare classique.

Au 19e siècle, la guitare classique continue de se développer et de gagner en popularité. De nombreux guitaristes classiques ont commencé à se concentrer sur la technique et la virtuosité, développant de nouveaux styles et techniques de jeu. Cela comprenait l'utilisation des doigts de la main droite pour pincer les cordes, plutôt qu'un plectre, ce qui permettait d'obtenir un son plus délicat et expressif.

Au XXe siècle, la guitare classique continue d'évoluer et de s'adapter aux nouveaux styles et tendances musicales. Dans les années 1950 et 1960, des guitaristes classiques comme Julian Bream et John Williams ont contribué à faire connaître l'instrument à un public plus large. Ils ont également aidé à développer de nouvelles techniques et styles de jeu qui ont élargi les capacités de la guitare classique.

La guitare classique n'a cessé d'évoluer et de s'adapter à de nouveaux styles musicaux. De nombreux guitaristes classiques ont expérimenté différentes techniques et styles de jeu, incorporant des éléments d'autres genres musicaux dans leurs performances. Cela a contribué à maintenir la pertinence et la popularité de la guitare classique à l'ère moderne. Malgré sa longue histoire et ses nombreux développements, la guitare classique reste un instrument apprécié et populaire. Son son délicat et complexe continue de captiver le public et d'inspirer les musiciens du monde entier. Que vous soyez débutant ou joueur confirmé, la guitare classique est un instrument qui offre des possibilités infinies et une expérience musicale riche et enrichissante.

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Exposition du Musée de la musique, Travelling Guitars - Guitare Nicolas Grobert

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https://philharmoniedeparis.fr/

L’histoire de la guitare classique débute dès la fin du Moyen Âge, lorsque la famille des vihuelas se développe.

Tantôt délaissée, comme au début du XVIIIe siècle, tantôt au goût du jour, dès le milieu du XVIIe siècle et au début du XIXe siècle, la guitare séduit les luthiers qui n’ont de cesse d’améliorer sa facture, les musiciens qui perfectionnent leur technique de jeu, et un public qui devient de plus en plus nombreux à l’écouter, et à la pratiquer en amateur.

Le Musée de la musique est riche d’une collection de près de 200 guitares classiques, témoins de l’histoire de cet instrument et de son évolution. 

Aller à : page du Musée sur le site de la Philharmonie de Paris

https://collectionsdumusee.philharmoniedeparis.fr/histoires-d-instruments-la-guitare-acoustique.aspx#frame-14357

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HISTOIRE DE L'INSTRUMENT

LES ORIGINES

L’origine de la guitare est indissociable de celle relative à une variété de cordophones qui se sont développés à la fin du Moyen Âge en Espagne sous le terme de vihuela duquel émerge celui de vihuela de mano. La description la plus ancienne de l’instrument est donnée par le théoricien Johannes Tinctoris (1445-1511) dans un ouvrage publié vers 1480, De inventione et usu musicae. Il est à noter que Tinctoris cite également le nom de « guitare » en lui attribuant une origine catalane.

Alors que le luth rencontre un succès général dans le reste de l’Europe, l’Espagne lui préfère la vihuela : aucune musique pour le luth n’est publiée tandis qu’un répertoire de musique savante pour la vihuela s’enrichit et se diffuse grâce à l’impression de plusieurs recueils.

Sur le plan morphologique, vihuela de mano et guitarra sont similaires au point qu’il est difficile d’imaginer qu’ils ne dérivent d’un type unique plus ancien à rechercher dans les formes plus archaïques de vihuela. Différentes sources du XVIe siècle permettent d’imaginer la guitare comme un instrument plus petit, avec seulement quatre rangées de cordes doubles, tandis que la vihuela courante, en comporte six. Celle-ci est munie d’un manche à dix frettes. Le répertoire connu à ce jour puise aux mêmes formes que celles en usage pour la vihuela et dans un style comparable. Les deux types sont tellement proches que, lorsqu’à la fin du XVIe siècle passera la mode de la musique polyphonique, la vihuela laissera rapidement place à la guitare, à une nouvelle esthétique et à une nouvelle technique de jeu.

Si le patrimoine musical de la vihuela est abondant et accessible, il n’en va pas de même pour le patrimoine instrumental. La grande fragilité des instruments de musique explique leur extrême rareté, surtout pour des époques aussi reculées que le XVIe siècle. A l’heure actuelle, seuls quatre instruments authentiques peuvent être rangés dans le type vihuela de mano : l’un appartient au musée Jacquemart-André, le deuxième au Musée de la musique de Paris, le troisième repose parmi les reliques de la sainte Mariana de Jesus dans l’église de Nuestra Senora de Lereto à Quito, en Equateur, et le dernier se trouve au Royal College of Music de Londres, il est signé « Belchior Dias » et a été fabriqué à Lisbonne en 1581.

A la fin du XVIe siècle, la vihuela tombe en désuétude tandis que la guitare acquiert un cinquième chœur et se voit adoptée dans toute l’Europe sous le nom de « guitare espagnole ».

LA VOGUE DE LA GUITARE EN FRANCE

Guitare, Jacques Dumesnil, 1648, Paris, Cité de la musique © Jean-Marc Anglès
Guitare, Jacques Dumesnil, 1648, Paris, Cité de la musique © Jean-Marc Anglès

En France, la seconde moitié du XVIIe siècle consacre le déclin du luth et l’apogée de la guitare. Si un seul nom doit rester attaché à la facture française de guitare pour ce siècle, c’est celui des Voboam : trois générations de facteurs, un prototype d’une surprenante régularité, un style de décor et ses subtiles variations. Le nom de Voboam est resté recherché pour la perfection des modèles qui porte cette signature.

La guitare parvient à imposer ses avantages auprès d’un milieu amateur et trouve bien sûr un écho auprès des musiciens professionnels comme Henri Grénerin, Hurel, Bartolotti et surtout Robert de Visée lesquels pratiquent aussi le théorbe. Seul Francisco Corbetta se voue, semble-t’il, exclusivement à la guitare.

L’instrument est lancé dans le monde lorsque le jeune Louis XIV puis Lully y attachent leur nom.

Le Roi apprécie le talent de Visée puisque, non content d’en recevoir des leçons de guitare, il le fait jouer le soir à son chevet (Journal de Dangeau). Mais le Roi n’est pas seul à s’intéresser à la guitare : Lecerf de la Viéville nous apprend que dans sa jeunesse, Jean-Baptiste Lully (1632-1687) fut élève d’un « bon Moine, qui lui donna le premier quelques leçons de Musique, qui lui aprît à jouer de la Guitare…Lulli commença par cet instrument…il conserva le reste de sa vie de l’inclination à en jouer ».

Sa vogue mondaine en fait un accessoire obligé des gravures de mode (Dame en habit de chambre, I .D. de Saint Jean, 1675, Dame de qualité jouant de la Guitarre, Nicolas Bonnart, 1694) et un symbole galant.

La guitare, avec ses cinq paires de cordes de boyau, développe grâce à sa construction légère, une sonorité cristalline et nerveuse. Elle est appréciée pour jouer des danses qui constituent à l’époque l’essentiel d’un répertoire commun au théorbe (les deux instruments ayant quasi le même accord) : allemandes, courantes, sarabandes, gigues et menuets deviennent sur la guitare particulièrement attrayants grâce à la technique des batteries rythmiques.

Une quantité appréciable de transcriptions d’airs et de danses tirés de Ballets et d’Opéras de Lully, pour la guitare (et le théorbe), nous sont parvenues, pour la plupart signées de Visée. Elles offraient aux amateurs la possibilité de refaire sonner à la maison l’Ouverture de la Grotte de Versailles ou les fameuses Sourdines d’Armide.

Elle accompagne les airs et brunettes à la mode et, aux côtés du théorbe, du clavecin, de la basse de viole et du violoncelle, elle contribue à enrichir de sa couleur délicate la réalisation de la basse continue.

Les mémoires et correspondances de l’époque témoignent aussi de la prolifération de concerts privés. Les méthodes abondent, pour apprendre aux amateurs la pratique de la basse continue. L’engouement extraordinaire pour la guitare s’éteint sous la Régence. Jean-Baptiste Voboam se reconvertit les dernières années de sa vie dans la facture de viole.

LE SIÈCLE DES LUMIÈRES

Au début du XVIIIe siècle, la guitare n’est plus au goût du jour. Le clavecin et la harpe, puis plus tard dans le siècle le pianoforte l’ont supplantée dans son rôle d’instrument soliste. De plus, un intérêt croissant pour la musique de chambre, en Italie d’abord, puis en Espagne, et une passion pour l’Opéra, détournent le public de cet instrument moins sonore. Cependant, en France, la guitare ne disparaît pas complètement et garde son statut d’instrument de l’aristocratie, comme en témoignent les peintures d’Antoine Watteau (1684-1721) et de Nicolas Lancret (1690-1743).

Mais, à partir de 1780, un regain d’intérêt pour la guitare est manifeste. L’époque a changé et la bourgeoisie montante s’est frayée un plus large chemin dans la vie musicale en y apportant ses nouveaux goûts. La nouvelle vogue pour la romance explique aussi l’engouement pour cet instrument le mieux adapté pour accompagner.

La guitare semble également l’instrument rêvé pour réaliser certaines idées esthétiques des grands philosophes du siècle, comme Jean-Jacques Rousseau : « Il faut que la basse, par une marche uniforme et simple, guide en quelque sorte celui qui chante et celui qui écoute, sans que l’un ni l’autre s’en aperçoive » (Lettre sur la musique française).

A la fin du siècle, la transition se fait progressivement entre la guitare à cinq chœurs (généralement quatre cordes doubles et une chanterelle) et la guitare à six cordes simples, (sous l’influence de la guitare-lyre), précurseur de la guitare classique.

LA GUITAROMANIE

Le début du XIXe siècle est marqué par un renouveau d’intérêt spectaculaire pour la guitare (amorcé dès le milieu du XVIIIe siècle). De nombreux facteurs interviennent pour lui donner peu à peu son visage moderne.

Un public différent, celui d’une bourgeoisie nouvellement promue, aux racines musicales tournées davantage vers les pratiques traditionnelles orales, influe sur le répertoire et sur la technique, déterminant des modifications sur le plan de l’accord, de la notation et bien sûr de la facture.

La guitare devient un apprentissage indispensable à une bonne éducation. Dans toute l’Europe se répand la « Guitaromanie ». Le répertoire de la guitare s’internationalise sous l’impulsion de virtuoses-compositeurs voyageant à travers le continent. Les italiens Ferdinand Carulli (1770-1841) et Niccolo Paganini (1782-1840), virtuose du violon mais aussi de la guitare, nous laissent une production abondante. L’école espagnole s’affirme grâce à Fernando Sor (1778-1839) et Dionisio Aguado (1784-1849) dont les méthodes restent réputées.

A Paris, deux luthiers dominent la production : René Lacote (ou Lacôte, actif 1820-1853) et (vers 1790-1856). En Espagne, le grand maître de la guitare et véritable père de la guitare dite « classique » est Antonio de Torres (1817-1893). Il construisit ses premiers instruments selon un modèle et des proportions qui dataient de 1700 environ. Mais vers la fin des années 1850, il confère à l’instrument les caractéristiques essentielles de la guitare moderne (caisse ample à larges éclisses, barrage intérieur en éventail) que le talent du guitariste Francisco Tarrega a contribué à imposer.

Les facteurs Manuel Ramirez (1869-1920) et Vicente Arias (vers 1840-1912), à Madrid, Enrique Garcia (1868-1922) et Francisco Semplicio (1874-1932), à Barcelone, illustrent une facture issue de Torres.

LE CAHIER DE ROBERT BOUCHET

Cahier de Robert Bouchet, Paris, XXe siècle, page 85, © Cité de la musique - Richard Lambert Cahier de Robert Bouchet, Paris, XXe siècle, page 85. Cité de la musique - Richard Lambert

La simple évocation du fameux « cahier de Robert Bouchet » est devenue une sorte de référence mythique en matière de construction de guitare.

L’original du document fut donné, selon la volonté de l’auteur, au Musée de la musique par Madame Andrée Bouchet en 1988. Il est d’autant précieux que, jusqu’à une époque récente, les luthiers n’écrivaient pratiquement jamais et gardaient jalousement leurs secrets de fabrication. Une édition en fac-similé proposée par le Musée est parue en 2003.

Le cahier d’atelier, rédigé vers 1950 par Robert Bouchet, développe au long d’une centaine de pages les étapes de la construction d’une guitare dans la tradition artisanale espagnole. Les opérations y sont détaillées par de savoureux dessins et diagrammes pleins de vie et de pertinence.

En 1936, Bouchet, facteur de guitare autodidacte, rencontre Julian Gomez Ramirez, luthier espagnol installé à Paris avant 1921, lui-même héritier des suiveurs d’Antonio de Torres. D’abord visiteur curieux et assidu, Bouchet suit la fabrication de la guitare qu’il commande à Ramirez en 1938.

Dès la fin de la guerre, il mène ses premières expériences de luthier à l’aide de ce qu’il a observé et avec des moyens extrêmement modestes. Les connaissances de lutherie ainsi acquises constituent la base de ses futures guitares. Il prend pour modèle le maître luthier Antonio de Torres et construit des guitares selon la tradition espagnole. Puis, peu à peu, il s’engage dans le domaine de la création.

En 1957, il ajoute une barre transversale asymétrique sous le chevalet - la fameuse « barre d’âme » - innovation qui lui est inspirée après la restauration d’une guitare faite par le luthier parisien René Lacote en 1818.

Ce nouveau modèle, par sa sonorité chaleureuse et équilibrée, séduit les concertistes comme Ida Presti, Alexandre Lagoya, Julian Bream, Manuel Lopez-Ramos, le duo Pomponio-Zarate. Dès lors, la notoriété de Robert Bouchet ne cesse de croître et le hisse au plus haut niveau, aux côtés d’un Lacote ou d’un Voboam.

Aller à : page du Musée sur le site de la Philharmonie de Paris

https://collectionsdumusee.philharmoniedeparis.fr/histoires-d-instruments-la-guitare-acoustique.aspx#frame-14357

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Guitare et pédagogie

Pour une pédagogie sensible, pratique et

efficace

https://guitare-et-pedagogie.net/2013/06/17/au-debut-du-xixe-siecle-linvention-de-la-guitare-classique/

Au début du XIXè siècle, l’invention
de la guitare classique

17 juin 2013 · par Mathieu de Person

Il est communément avancé et admis que la guitare classique serait née vers 1870, avec l’avènement d’une guitare « aboutie », la guitare dite de Torrès, et de l’école de guitare moderne initiée quelques années plus tard par Tarrega.

Je souhaite ici prendre le contrepied de cette affirmation en relativisant la portée de ces phénomènes. Si elle reste importante, cette évolution n’en demeure pas moins mineure au regard du grand tournant qui s’amorce au début du XIXè siècle.

En effet, entre 1800 et 1830 s’opère un changement de paradigme caractérisé par une triple mutation : organologique, musicale et surtout conceptuelle. Celle-ci posera les bases d’une représentation de la guitare dite classique, encore valable de nos jours. Pour résumer, l’époque romantique réinvente et conceptualise une guitare, que nous qualifions désormais de classique.

Nous discuterons à la fin de cet article de la question du vocabulaire. N’est-il pas délicat d’utiliser la terminologie « guitare classique » dans un contexte  romantique, d’autant que la guitare dite « romantique » existe de fait ?

Au cours de cet article, je dissocierai donc pour plus de clarté les deux termes, en circonscrivant l’appellation guitare romantique à sa dimension organologique et historique. A contrario, je définis à présent la « guitare classique » comme étant conceptuellement :

un instrument perçu avant tout à l’égal des autres, et dont les spécificités sont moins importantes que les points de convergence, notamment sur le plan de la pédagogie et des pratiques musicales;
un instrument possédant un répertoire faisant appel aux techniques de composition et au langage propres à la musique dite classique, au sens de musique occidentale savante.

Une évolution organologique majeure :

l’apparition de la guitare « romantique »

Au début du XIXè siècle se concrétise toute une série de modifications sur le plan organologique déjà  bien engagées à la fin du siècle précédent. Cependant, il se s’agit pas uniquement de simples améliorations techniques comme l’instrument a pu en bénéficier ponctuellement auparavant. C’est en effet toute la structure de l’instrument qui se modifie alors : ajout de la sixième corde, disparition des cordes doubles, ajout des cordes filées et des barrettes en métal, modification de la structure de la caisse.

Certes, les musiciens et les luthiers ont cherché de tous temps à étendre les possibilités de leur instrument. L’apparition d’une sixième corde à la guitare n’est donc pas une révolution en soi, mais elle permettra d’élargir sa tessiture tout en offrant une dimension polyphonique plus importante. Elle rendra par ailleurs possible l’accès à d’autres tonalités auparavant peu usitées, comme mi majeur ou encore sol majeur.

Cet ajout a été permis par l’introduction des cordes filées quelques années auparavant, et la complète. Cette invention italienne (consistant en un fil de métal enroulé autour d’une âme en soie), qui s’est appliquée initialement à la famille du quatuor à cordes, a été introduite sur les cordes graves de la guitare, permettant d’obtenir des sonorités plus justes et plus puissantes. Des cordes aussi graves que le Mi, en boyau, auraient nécessité soit des cordes de très gros diamètre, soit d’une tension faible, au détriment de la clarté.

Afin que ces nouvelles cordes métalliques n’endommagent pas les frettes, anciennement en boyau et enroulées autour du manche, les luthiers mettent au point des barrettes fixes en métal. Ils trouvent par tatonnement le bon alliage qui permettra de résister à l’écrasement provoqué par la pression des cordes. Les luthiers proposent enfin un système de table et de chevalet plus résistant pour soutenir la tension plus forte des cordes.

Le montage avec des doubles cordes, en usage depuis des siècles, tombe progressivement en désuétude, étant abandonné vers 1800, à l’exception notable de l’Espagne (nous en reparlerons).

 Voici ce qu’écrit Dionisio Aguado dans sa méthode complète pour la guitare, publiée à Paris en1826 (traduction de François de Fossa) « J’ai dit que je préfère la guitare à cordes simples et j’ai pour cela de bonnes raisons :

1- Il est difficile que deux cordes conservent exactement l’unisson d’un bout du manche à l’autre;

2- comme il est d’usage, dans les guitares à doubles cordes, de laisser la chanterelle simple, en passant de cette corde aux autres on s’aperçoit d’une disproportion dans les sons;

3- il est encore d’usage d’appareiller la 6è corde avec une corde filée mince qui donne son octave : usage ridicule qui empêche d’entendre les sons graves; […] »

(L’usage ridicule auquel Aguado fait référence est un archaïsme encore en usage en Espagne, issu de l’ancien accord embrassé baroque (en anglais : re-rentrant tuning). cf : guitare baroque : préservez les dissonances !)

Chez Aguado, un musicien espagnol influent qui aura partagé son activité entre Madrid et Paris, il est aisé de percevoir l’ambassadeur de la nouvelle guitare.

Toutes ces modifications sont remarquablement décrites par Sinier de Ridder, un spécialiste de la lutherie de cette époque : sinier de ridder – la guitare 6 cordes

La guitare romantique ne diffère finalement que peu de nos guitares modernes, les différences notables étant un diapason légèrement plus court (63 cm en moyenne contre 65 cm) et une forme plus évasée.

Cette nouvelle guitare romantique, aux possibilités élargies, à la sonorité plus calibrée, à l’accord plus juste dans les différentes tonalités, grâce un peu plus tard aux chevilles à vis sans fin, va accompagner et permettre une mutation encore plus fondamentale, qui s’exercera cette fois-ci au niveau des pratiques musicales.

Les changements de pratiques musicales

Le début du XIXè siècle voit apparaître une nouvelle figure d’interprètes, portant la triple qualité de virtuoses, compositeurs et professeurs. En dépit d’un talent de compositeur très variable d’un musicien à un autre, ces guitaristes auront une influence considérable sur la destinée de leur instrument.

Dans les deux foyers artistiques principaux que sont Paris et Vienne aux alentours de 1830, une intense activité artistique et pédagogique se développe, formant à la fois une public pour écouter les concert donnés dans les salons et un public avide de recevoir les leçons des maîtres de l’époque. La guitare jouit alors, après une longue période de latence, d’un grand engouement, parfois même sur un mode passionnel.

Dans les mains de Sor, Aguado, Giuliani, Carcassi ou Carulli la guitare devient, à l’instar du piano, un instrument de concert bien adapté à la vie culturelle de l’époque des salons.

Les compositions de Sor notamment donnent des gages de crédibilité à un instrument en quête de 

légitimité. Elles sont ainsi reconnues pour leur valeur intrinsèque par Fétis, un musicologue et critique musical influent dans la vie artistique parisienne.

Fait nouveau, les compositeurs-guitaristes écrivent pour guitare et autre instrument, lui offrant une dimension concertante. Les musiciens majeurs tels que Schubert ou Berlioz cherchent l’inspiration avec leur guitare, qui en définitive s’identifie parfois avec avec le romantisme lui-même.

La nouvelle guitare s’approprie le style de l’époque
Les compositions pour l’instrument se modifient avec l’apparition de la mélodie accompagnée et de l’écriture à plusieurs voix. L’élargissement des tonalités possibles permet des modulations qui dans la forme sonate font partie intégrante de la dramaturgie et de la dynamique musicale, principalement dans le développement. Par la possibilité qui est donnée de moduler, notamment par par marches ou enharmonie, nous voyons ainsi les pièces se rallonger et prendre des dimensions nouvelles, comme les rondos brillants d’Aguado. Sor quant à lui compose en Mib ou la b majeur, c’est-à-dire dans des tonalités inusitées jusqu’à présent.

Les guitaristes virtuoses de l’époque sont en mesure d’adapter à la guitare des compositions d’autres musiciens, en arrangeant des pots-pourris d’airs d’opéras (Rossinianes de Giuliani, écrits d’après les thèmes de Rossini), ou des variations sur des thèmes célèbres, comme les célèbres variations sur la flûte enchantée de Mozart, par Sor. Bref, le répertoire s’élargit, s’enrichit, se diffuse tout en  collant au mieux au style et aux goûts de l’époque. Un changement conceptuel : la guitare est ambitionnée comme égale aux autres instruments
Toutes ces évolutions sont le corollaire d’un changement conceptuel majeur qui s’applique à la guitare. Celle-ci est clairement ambitionnée comme un instrument égal aux autres. De la part de guitaristes ayant reçu une formation musicale poussée comme Sor, ce recadrage de l’instrument dans un courant « institutionnel » devait inconsciemment être perçu comme une nécessité, afin de ne pas confiner la guitare ans un registre purement folklorique.

Sur le plan du jeu, les effets autrefois appréciés à l’époque baroque, dissonances et autres rasgueados, ne sont plus considérés comme des principes structurels participant à l’identité de l’instrument. Ces effets sont réinterprétés dans un cadre bien codifié, comme on le voit dans le fandango varié d’Aguado. Dans cette pièce en effet, dont le rythme est issu du folklore espagnol le plus direct, le rasgueado n’est pas utilisé, et les effets rythmiques sont reproduits au travers de formules d’arpèges, écrits en toutes notes.

Il est intéressant de remarquer que les effets ne sont pas bannis du langage guitaristique, au contraire. Mais ils tendent à réaffirmer l’appartenance de la guitare à la grande famille des instruments classiques, plutôt qu’à s’en démarquer.

Aguado décrit ainsi précisément dans sa méthode les effets que l’on peut obtenir de la guitare. Il s’agit désormais d’imiter les autres instruments, notamment ceux de l’orchestre, ou considérés comme nobles : trompette, basson, tambour, harpe. Sor, quant à lui, fait dans sa méthode abondamment référence au quatuor à cordes, non seulement dans le domaine de la composition ou de l’orchestration, mais également du rendu sonore.

Une activité pédagogique intense, qui

accompagne et amplifie les mutations

L’importance des publications de l’époque atteste l’intensité de la réflexion pédagogique et met en évidence les enjeux que nous venons de décrire. Les méthodes de Sor, Aguado, Carcassi sont éditées puis rééditées dans plusieurs langues, permettant la mise au point d’un répertoire pédagogique adapté aux débutants et la composition d’études adaptées qui permettra d’accroître le nombre de pratiquants. Les créateurs de ces méthodes ont alors l’ambition de poser les bases d’une pédagogie méthodique et rationalisée.

Symbole fort de cette pédagogie méthodique : l’insertion dans les méthodes, notamment celle de Carcassi, de l’étude des gammes dans tous les tons, alors que traditionnellement seuls certains étaient usités de manière privilégiée (tonalité de ré et de la, à considérer sans diapason fixe).

L’activité pédagogique est un indicateur précieux des ambitions des guitaristes compositeurs et pédagogues au regard de leur instrument. L’usage facile de la guitare, comme instrument d’accompagnement de chansons légères, devient secondaire, ce qui démontre une volonté de la positionner comme un instrument majeur, à l’instar du piano ou du violon.

Alors que Guichart publie à Paris en 1795 une méthode intitulée la guitharre (sic) rendue facile sans le secours de l’Art où l’on trouve la manière de préluder dans tous les tons tant majeurs que mineurs possibles, la nouvelle méthode de Lemoine, pour guitare à cinq cordes et parue en 1800 à Paris, est présentée en couverture comme une Nouvelle méthode de guitare à l’usage des commençants -divisée en trois parties, la première contenant les premiers principes de musique, la seconde les gammes et premières leçons et la troisième plusieurs variations des folies d’Espagne, petits airs avec accompagnements, Allemandes, airs variés et une sonate.

Les méthodes majeures suivantes, comme celles Carulli, Aguado ou de Sor, amplifieront ce phénomène en favorisant à la fois l’apprentissage exigeant de bases techniques solides et l’apprentissage d’un répertoire propre, éloignant la guitare de son rôle d’instrument d’accompagnement. Ainsi Aguado lui-même, dans la deuxième édition de sa célèbre méthode aux alentours de 1840 (soit vingt ans après la première édition) délaisse l’objectif initial qui consistait alors à accompagner les airs faciles à la guitare.

L’adaptation naturelle d’un instrument en

résonance avec la société

Comme souvent dans l’histoire de la musique, l’évolution organologique est indissociable de l’évolution stylistique. En effet, afin de pouvoir jouer le nouveau style, les améliorations en termes de projection sonore, d’ambitus ou de calibrage deviennent indispensables, à moins de confiner l’instrument dans un registre désuet ou subalterne. Ce fut alors le cas pour la guitare, comme pour le violon dans une moindre mesure quelques années auparavant.

Ainsi, afin de pouvoir rayonner dans la société des salons, la guitare devait perdre une partie du caractère intimiste qui avait été le sien pendant des siècles. Elle devient un instrument capable de jouer avec un violon, un flûte ou une autre guitare, voire de concerter avec un orchestre.

Parfaitement en adéquation avec la société, la guitare devient un instrument suffisamment sérieux pour être valorisé dans les salons, tout en gardant son image bohème et populaire. Ce positionnement convient bien à une société bourgeoise et libérale, ayant pris ses distances avec les valeurs de l’ancien régime. Le développement d’une classe moyenne comme de l’industrie permet également une diffusion de masse de la guitare, avec d’un côté un nombre d’amateurs croissant, et de l’autre une lutherie en capacité de répondre à la demande.

Des résistances culturelles, des prolongement

parallèles

La naissance de cette « guitare classique » est donc un tournant dans l’histoire de la guitare qui, laissant de côté un pan important des pratiques précédentes, va conduire l’instrument à trouver des prolongements différents dans d’autres modes de jeux ou au niveau de sa forme et de sa structure. La guitare de la fin du XVIIIè siècle, si adaptée pour accompagner les chansons légères, ne s’est-elle pas retrouvée dans la guitare folk, à la fois populaire, communicative et aisée d’apprentissage ?

Singulièrement, l’Espagne, patrie des principaux détracteurs de la guitare à cordes doubles que sont Aguado et Sor, conservera longtemps encore cette spécificité. Peut-elle perçoit-elle alors inconsciemment qu’une part de son âme partirait avec l’abandon de ces sonorités si particulières ?

Il est séduisant de penser que la guitare baroque à cordes doubles, aux effets si particuliers au niveaux des dissonances, de l’usage de la campanella et des rasgueados, s’est retrouvée dans la guitare flamenca, qui certes adoptera grosso modo les cotes de la guitare classique, mais avec des sonorités plus percussives, un jeu plus facile et par ailleurs une tenue de l’instrument alternative.

Au-delà de la terminologie

L’une des constantes de la guitare est l’interaction permanente avec la société qui lui permet de s’adapter afin de ne pas disparaître, contrairement à d’autres instruments aujourd’hui tombés dans l’oubli.

Ses atouts spécifiques (faible coût, possibilités polyphoniques, facilité de transport et bien d’autres encore) agissent sur les pratiques musicales, tandis que celles-ci lui imposent des modifications rendues nécessaires par les changements de styles.

L’adaptation parfaitement réussie au XIXè siècle n’est pas une première dans l’histoire de la guitare, et elle ne sera pas la dernière, preuve en est le succès de la guitare électrique au XXe siècle.

En revanche, cette évolution marquera sans aucun doute pour la première fois le début d’une césure, et tout du moins d’une ambivalence dans la conception sociale de l’instrument. Celui-ci est considéré encore de nos jours comme facile et populaire, ce qui est sans doute vrai dans une de ses déclinaisons, héritée de la période précédant la grande mutation que nous venons de décrire. Cependant, l’instrument classique relève plutôt du piano ou du violon en termes d’apprentissage et de difficulté.

On peut dès lors s’interroger sur la définition d’une guitare dite « classique » : ne serait-elle pas celle qui aurait laissé de côté des aspects tant musicaux qu’affectifs particulièrement spécifiques de l’instrument, dans le but de devenir un instrument égal aux autres ?

L’idée que la guitare classique aurait coupé tout lien avec les pratiques populaires n’est cependant pas entièrement exacte : les compositeurs eux-même n’auront de cesse de se ressourcer dans la musique populaire, à l’instar de Tarrega ou plus récemment de Ohana ou Brouwer. La guitare reste par ailleurs l’un des instruments les plus pratiqués et les plus enseignés de par le monde, y compris dans un cadre institutionnel comme les conservatoires.

Il est remarquable que cette double composante, populaire et savante, aura permis à la guitare au cours des siècles de se transformer pour s’adapter aux grands mutations sociales et musicales.

En lui donnant une place dans l’imaginaire collectif qui ne s’est jamais démentie, cette composante tout à fait particulière est peut-être, en définitive, ce qui caractérise le mieux la guitare.

Pour aller plus loin :

Sources musicales 

les principales méthodes publiées dans la première partie du XIXè siècle

http://alain.miteran.pagesperso-orange.fr/

Alain Miteran, auteur d’une très plaisante histoire de la guitare, richement illustrée

http://www.sinier-de-ridder.com

Sinier de Ridder, un couple de luthier et d’experts de la guitare ancienne, site intéressant présentant une belle collection de guitares anciennes

early guitar, le site de référence des guitares anciennes, en langue anglaise

http://www.earlyromanticguitar.com/

le site dédié à la guitare romantique, très complet, comprenant de nombreux articles, en langue anglaise

17 juin 2013 · par Mathieu de Person sur : 

https://guitare-et-pedagogie.net/2013/06/17/au-debut-du-xixe-siecle-linvention-de-la-guitare-classique/

L'histoire de la guitare classique

Sur :

https://www.guitare-live.com/magazine/10/l-histoire-de-la-guitare-classique/127/5/

Au 17ème et 18ème siècle, c’est en Allemagne que l’on trouve le plus de musique pour guitare ; souvent en formation (guitare et flûte, guitare et basson, etc.), rarement en instrument solo. Autre phénomène : les maîtres du Baroque, de Johann Pachelbel (1653-1706) à Jean-Sébastien Bach (1685-1750) composent énormément pour le luth, mais l’instrument souffre de ce qui a fait son succès : il est trop difficile à jouer, et les musiciens transcrivent les pièces pour luth à la guitare ! On assiste ici à un nouveau retournement.
C’est à cette époque qu’un ouvrage de Joseph Friedrich Bernhardt Kaspar Majer indique, pour la première fois, l’existence d’une guitare à six cordes (accordée en D-A-D-F#-A-D).

La guitare prend un nouvel essor. De grands guitaristes composent pour elle des œuvres au succès mondial et lui rouvrent les portes des salons.

On trouve entre autres :

Ferdinando Carulli (1770-1841)
http://www.classtab.org/fc_and3.txt

Ferdinand Carulli Sur :

https://www.classicalguitarcorner.com/ferdinando-carulli/

Ferdinando Carulli (1770 - 1841) était un compositeur et guitariste italien. Bien que né à Naples, il s'installe à Paris, comme beaucoup de ses contemporains. Contrairement à beaucoup de ses contemporains, cependant, il ne découvre la guitare qu'à l'âge de vingt ans. Son premier instrument était le violoncelle.

Carulli était surtout connu pendant son séjour à Paris en tant que professeur. Il a composé de nombreux ouvrages pédagogiques importants pour la guitare. Son œuvre la plus importante fut sa Méthode Complète , Op.27, publiée en 1810. Cette méthode pour la guitare reçut 4 nouvelles impressions et une révision substantielle dans l'Op.241. En plus de ceux-ci, il existe un supplément (Op.192) qui contient du matériel supplémentaire pour accompagner la méthode. Il a également publié un livre sur l'harmonie, un livre sur le solfège, un livre sur l'accompagnement pour guitaristes, etc.

Carulli a également écrit de nombreuses pièces substantielles pour deux guitares. Son Duo in G, Op.34, est devenu une pièce bien établie dans le répertoire du duo de guitares. Sur :

https://www.classicalguitarcorner.com/ferdinando-carulli/

Fernando Sor (1778-1839)

Guitariste de haut niveau au destin complexe, qui mène une recherche technique intéressante : il utilise une sorte de trépied qui, fixé au tasseau inférieur, maintient la guitare en position idéale et permet de jouer sans avoir à la tenir. Il compose d’innombrables œuvres pour guitare solo, dont l’un des grands classiques du répertoire, l’étude en Si mineur Op. 35 N° 22 (http://www.classtab.org/fs35_22_.txt)

Fernando Sor  participe de façon décisive au développement du répertoire de la guitare et de sa technique. Il effectue une part importante de sa carrière à Paris (entre 1813 et 1815, puis de 1826 jusqu’à sa mort), mais réside aussi à Londres (1815-1823) et à Moscou (1823-1826). Soliste renommé, il se produit également en duo avec le guitariste Dionisio Aguado, le violoniste Charles-Philippe Lafont et le pianiste Henri Herz. Sa Méthode complète pour la guitare (1830) – une référence pour l’enseignement de l’instrument – insiste sur l’importance de la maîtrise de l’harmonie et du contrepoint : « L’étude de l’harmonie et du contrepoint m’ayant familiarisé avec la marche et la nature des accords et leurs renversements, avec la manière de passer la mélodie à la basse ou à quelqu’une des parties intermédiaires […], j’ai exigé de l’instrument des choses de ce genre, et j’ai trouvé qu’il s’y prête mieux qu’au fatras continuel des doubles et des triples croches en gammes diatoniques ou chromatiques. » Si Sor destina une grande partie de ses compositions à la guitare (divertimentos, variations, fantaisies, sonates, études, pièces brèves), il laisse également plusieurs ballets (Cendrillon, L’Amant peintre, Hercule et Omphale, Le Sicilien), des ariettes pour voix et piano, des mélodies et duos en anglais, des pièces pour piano (certaines à quatre mains) et des recueils de seguidillas qui contribuent à lancer la mode de cette danse en France. Nombre de ses œuvres sont malheureusement perdues, parmi lesquelles deux symphonies, trois quatuors à cordes et trois ballets. Sur :

 http://www.bruzanemediabase.com/fre/Personnes/SORFernando

Mauro Giuliani (1781-1829)
http://www.classtab.org/mg_anic1.txt

Giuliani était l'un des guitaristes les plus innovants du XIXe siècle et il a appliqué les techniques de composition des plus grands compositeurs de son époque à Vienne, dont Beethoven et Rossini. On dit qu'il a joué du violoncelle lors de la création de la Septième Symphonie de Beethoven en 1813. Et parmi les œuvres les plus importantes de Giuliani figurent un ensemble de Thèmes et de Variations sur des thèmes des opéras de Rossini, la "Rossiniana" (Opp. 119-124).

Le compositeur a écrit certaines des œuvres les plus importantes pour la guitare de sa génération, dont deux sonates très importantes, Sonata Brillant , Op.15, et Gran Sonata Eroica , Op.150, et la Grande Ouverture , Op.61.

Cependant, il était aussi un grand pédagogue. Et bien que Giuliani n'ait pas écrit de méthode pour guitare comme beaucoup de ses contemporains guitaristes, il a écrit de nombreux ouvrages pédagogiques substantiels. En plus de plus de 100 exercices et leçons et études progressives pour les étudiants de différents niveaux, le tout premier ouvrage publié de Giuliani est un ensemble complet en quatre parties d'études de la main droite, d'intervalles et de leçons progressives. Studio , Op.1 tient sa place comme l'une des œuvres pédagogiques les plus importantes de son temps, aux côtés des méthodes de Sor et d'Aguado. Sur :

https://www.classicalguitarcorner.com/mauro-giuliani/

Dionysio Aguado (1784-1849)
http://www.classtab.org/da_etc02.txt

Aguado a laissé un héritage durable sur la pédagogie de la guitare sous la forme de ses deux méthodes et de ses nombreuses pièces plus faciles pour amateurs et débutants. Après avoir terminé sa première méthode, Escuela de Guitarra, en 1825, il l'a révisée dans une deuxième publication appelée Nuevo Método en 1834. Dans sa méthode, il décrit de nombreux éléments de la technique et de l'apprentissage de la guitare qui sont devenus fondamentaux pour la pédagogie de la guitare classique. Il a même inventé un dispositif pour tenir la guitare qui a inspiré les supports de guitare d'aujourd'hui.

Les œuvres les plus importantes et les plus substantielles du compositeur espagnol sont les 3 Rondos (Op. 2). Ce sont des œuvres virtuoses qui demandent beaucoup à l'interprète. De même, le Menuet Affandango (Op. 15) et le Fandango Varié (Op. 16) sont des œuvres substantielles pour le guitariste concertiste.

Il a également écrit de nombreuses autres pièces courtes et plus simples, certaines pour l'amateur et le débutant. Celles-ci comprennent une série de menuets, valses, contredanses et autres petites pièces. Sur :

https://www.classicalguitarcorner.com/dionisio-aguado/

Matteo Carcassi (1792-1853)
http://www.classtab.org/fc_and2.txt

Matteo Carcassi (1792-1853) Sur :

https://cuerdaspulsadas.com/2016/10/12/matteo-carcassi-pedagogia-guitarra-romantica/

Né à Florence, il s'est consacré à l'étude de la guitare dès son enfance, atteignant rapidement la virtuosité qui lui a valu plus tard une renommée dans toute l'Europe. Dans le sillage de Fernando Sor, il s'installe à Paris en 1820 et parvient à y consolider son style de composition, plus moderne, brillant et mélodieux que celui de ses prédécesseurs. Avec un grand sens de la divulgation, surtout aux niveaux intermédiaires, mais toujours avec des techniques innovantes et un grand sens musical, une utilisation élaborée de la dynamique dans toutes ses compositions. Carcassi est entré dans l'histoire pour sa facette pédagogique, et bien sûr on peut dire qu'il a parfaitement rempli sa mission puisque, presque certainement, pratiquement tous les guitaristes classiques ont joué une étude de Matteo Carcassi à un moment de leur carrière. Bien sûr, nous pourrions également discuter de l'approche et de l'orientation actuellement prises de la guitare classique vers un répertoire du XIXe siècle, car à de nombreuses reprises, nous oublions que la langue et la technique de l'époque avaient leurs propres caractéristiques. C'est sans aucun doute l'un des éternels débats sur la musique des autres époques. Avec la figure de Fernando Sor, il est probable que ses deux opus 59 (Méthode complète pour guitarre ) et 60 ( 25 études mélodiques ) sont les traités d'enseignement de la guitare les plus publiés et utilisés dans l'histoire de la guitare, où l'on retrouve le développement de toutes les techniques de la guitare à deux mains : arpèges, glissandos, trémolos, ligatures, gammes, capodastres… tous indispensables à l'apprentissage de l'instrument. Sur :

https://cuerdaspulsadas.com/2016/10/12/matteo-carcassi-pedagogia-guitarra-romantica/

méthode guitare

C'est peut-être, paradoxalement, la raison pour laquelle la suite de l'œuvre de ce virtuose italien nous semble encore inconnue. La reconnaissance de son travail dédié à l'enseignement des niveaux d'initiation et moyen de l'instrument a relégué le reste de son travail, entièrement dédié à la guitare, à un second niveau, dans lequel on peut trouver un compositeur extrêmement intéressant.  Sur :

https://cuerdaspulsadas.com/2016/10/12/matteo-carcassi-pedagogia-guitarra-romantica/

Ce n’est que dans la seconde moitié du 19ème siècle que la popularité de la guitare s’estompe, une fois de plus. Le pianoforte prend sa place.

C’est pourtant à cette période que le luthier Antonio de Torres (1817-1892), né à San Sebastian de Almeria, invente la meilleure guitare que l’on ait jamais conçue et construite.

Son dessin simple et pur, aux proportions élégantes, permet de prendre la mesure de son génie au premier coup d’œil.

Torres bouleverse la configuration allongée venue de l’époque baroque. Il donne à la guitare les formes que nous lui connaissons aujourd’hui. Il développe et perfectionne les sept barres qu’il installe sous la table, en lieu et place des 4 ou 5 barres transversales employées jusqu’alors. Il définit leurs proportions et leur position avec tant de perfection, que toutes les tentatives faites depuis pour améliorer ce schéma et ces cotes échouent, malgré l’intervention des technologies et des matériaux les plus sophistiqués. Pour démontrer l’importance de son travail sur la table d’harmonie, dont il est convaincu qu’elle est la pièce maîtresse de la guitare, il construit, en 1862, un instrument dont le fond et les éclisses sont en carton. Conservée au Museu de la Musica de Barcelone, elle n’est plus jouable aujourd’hui, mais ceux qui l’entendirent reconnurent immédiatement le bien-fondé du travail de Torres. Les physiciens modernes aboutissent aux mêmes conclusions que lui, qui, quasi autodidacte, travaillait de manière intuitive.

Il définit également le diapason (longueur de corde vibrante) idéal de la guitare : 65 cm. Ses guitares ont une particularité inoubliable : leur sonorité douce et pourtant puissante. Elles ont une "réactivité" sans faille.

Très intéressant est ce constat : en construisant des instruments toujours plus grands, en accroissant les proportions du dessin "Torres", en allongeant le diapason (jusqu’à 68 cm), en élargissant les éclisses, certains luthiers des générations ultérieures tentèrent d’augmenter la puissance sonore de l’instrument mais obtinrent un résultat inverse : en dehors du fait que l’instrument devenait pratiquement injouable, et bien que gagnant effectivement en puissance sonore à proximité, il ne portait pas les fréquences assez loin et s’effondrait au point de devenir difficile à entendre à une certaine distance – alors que le son d’une "petite" guitare Torres atteignait sans difficulté les rangs éloignés d’une grande salle. 

Sur : 

Guitare Live › Magazine › Guitare Live N° 10 › L'histoire de la guitare classique

https://www.guitare-live.com/magazine/10/l-histoire-de-la-guitare-classique/127/5/

Le 19ème siècle 

Sur :  http://maurogiuliani.free.fr/histoire_le_19eme.php

Les diverses tendances empruntées par la guitare dans les siècles précédents peuvent, en rétrospective, être vues comme plusieurs routes primaires et secondaires menant à une seule destination - la guitare à six cordes simples. Cependant, la guitare n'a pas atteint le sommet de son évolution avant le 19ème siècle. À ce moment, l'acceptation de la guitare à six cordes devint universelle, s'étendant non seulement dans toutes les régions de l'Europe mais aussi au continent américain.

Les changements dans les conditions sociales apportées par la Révolution industrielle ont contribué à une connaissance accrue de la guitare. L'amélioration des moyens de transport a permis aux artistes de concert de voyager beaucoup plus qu'auparavant. Grâce au transport par train qui s'étendait à travers le continent, plusieurs guitaristes eurent des opportunités sans précédent de performer devant de grands auditoires à travers des tournées de concert prolongées. Ce fut l'époque des grands virtuoses guitaristes dont les tournées de concert à travers le monde contribuèrent à établir la base solide de la grande popularité que la guitare connaîtrait au 20ème siècle.

Au cours de la première moitié du 19ème siècle, Vienne était la capitale du regain d'enthousiasme envers la guitare. À cette époque, Vienne était devenue une plaque tournante musicale attirant plusieurs musiciens de partout en Europe. Les guitaristes firent partie des musiciens qui vinrent à Vienne et leurs nombreuses performances donnèrent à la guitare l'élan dont elle avait besoin afin d'être reconnue comme instrument solide d'expression artistique.

Simon Molitor (1766-1848)

Fut probablement le premier guitariste important à s'établir à Vienne. Les nombreuses compositions de Molitor comprennent des pièces pour guitare seule et de la musique de chambre avec partitions pour guitare. Parmi ces partitions, on compte des trios pour violon ou flûte, alto et guitare. Ces instruments faisaient partie de la riche vie musicale viennoise de cette époque.

Leonhard von Call (1769-1815)

 Autre interprète, , composa pour la guitare une grande quantité de musique qui devint populaire, de même qu'une méthode pour la guitare.

Mauro Giuliani

Mauro Giuliani (1781-1829), Italien d'origine, est l'un des plus importants chefs de file et interprètes de la musique pour guitare du 19ème siècle. Après un séjour prolongé à Vienne, il eut, après 1807, une grande influence comme interprète. Il a été l'initiateur de la tendance envers les tournées extensives de concert pour guitaristes, il a étendu ainsi l'acceptation de la guitare comme instrument sérieux à travers l'Europe. L'influence de Mauro Giuliani dans la vie musicale de Vienne fut considérable. Il fut l'initiateur des concerts pour guitare et orchestre. À cause de ses talents musicaux et de ses capacités techniques hors du commun, il a fréquemment performé avec quelques unes des plus importantes figures musicales de l'époque.

Giuliani avait comme collègues associés Karl Seidler, Spohr, Loder et Anton Diabelli. Quoique Diabelli (1781-1858) fut à la fois pianiste et guitariste, plus important encore était le fait qu'il fut éditeur de musique. C'est en vertu de cette fonction que son association avec Giuliani se révéla particulièrement profitable. Il publia plusieurs compositions pour guitare, incluant celles de Giuliani, et les efforts qu'il investit dans la promotion de la guitare eurent un effet marqué sur la popularité de l'instrument. On a attribué, pendant un temps, à la fille de Giuliani, Emilia, la découverte des harmoniques sur la guitare.

Franz Schubert (1797-1828)

A joué et composé de la musique pour la guitare. Trop pauvre pour posséder un piano, il utilisait la guitare pour composer. Il composa beaucoup de mélodies merveilleuses avec accompagnement de guitare mais sa plus importante contribution envers la littérature pour la guitare reste, cependant, son Quatuor pour flûte, guitare, alto et violoncelle.

Plusieurs autres guitaristes italiens suivirent l'exemple de Giuliani en donnant des concerts et en éditant leur musique à Vienne. L'un des plus importants était Luigi Legnani (1790-1877). Il développa une technique et une virtuosité qui, éventuellement, surpassèrent celles de Giuliani.

Parmi les nombreux intérêts de Legnani figurait celui de la construction de guitare. Il fit plusieurs suggestions qui conduisirent à des améliorations valables de la guitare. Il était un compositeur prolifique. Ses compositions vont jusqu'à l'opus 250 et incluent un concerto, des duos, des trios, des variations, trente-six Cappricios et un Scherzo.

Matteo Bavilaqua, un autre guitariste italien célèbre, publia plusieurs oeuvres pour guitare seule de même que des compositions pour guitare et piano, guitare et flûte, etc.

Parmi les guitaristes bohémiens, Wenzeslaus Matiegka (1773-1830) a été le plus important. Sa musique, à la fois pour guitare seule et pour guitare avec d'autres instruments de musique de chambre, inclut plus de trente compositions.

Parmi les guitaristes allemands, nous pouvons noter Leonhard Schulz qui était un interprète de fort calibre.

Fernando Sor

Figure éminente du groupe, Fernando Sor a été le plus grand guitariste de la période romantique. Fils d'un marchand catalan, il naquit à Barcelone en 1778 et reçut une formation musicale à la chorale du monastère de Montserrat avoisinant.

À l'âge de 18 ans, Sor écrivit un opéra, Télémaque sur l'Île de Calypso qui fut produit à Barcelone en 1797.

Pendant la période troublée de l'occupation française, Sor fut appelé sous les drapeaux. Lorsque les Français se retirèrent, défaits par Wellington et les armées de guérilla espagnoles, Sor n'eut pas d'autre choix que de partir avec eux. Après 1812, il vécut à Paris la majeure partie du temps, où il donna des concerts charmant le tout Paris.

Il fit ses débuts à Londres en 1815 où il fut le premier et seul guitariste à avoir jamais été invité à performer avec la Société philharmonique de Londres. En 1817, il apparut comme soliste à son propre concert Concertante for Spanish Guitar and Strings. Durant les années 1820, il voyagea en Allemagne et ensuite en Russie. À Moscou, il produisit trois de ses ballets. À la mort du Tsar Alexandre 1er en 1825, Sor composa une marche funèbre à la demande du nouveau Tsar Nicolas 1er. Lors de son retour en France, il travailla inlassablement comme professeur et compositeur.

Ses compositions se chiffrent à plus de 250 ou 300 oeuvres allant de pièces de salon jusqu'à des opéras complets. Ses pièces de musique majeures les plus connues sont des ballets - Cendrillon et Gil Blas. Grâce à son goût et connaissances pour la danse, il était à son mieux lorsqu'il composait des valses, menuets, galops, boléros, et ainsi de suite. Il écrivit, pour le bénéfice d'une encyclopédie française, la première étude faisant autorité sur des danses espagnoles telles que le boléro, seguidilla, murciana et sevillana. Dans un style plus classique, il composa des sonates, fantaisies, et des séries de variations sur des thèmes de Mozart, Hummel et Paisiello.

Cependant, le plus grand haut fait de Sor demeure sa Méthode pour la guitare de 1830 - certainement le plus brillant livre de méthode pour la guitare jamais écrit. Cela est le fruit de quarante années d'expérience.

Stimulés par les innovations et développements dans la technique de guitare et par la demande pour des instruments plus perfectionnés, de plus en plus de luthiers travaillèrent fort afin de satisfaire aux exigences changeantes et de produire des instruments rencontrant ces exigences.

Johann Georg Staufer (1778-1853)

Etait un remarquable fabricant de guitares établi à Vienne. En plus de lui attribuer l'invention de la guitare d'amour, il a également acquis une réputation comme fabricant de guitares de première qualité.

Johann Gottfried Scherzer (1843-1870)

Prit la relève de l'atelier de Staufer. À la suite de ses expériences intensives dans l'amélioration de la sonorité de la guitare et profitant de ses contacts avec des physiciens pour parvenir à son but, il devint l'un des premiers fabricants de guitares à utiliser une approche scientifique, ce qui eut comme résultat la production de guitares de concert de haute qualité.

Interprètes russes

L'invention de la guitare russe à sept cordes a été attribuée à Andreas O. Sichra (1772-1861). Ses 75 compositions pour la guitare à sept cordes sont devenues la base d'une littérature riche à l'égard de cet instrument. Il a écrit une excellente méthode pour la guitare.
Les principes et méthodes d'enseignement de Sichra ont produit plusieurs des excellents guitaristes de Russie: Simeon N. Aksenow (1773-1853) qui est parmi ceux à qui l'on attribue la mise en valeur de l'utilisation des harmoniques; W. I. Swinzow qui a été l'un des premiers virtuoses de la guitare à sept cordes à se produire dans des salles devant un public important.

La prédominance de la guitare à sept cordes en Russie n'a d'aucune façon exclu la guitare à six cordes de la vie musicale du pays. Marcus D. Sokolowski (1818-1883) fut l'un de ceux à maîtriser la guitare à six cordes après avoir débuté sa carrière musicale comme violoniste et violoncelliste.

L'un des musiciens les plus éminents de Russie a apporté une contribution à l'histoire de la guitare. Nicolas P. Makarow (1810-1890) enregistra au jour le jour ses impressions personnelles sur les personnalités et aptitudes musicales des nombreux célèbres guitaristes qu'il entendit à travers l'Europe. En 1856, il organisa à Bruxelles un concours pour la meilleure composition de guitare ainsi que pour la guitare fabriquée de plus haute qualité. Les premier et second prix pour la meilleure composition furent gagnés par Napoléon Coste et Johann Mertz respectivement. Le premier prix pour la meilleure guitare alla à Johann Scherzer de Vienna, le second prix à Ivan F. Archusen de Russie.

En 1823, la fameuse ballerine française Madame Hullin Sor, épouse de Fernando Sor, vint à Moscou afin d'exécuter plusieurs ballets sous la musique écrite par son mari. Sor visita la Russie lui-même et, en souvenir de son voyage dans ce pays, composa un duo de guitares intitulé Souvenir de Russie.

Maîtres italiens

La compétence et la supériorité des interprètes guitaristes italiens étaient telles que leur influence s'est fait sentir dans toute l'Europe et aussi dans les Amériques.

Fernando Carulli

Naquit à Naples en 1770 et mourut à Paris en 1841. D'abord violoncelliste, il se consacra exclusivement, plus tard, à la guitare et devint l'un des plus talentueux virtuoses guitaristes d'Italie. À Paris, il s'est fait une réputation en jouant dans des récitals de salon, en composant ses 360 oeuvres, de même qu'une méthode qui est toujours disponible (Carulli, méthode complète pour guitare en 3 volumes, Ricordi). Il mit au point une guitare avec quatre cordes de basse en plus (la décacorde). Ses récitals contribuèrent à faire de Paris un formidable centre d'activité pour la guitare.

Matteo Carcassi (1792-1853)

 Successeur de Fernando Carulli, développa la technique de Carulli au moyen de sa Méthode complète pour la guitare qui devint la méthode d'étude la plus universellement utilisée au 19ème siècle. Carcassi vint à Paris après des récitals à succès en Allemagne, Italie et en Angleterre auparavant. Il était un grand virtuose et, avec le temps, sa technique devint plus populaire que celle de Carulli.

Niccolò Paganini (1782-1840)

Est mieux connu comme virtuose violoniste mais il était également un très grand virtuose guitariste. Il a presque autant composé pour la guitare que pour le violon: en fait, pratiquement tout ce qu'il a publié dans sa vie contient au moins un passage pour la guitare. Ses compositions se chiffrent à 140 petites pièces en solo, un certain nombre de sonates pour violon et guitare, des quatuors pour violon, alto, violoncelle et guitare, des trios pour guitare et deux instruments à cordes. L'intérêt de Paganini envers la guitare l'a fait entrer en contact avec plusieurs des personnalités les plus importantes du monde de la guitare, parmi lesquelles figuraient Zani de Ferranti et Legnani.

Zani de Ferranti (1800-1878)

A été qualifié d'un des plus grands virtuoses guitaristes de son époque. Hector Berlioz fait allusion à Ferranti dans son traité de l'instrumentation. Zani de Ferranti a beaucoup plus voyagé que la plupart des interprètes de son temps. Il est finalement allé en Amérique et eut la distinction d'être l'un des premiers virtuoses guitaristes reconnus à avoir fait une tournée aux États-Unis. Sa contribution au répertoire de pièces de guitare consiste en plusieurs solos. Ces oeuvres incluent des fantaisies nocturnes, ainsi que plusieurs autres pièces.

À peu près vers la même époque, un personnage de grande valeur apparut dans la personne de Napoléon Coste (1806-1883). Après s'être établi à Paris en 1830 où il s'associa avec d'importants guitaristes tels que Aguado, Sor, Carcassi et Carulli, il joua jusqu'en 1863 lorsqu'un accident rendit sa main droite invalide. Il composa environ 50 oeuvres et a été l'un des premiers guitaristes à entreprendre une transcription en notation moderne de musique du 17ème siècle. En fait, sa contribution la plus importante repose en la force d'impulsion qu'il a donné à la renaissance de l'intérêt dans la musique de guitare baroque.

L'intense activité dans le domaine de l'interprétation, des virtuoses, avait comme égal les efforts des fabricants d'instrument dans le but de produire non seulement plus mais de meilleures guitares. Parmi les nombreux importants fabricants de guitare de l'époque, plusieurs des meilleurs étaient membres de la famille Fabricatore. Gennaro Fabricatore travaillait durant la première moitié du 19ème siècle. Son style se rapprochait d'une étape de la forme moderne de la guitare qui allait évoluer et prendre forme plus tard dans ce siècle. À Paris, le luthier René François Lacôte devint l'un des plus importants fabricants de guitare du siècle.

Bien que la caractéristique la plus frappante du 19ème siècle ait été le grand nombre de maîtres virtuoses ambulants, l'utilisation de la guitare dans la musique de chambre devint aussi plus marquée à cette époque. Parmi les compositeurs qui produisirent de telles oeuvres se trouvaient Johann Bayer, Joseph Küffner, Johann Kapeller et Johann Kaspar Mertz (1806-1856). Mertz utilisait une guitare à huit cordes et, plus tard, une guitare à dix cordes.

Partout où la guitare devint populaire, elle attira l'attention de compositeurs éminents qui dès lors composèrent pour elle. Von Weber (1786-1826) a composé pour la guitare. Richard Wagner (1813-1883) est connu pour s'être souvent intéressé à cet instrument pour s'aider lors de ses compositions, il a écrit des accompagnements pour guitare.

L'un des développements saillants au 19ème siècle pourrait possiblement être qualifié de renaissance de la guitare en Angleterre. Tôt dans l'histoire de l'évolution de la guitare, ce pays a joué un rôle, rôle cependant qu'il n'a pas conservé. Lorsque Londres devint, au 19ème siècle, un centre musical d'importance à l'égal de Paris, Vienne et Saint-Pétersbourg, un grand nombre de guitaristes y furent attirés et vinrent s'y exécuter et exposer largement les Anglais à la musique de guitare, ce qui eut pour effet, en conséquence, de raviver et intensifier l'intérêt du public envers l'instrument. Comme on pouvait s'y attendre, les luthiers prospérèrent en Angleterre pendant ce temps.

Guitaristes d'Espagne

À la même époque, l'Espagne a produit plusieurs guitaristes virtuoses exceptionnels et il est indiscutable que la musique pour guitare a connu un essor remarquable dans l'Espagne du 19ème siècle. Dans le passé, déjà, les guitaristes virtuoses ainsi que les principaux chefs de file espagnols de la guitare avaient obtenu un grand succès en dehors de leur pays d'origine. Fernando Sor est un exemple de ces guitaristes émigrants.

Dionisio Aguado (1784-1849)

Etait un grand virtuose et compositeur. Il était aussi un important pédagogue et sa Metodo para guitarra est toujours considérée comme l'une des meilleures méthodes d'enseignement écrites au 19ème siècle. Sa méthode a été traduite dans plusieurs langues et rééditée plusieurs fois. Il est à l'origine de l'utilisation d'un support afin de soutenir l'instrument tout en jouant en position assise.

Julian Arcas (1832-1882)

Etait un autre virtuoses guitariste espagnol. Après avoir fait la tournée de l'Espagne, il est allé en Angleterre et a donné une performance au Brighton Pavilion en présence de membres de la famille royale. Ses interprétations furent très appréciées. Après être retourné en Espagne, il a continué à donner des concerts et est devenu professeur au conservatoire royal. Pas moins de 80 de ses compositions ont été publiées.

Francisco Tarrega

Les travaux de Franciso Tarrega (1852-1909) représentent probablement la plus importante contribution pédagogique et de technique de guitare, venant d'Espagne. Cela inclut ses compositions qui se classent parmi les meilleures de la fin du 19ème siècle.

Tarrega avait huit ans quand il commença à étudier la guitare. Il a fait par après des études au Conservatoire de musique de Madrid où il devint plus tard professeur de guitare. Il a aussi enseigné au Conservatoire de Barcelone et réalisa plus de 100 adaptations d'oeuvres de Bach, Handel, Mozart et Schubert. De plus, il a réalisé plusieurs compositions: préludes, études, valses, qui sont le reflet d'une harmonie de plus en plus complexe ainsi que d'une technique rendue possible grâce à sa nouvelle approche face à la façon de jouer la guitare.

Cette nouvelle approche impliquait un changement majeur: la position de la main droite perpendiculairement aux cordes au lieu d'être tenue de façon oblique.

Grâce à la méthode de position perpendiculaire des mains, de Tarrega, la technique dite "de la liaison de notes en utilisant la main gauche seule" devint plus facile et le son en était plus clair. Dans tous les aspects ayant trait à la guitare classique, l'oeuvre et le talent de Tarrega étaient certains et ont été d'un secours considérable vis-à-vis l'élaboration de la technique moderne de guitare classique. Ils ont contribué à relancer la popularité de la guitare, qui avait décliné lors des années précédentes. Soudainement, apparut une nouvelle génération de compositeurs qui pouvaient interpréter, au monde extérieur, la musique espagnole dans sa plus pure tradition: Isaac Albéniz (1860-1909), Enrique Granados (1967-1916), et Manuel de Falla (1876-1946). Tous étaient de grands admirateurs de la guitare, mais seul Albéniz grandit en jouant de la guitare aussi bien que du piano. Albéniz allait devenir un des grands pianistes du siècle mais il composait pour cet instrument comme s'il s'agissait d'une guitare. Plusieurs de ses oeuvres sont éminemment bien adaptées à la transcription pour guitare.

Après la mort de Tarrega en 1909, son oeuvre fut poursuivie par un cercle d'élèves doués, incluant Emilio Pujol, Miguel Llobet, Daniel Fortea, et Alberto Obregón.

Le luthier Antonio Torres

Parallèlement aux réalisations de Tarrega, se produisaient des développements dans la construction de guitare. Tout comme l'approche de Tarrega conduisit à établir une fondation solide et développée de l'amélioration de la technique de la guitare, le travail du célèbre fabricant de guitare Antonio Torres Jurado (1817-1892) a conduit directement à la forme de base de la guitare actuellement connue. Il a attaché beaucoup d'importance à la caisse de résonance dans la qualité du son produit. Il a également perfectionné et pourrait être à l'origine de l'utilisation de la structure de barrage en forme d'éventail à l'intérieur de la caisse dans le but de produire un son plus riche. Il a standardisé la longueur des cordes à 65 cm, longueur toujours utilisée aujourd'hui. Il a également standardisé la structure moderne des touches, plus larges et épaisses que sur les instruments précédents et a conçu le modèle du chevalet collé quasi identique à celui que l'on trouve aujourd'hui sur les guitares classiques modernes. La guitare Torres était tellement supérieure à toute autre de la même époque qu'elle devint le prototype de la guitare moderne, le modèle sur lequel on se base pour construire les guitares actuelles, tant en Espagne que partout ailleurs éventuellement.

Les innovations de Torres résultèrent en la fondation d'une vraie école espagnole de construction de guitare dont les membres éventuellement inclurent les plus importants luthiers de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème siècle. Parmi ces luthiers, on retrouve la famille Ramirez.

Popularité grandissante de la guitare en

Amérique

La guitare était connue au Nouveau Monde depuis une époque aussi lointaine que le 16ème siècle lorsque les colonisateurs espagnols vendirent des vihuelas aux Indiens aztèques. La venue d'artistes espagnols et portugais a sans aucun doute fait beaucoup pour favoriser la popularité de cet instrument et, en Amérique du Sud en particulier, leurs activités ont été non seulement l'instrument de la publicité de la guitare mais en ont fait aussi aussi le véhicule de la musique folklorique dans plusieurs pays.

De ces développements a résulté une augmentation d'un nombre de guitaristes connus et de fabricants de guitares en Amérique du Sud et en Amérique du Nord.

La popularité croissante de la guitare a créé une plus grande demande envers cet instrument. Plus tard au 19ème siècle, on a répondu à cette demande accrue au moyen de la fabrication en usine en plus de la fabrication artisanale traditionnelle.

Jusqu'à un certain point, les événements ayant eu lieu au 19ème siècle - l'évolution de l'instrument, les plus grandes occasions et facilité de voyager pour les maîtres interprètes, la distribution plus étendue de la guitare - peuvent être considérés comme naturels et comme faisant partie d'un processus d'évolution prévisible. L'époque révolue de la fabrication d'instruments totalement faits à la main a été remplacée pour la première fois par des machines capables de production en masse.

Plusieurs de ces événements ont pavé la voie à ceux qui devaient prendre place au 20ème siècle.

Sur :  http://maurogiuliani.free.fr/histoire_le_19eme.php

Schubert a tiré son célèbre Quatuor D 96 de cette œuvre, et de nombreuses décennies se sont écoulées avant que la musique ne soit correctement attribuée à Matiegka. 

Wenzeslaus Thomas Matiegka
(1773-1830)

MATIEGKA : SONATES POUR GUITARE (PONT) 

24 JANVIER 2023 sur :

https://www.musicwebinternational.com/2023/01/matiegka-six-sonatas-for-guitar-bridge/

Six Sonates pour guitare, Op.31

Étant donné que Matiegka est un personnage relativement peu connu, il semble judicieux de commencer par quelques informations biographiques. Il est né (comme Vaclav Tomás Matéjka) à Choceň, une ville alors dans le royaume de Bohême (elle est maintenant en République tchèque). Son grand-père maternel, Thomas Matiegka, était organiste et compositeur de musique sacrée, tandis que son père, Jan, était maître d'école et directeur du chœur de la ville. Il a sûrement donné à Wenzeslaus son introduction à la musique. De même, semble-t-il, en l'initiant au violon et au piano, il l'encouragea nettement au chant et, en 1788, il entra, comme soprano, au séminaire de Kroměříž, ville de tradition musicale florissante. Là-bas, le jeune Matiegka semble avoir étudié le violon avec Franz Götz (1755-1815), un compositeur à la réputation considérable en tant que violoniste. Après cette première scolarité, il étudie le droit à l'Université de Prague à partir de 1781, prenant simultanément des cours de piano avec l'abbé Gelinek (1758-1825), pianiste et compositeur d'origine tchèque qui travaillera plus tard à Vienne. Il a également travaillé pour devenir un violoncelliste compétent. Après avoir terminé ses études de droit à Prague, Matiegka travailla pour le prince Ferdinand Bonaventura Kinsky (1781-1812), principalement à titre juridique, bien qu'il développa également ses talents de pianiste avec le soutien du prince, qui était un généreux mécène de la arts – Beethoven a bénéficié de son mécénat. 

 Matiegka s'installe à Vienne vers 1800, vit dans le quartier chic de Leopoldstadt et subvient à ses besoins à la fois en travaillant comme commis dans un cabinet d'avocat et en donnant des cours de piano, tout en étudiant lui-même la composition avec Joseph Heidenreich (1753-1821). Après s'être mis à la guitare, il s'est rapidement impliqué dans la popularité grandissante de l'instrument dans les cercles musicaux de la ville ; en tant que guitariste et érudit Paul  Cesarczyk nous dit dans ses excellentes notes de livret "nous pouvons être sûrs que son cercle d'amis comprenait Simon Molitor (1766-1848), Franz Tandler (1782-1806) et Wilhelm Klingenbrunner (1782-1850)", qui étaient tous des joueurs de, et compositeurs pour la guitare. Matiegka donne bientôt des cours de guitare ainsi que des cours de piano. Il écrivait maintenant de la musique pour la guitare, une partie sans doute destinée à l'usage de ses élèves. Au début, il écrit diverses danses, comme son  Zwölf leichte Ländler  (son Op.1), et des partitions didactiques comme ses  12 Pièces  faciles , Op. 3 et ses  6 Pièces progressives , Op.20. Peu à peu, peut-être au fur et à mesure qu'il commençait à se produire en public en tant que guitariste, il écrivit des œuvres plus complexes et exigeantes. Selon Cesarczyk, entre 1805 et 1817, Matiegka a publié "trente et une pièces avec des numéros d'opus et neuf sans, dont douze sonates pour guitare, musique de chambre, variations, pièces didactiques et sérénades". En 1817, Matiegka devint directeur de la musique à l'église Saint-Léopold (à Leopoldstadt) et assuma plus tard le même rôle à l'église Saint-Joseph, plus éloignée du centre de la ville. Dès lors et jusqu'à sa mort des suites de la tuberculose en 1830, Matiegka semble avoir consacré toute son énergie de compositeur à l'écriture de musique sacrée, dont plusieurs messes. Ceux-ci restent inédits, je crois.

Parmi les œuvres de chambre de Matiegka se trouve son 

Notturno (Op.21). pour flûte, alto et guitare.

Schubert a fait un arrangement (Deutsch 96) de cette pièce, n'ajoutant qu'une partie pour violoncelle et laissant très largement le reste de la plaie intact; que la musique de Matiegka ne soit nullement éclipsée par les ajouts de Schubert, et que l'œuvre a longtemps été considérée comme entièrement de Schubert, est un hommage éloquent (bien que silencieux !) à l'habileté de Matiegka en tant que compositeur. 

Cette compétence est amplement démontrée dans ces six sonates enregistrées par l'excellent David Starobin. On ne sait pas exactement quand ces six sonates ont été écrites ou, en fait, si oui ou non elles ont toutes été écrites à peu près au même moment. Ces doutes invitent à une autre question : jusqu'où ont-ils été conçus comme un ensemble cohérent ? La séquence de tonalités utilisée pourrait suggérer que les six sonates ont effectivement été créées comme un ensemble unifié. Cependant, je ne pense pas que cela soit une preuve convaincante. Les six sonates varient beaucoup en termes de degré de compétence nécessaire pour les jouer avec compétence. Ils varient également en termes de signification musicale. Ainsi, par exemple, le n°1 n'impose pas de grandes exigences au guitariste en termes de technique ou d'interprétation et est relativement simple harmoniquement ; N°3, d'autre part, est beaucoup plus complexe sur le plan harmonique, tandis que le n°5 est, selon l'expression de Paul Cesarczyk, « nettement mozartien » et le n°6 est le plus ambitieux de l'ensemble, tant dans sa gamme d'expression que dans l'utilisation du contrepoint. Sans avoir étudié sérieusement les partitions, je soupçonne qu'en préparant l'ensemble pour la publication, Matiegka a peut-être fait usage d'œuvres antérieures (peut-être avec quelques révisions) et a également inclus de nouvelles compositions.

Je n'avais entendu qu'un seul enregistrement de ces sonates Op.31 avant d'écouter ce nouvel enregistrement : c'était la version de Giulio Tampalini incluse dans son coffret de 7 CD de la Musique complète pour guitare solo de Matiegka (Brilliant Classics BC94335),  sorti  en  avril 2019. Je n'ai pas l'intention d'offenser Signor Tampalini en disant que je ne réalisais pas alors tout à fait quelle belle musique contenaient ces six sonates. Une partie du jeu de Giulio Tampalini me semble aujourd'hui un peu précipitée ; il ne rend pas pleinement justice (comme le fait Starobin) à un passage comme l'  ouverture sérieuse  du n ° 4. Son ton est moins beau que celui de Starobin. L'ensemble Brilliant vaut cependant la peine d'avoir pour toutes les autres œuvres solo qu'il contient.

Les lectures de Starobin font ressortir le caractère distinct de chaque sonate. Au cours d'une vidéo promotionnelle ( YouTube), Starobin propose des descriptions succinctes de la personnalité de chaque sonate, qualifiant la première de "vraiment volatile", la seconde de "tragique", la n°3 de "lumineuse, très douce", la n°4 de "orageuse, très originale en développement formel », le cinquième comme affichant « un mélange d'influences de Haydn et de Mozart » et le dernier comme « presque néo-baroque ». Compte tenu de leur brièveté, ces descriptions verbales ne sont inévitablement que des caractérisations partielles. C'est en écoutant les performances de Starobin que l'on acquiert un sens complet de ces œuvres - les performances étant précises (mais pas difficiles) dans leur articulation de l'unité structurelle de chaque sonate, judicieusement variées dans le ton et la couleur et magnifiquement phrasées tout au long.

Prenez le n°3, par exemple. Comme les cinq autres sonates, elle est en trois mouvements. Au début, l'Allegro moderato d'ouverture est gracieux et satisfait, mais avant longtemps quelques modulations inattendues remettent en question tout sentiment d'une telle assurance, jusqu'à ce qu'une reformulation finale du motif d'ouverture mette fin à tout sentiment naissant de conflit. Tout cela est articulé avec une clarté gagnante par Starobin, qui crée un sentiment d'emphase définitive dans la reformulation finale sans aucun sens d'accentuation excessive ou de rhétorique vide. Le mouvement central est désigné menuet mais, comme l'observe Paul Cesarczyk, il pourrait être « mieux compris comme un scherzo ». Le mouvement est dominé par un motif rythmique insistant. Tout cela disparaît avec le Rondo final, qui est plein de l'esprit de la danse, mais pas du menuet courtois. Ce que nous avons ici, plutôt, est une danse country joyeuse (on pourrait dire innocente). La gamme d'ambiances à travers la sonate est intéressante et le jeu de Starobin fait toutes les distinctions et transitions nécessaires sans le moindre sentiment que quoi que ce soit soit forcé - tout semble à la fois bien structuré et  presque organique.

Quand il s'agit du No.6 - une conclusion retentissante de l'Op.3 de Matiegka, et donc de ce disque - la caractérisation concise de David Starobin comme "presque néo-baroque" sonne juste en termes d'écriture contrapuntique soutenue et complexe du compositeur (cette n'est pas une musique pour les guitaristes débutants), mais l'observation de Paul Cesarczyk, dans ses notes de livret, que "ses séquences descendantes agitées et ses pauses dramatiques sont pleinement dans le  Sturm und Drang style » dit quelque chose d'égale importance à propos de la sonate. Ses trois mouvements sont marqués « Allegro molto », « Scherzo : Allegro molto » et « Finale : Allegretto ». Il y a une qualité compulsive, presque obsessionnelle, dans une grande partie de l'écriture. Le premier mouvement est construit autour d'un motif de cinq notes manipulé de manière inventive par Matiegka. Il y a des épisodes de musique quasi martiale ; finalement la tension de la construction est relâchée, au moins temporairement, par la conclusion rédemptrice plus lente du mouvement. Le scherzo qui suit est également intensément répétitif, avec un motif ascendant récurrent presque sans relâche, allant et venant à plusieurs voix. Le mouvement de clôture est toujours très "occupé", mais moins intensément que les deux mouvements précédents.

Matiegka n'a pas été le premier à écrire des sonates pour guitare pendant les années de «l'engouement» de Vienne pour l'instrument. Cet honneur revient probablement à Simon Molitor avec sa  Grosse Sonate  de 1807 ; Parmi les autres compositeurs qui ont écrit des sonates pour guitare, citons Anton Diabelli et Mauro Giuliani. Il y a cependant quelque chose de particulier dans ces six sonates de Matiegka. 

David Starobin est cité, sur le site de Bridge Records comme décrivant ces sonates comme "en leur temps, le summum de l'expression à la guitare, offrant la notation la plus détaillée de l'articulation et du caractère - une fenêtre claire sur le style d'interprétation à l'époque de Beethoven et Schubert". Je pense que c'est un jugement que peu de ceux qui écoutent attentivement ce disque voudront contredire.

Six Sonates pour guitare, Op.31
Sonate n°1 en ut majeur
Sonate n°2 en la mineur
Sonate n°3 en sol majeur
Sonate n°4 en mi mineur
Sonate n°5 en ré Sonate majeure
n°6 en si mineur
David Starobin (guitare)
enr. 2019, New York
PONT 9567  [74]

 MATIEGKA : SONATES POUR GUITARE (PONT) 

24 JANVIER 2023 sur :

https://www.musicwebinternational.com/2023/01/matiegka-six-sonatas-for-guitar-bridge/

Schubert et la guitare -

Claudio Pinto le 14 Octobre 2016

Entre l'Ars nova et la chanson moderne

Personnalité timide, génie modeste entre tous, Franz Peter Schubert se distingue par ceci; qu'il n'a jamais occupé de fonction musicale officielle. Vivant chichement, entouré d'amis issus de milieux artistiques et littéraires, Schubert était le point central d'événements artistiques organisés périodiquement et connus sous le nom de Schubertiades. Ces rencontres étaient l'occasion pour lui de faire entendre ses plus récentes compositions, parmi lesquelles les lieder figuraient au premier plan. Plusieurs de ceux-ci - il en composa plus de 600 - ont vraisemblablement pris forme à la guitare; il est vrai que Schubert apprit très tôt à jouer de l'instrument à six cordes, qu'il en possédait plusieurs, qu'il en jouait avant le petit déjeuner, honorant parfois de l'exécution d'un lied fraîchement composé la visite impromptue d'un ami. On sait que Schubert ne disposait pas d'une situation financière qui lui permit d'acheter un piano, or la guitare était le moyen par lequel il pouvait entendre le rendu sonore de ses compositions. Parce que celle-ci jouissait déjà d'une très grande popularité à l'époque, plusieurs éditeurs de musique, dont Diabelli, l'éditeur de Schubert, proposaient des transcriptions d'œuvres pour l'instrument. Il n'est pas étonnant que la première édition du cycle de lieder Le beau meunier - dont la pièce Le meunier et le ruisseau figure sur le présent album - ait été publiée pour accompagnement de guitare. Maître incontesté du lied, Schubert peut également être considéré comme l'un des ancêtres de la chanson moderne. Depuis l'avènement de l'Ars nova (« art nouveau ») au 14e siècle, courant musical dont l'un des principaux représentants est le poète et musicien Guillaume de Machaut, les formes lyriques connaissent plusieurs innovations poétiques et stylistiques, lesquelles conduisent, au début du 16e siècle, à l'apparition des premiers lieder strophiques pour voix seule. Successivement, les formes lyriques au temps des troubadours - temps duquel le luth, instrument voisin de la guitare, fut l'un des moyens d'expression de prédilection - convergent naturellement au lied allemand.

La rencontre entre Philippe Sly et le guitariste John Charles Britton  n'est certes pas le fruit d'un hasard. Collaborant depuis plusieurs années, les deux artistes reconnaissent en ces Séances Schubert une façon d'élargir et revendiquer la place qu'occupe le compositeur viennois dans la culture populaire, notamment son influence sur la chanson moderne. Par conséquent, le présent album témoigne de la nécessité de revisiter ces chefs-d'œuvre lyriques dans une forme qui privilégie non seulement leur idiomatisme (plusieurs des pièces, dont Jusqu'où et Sur l'eau pour chanter, recèlent une écriture plus guitaristique que pianistique), mais aussi leur essence polymorphe. Le pari, simple en apparence, est pourtant audacieux : présenter dans sa forme la plus naturelle un recueil de pièces dont l'expressivité autorise l'affranchissement de principes de base, ou la dérobation d'un certain apostolat - fictif ou réel - dans le monde de la musique classique.

album front cover

Il serait impossible de conclure sans parler de l'amitié, valeur si chère à Schubert, et que Philippe Sly et John Charles Britton ne sont pas sans ignorer. En effet, la guitare, en comparaison au piano, octroie une plus grande proximité physique avec le chanteur. Cette complicité artistique sera d'autant plus perceptible à celle ou celui qui prêtera attentivement l'oreille. À propos de son ami Schubert, le compositeur Albert Stadler écrivit : « Quand Schubert était avec nous, nous l'enfermions en attendant dans la Kamerata - salle d'études des élèves - et nous lui donnions quelques feuilles de papier à musique et un volume de vers quelconque qui nous tombait sous la main, pour qu'il pût passer le temps. Lorsque nous revenions de l'église, il y avait généralement quelque chose d'achevé, qu'il m'abandonnait volontiers. Il nous apportait fidèlement ce qu'il avait composé chez lui; nous nous sauvions alors avec lui, ou même sans lui, dans une salle éloignée où il y avait un piano - nous étions ravis d'enthousiasme et enchantés. Et quand nous donnions cours à notre sentiment, il se mettait tout tranquillement au piano, souriait ou lâchait quelque blague; néanmoins cela lui faisait plaisir que nous l'eussions compris. » Cette dernière phrase évoque à elle seule toute l'étendue de la sensibilité et de la générosité du génie de Schubert.

(Citation extraite de Schubert raconté par ceux qui l'ont vu, J.-G. Prud'homme, ed. Stock )

© Claudio Pinto
Date de sortie
14 Octobre 2016  Sur :

https://outhere-music.com/fr/albums/schubert-sessions-lieder-guitar

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